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CHANOI- Les Papes l'ont toûjours reconnue pour leur Cathedrale ; NES REGU- & dépuis S. Sylveftre ils y ont toûjours fait leur demeure, à: LATRAN,EN l'exception de deux ou trois, jufqu'au tems que le S. Siege fut

LIERS DE

ITALIE.

transferé à Avignon; Gregoire XI. l'aïant tranfporté à Rome après foixante & dix ans d'abfence, comme le Palais de Latran contigu à cette Eglife, eftoit tombé prefque en ruine, les Souverains Pontifes ont fait depuis ce tems leur refidence au Vatican ou à Monte-Cavallo.

Dom Gabriel Penot Chanoine Regulier de la Congregation de Latran, qui en a fait l'Hiftoire, pretendant qu'il y a eu une continuation fans interruption de Clercs, qui ont vêcu en commun depuis les Apoftres jufqu'au tems de S. Sylveftre, dit que ce fut ceux-là que ce Pape eftablit dans cette Eglife: mais comme cette pretention eft difputée, & que la veritable origine des Communautés de Clercs n'est attribuée qu'à S. Auguftin, nous croïons plus aifément ce qu'ajoute cet Auteur que S. Leon I. fe fervit vers l'an 440. de Gelafe, qui fut dans la fuite un de fes fucceffeurs, & qui eftoit Difciple de S. Auguftin, pour reformer les Clercs de cette Eglife, & les faire vivre felon les regles que ce Grand Docteur de l'Eglife avoit prefcrites à ceux de fon Eglife d'Hippone, qui ne contenoient que ce que les Apoftres & les premiers Fideles de l'Eglife de Jerufalem avoient pratiqué.

En effet le Clergé de Rome avoit befoin de reforme; puif que S. Jerôme fe plaignoit dès l'an 383. des dereglemens des Cleres de cette Ville, qui n'aïant pû fupporter les reproches de ce grand homme, dechirerent fa reputation par tant de calomnies & de médifances, que pour ceder à leur envie, il' fut obligé de quitter Rome pour retourner dans la Palestine.

Ce fut donc fous le Pontificat de S. Leon I. que les Clercs de l'Eglife de faint Jean de Latran vêcurent en commun. Ils demeurerent pendant plufieurs années dans l'obfervance des Canons Apoftoliques; mais le relâchement s'eftant introduit peu à peu parmi eux, Alexandre II. qui avoit efté Chanoine de la Congregation de S. Frigdien de Luques, fit venir des Chanoines de cette Congregation l'an 1061. pour reformer Eglife de Latran, & aïant fait affembler un Concile à Ro-me l'an 1063. où l'on traita de la reforme des Chanoines,il affujettit ceux de Latran à l'obfervance de ce qui avoit esté ordonné dans ce Concile. Il declara auffi cette Eglise Chef de

NES REGULIERS

plufieurs maifons de Chanoines qui en dependoient, & qui CHANOI tous ensemble formerent une Congregation, qui dés ce temslà prit le nom de Latran,& eftoit feparée de celle de faint Frig- DELATRAN, dien de Luques.

Ils poffederent cette Eglife pendant plus de huit cens ans, depuis S. Leon I. jufqu'à Boniface VIII. qui aïant esté élevé fur la Chaire de S.Pierre l'an 1294. les obligea d'en fortir pour mettre des Seculiers à leur place. Pour lors la Congregation de Latran commença à diminuer, & s'efteignit peu de tems' après, aïant perdu tous les Monafteres qu'elle poffedoit, les uns aïant efté fecularifés, les autres aïant efté donnés à d'autres Ordres, comme celui de Grotta-Ferrata aux Moines de S. Bafile..

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Penot dit que les autres actions de Boniface VIII. rapportées par Platine & les autres Hiftoriens de fa vie, font affez connoiftre les raisons qui le porterent à leur ofter l'Eglife de Latran. Il femble qu'il veuille accufer fon avarice qui le vouloit faire profiter des grands biens qu'ils poffedoient, & qur peut-eftre fervirent à augmenter ces trefors immenfes qu'on lui trouva, lorfque Nogaret Gentilhomme François avec quelques chevaux du Duc de Valois, accompagné des Colomnes & de quelques autres Gentils-hommes de la faction des Gibelins, fe faifit de fa perfonne à Anagnie. Nous verrons dans un autre endroit l'adreffe dont il fe fervit pour parvenir à la Pa-pauté, & la maniere dont il agit envers fon predeceffeur, quii s'eftoit démis de cette dignité, & que l'Eglife honore comme un Saint; mais il ne faut pas nous éloigner des Chanoines Reguliers, qui furent reftablis cent cinquante ans après dans cette mefme Eglife de Latran par Eugene IV. & comme la Congregation Frigdionienne ou de fainte Marie de Frifonaire, fut celle fur laquelle ce Pape jetta les yeux pour en tirer ces Chanoines, & qu'il voulut qu'elle fuft appellée dans la fuite, de S. Sauveur de Latran, il eft à propos de rapporter fon origine.

La Congregation Frigdionienne ou de fainte Marie de Frifonaire, eft differente de celle de S. Frigdien de Luques, dont nous avons déja parlé, quoique ce ne foit qu'à caufe de ce Saint qu'elle ait eité appellée Frigdionienne; car l'on pretend qu'eftant Evefque de Luques, il fit bâtir à trois milles de cette Ville une Eglife fous le nom de Notre-Dame, qui par fuc÷

CHANOL- ceffion de tems à cause de fon Fondateur, a efté appellée fainte NES REGU- Marie Frigdionienne, & par corruption Frifonaire.

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LATRAN, EN

ITALIE.

Cette Eglife avoit toûjours efté deffervie par des Chanoines Reguliers, qui s'eftoient rendus recommendables par la sainteté de leur vie ; mais leurs fucceffeurs au quatorziéme fiécle s'eftoient bien effoignés de leur efprit. A peine trouvoiton chez eux des traces de la Difcipline Reguliere, le temporel eftoit auffi mal adminiftré que le fpirituel, & ce qui reftoitdes revenus qui avoient efté autrefois confiderables, ne fuffifoit pas pour l'entretien de trois Religieux qui s'y trouvoient en 1382.

L'Evefque de Luques y aïant fait la Vifite cette mesme année, avoit tâché d'y apporter quelque reforme. Les Religieux y avoient confenti, & avoient mefme tenté plusieurs fois d'executer un si bon dessein; mais bien loin d'y pouvoir réüffir, les frequents paffages des armées & plufieurs partis qui cftoient fouvent venus piller le Monaftere, les avoient contraints de l'abandonner pour fe refugier dans la Ville.

Comme ils perfiftoient toujours dans leur refolution, Dieu envoïa à leur fecours un faint homme, qui a efté le Reformateur des Chanoines Reguliers en Italie, & à qui l'on a donné le titre de Fondateur de la Congregation de fainte Marie de Frifonaire. Il s'appelloit Barthelemy Colomne de cette ancienne famille des Colomnes en Italie, fi connue par sa nobleffe,par les grands hommes qu'elle a donnés à l'Eglife & dans les armées, & par la charge de grand Conneftable du Roïaume de Naples, qui lui eft hereditaire. Parmi ceux qui en font fortis, il s'en eft trouvé beaucoup qui ont preferé l'humilité & une vie pauvre & retirée à tous ces avantages que les gens du monde estiment tant. L'Ordre de S. François fe glorifie d'en avoir eutrois, qui s'y font renduës celebres par la fainteté de leur vie, qui font les Bienheureuses Catherine, Marguerite & Seraphine Colomne; & fans parler des autres Ordres, celui des Chanoines Reguliers a eu Dom Barthelemy Colomne, qui estant né de parens fi illuftres, ne manqua pas d'eftre élevé dans tous les exercices qui regardent la nobleffe, mais il ne s'appliqua qu'à ceux qui conviennent veritablement à un Chreftien. La grandeur de fa maison ne l'éblouit pas. Il ne fe Alata pas de l'efperance de pouvoir poffeder un jour ces premieres dignités, dont fes Anceftres avoient efté revêtus, & s'il

LIERS DE

embraffa l'Etat Ecclefiaftique, ce ne fut que pour fervir Dieu CHANOLplus parfaitement. Il fe contenta à cet effet d'un fimple Cano- NES REGU nicat, dont il remplit les devoirs avec une fidelité irrepro- LATRAN,EN, chable.

Quoique Dieu lui euft donné de grands talens pour la Predication, il fut neanmoins un affez long-tems fans les faire valoir, pendant lequel il s'appliqua à l'eftude de l'Oraifon & de la Meditation. Mais confiderant l'eftat déplorable où l'Eglife. eftoit reduite par le fchifme qui la defoloit depuis plufieurs an nées, & qui eftoit continué par l'Antipape Benoist XIII. contre le veritable fucceffeur de S. Pierre Boniface IX. & pour me fervir des mefmes termes de Nicolas de Clamengis dans la remontrance qu'il fit au Roy Charles VI. au nom de F'Univerfité de Paris touchant ce Schifme; voïant que l'Eglife eftoit toute défigurée, que les chofes facrées eftoient foulées aux pieds, que les vices fe multiplioient, que les crimes demeuroient impunis par la tolerance de ceux qui, pour fe maintenir dans la Papauté, apprehendoient qu'en les niffant, leur parti ne diminuât: & enfin que la barque de S.. Pierre au milieu de la tempefte, eftoit prefte à perir, il quitta fon païs, fes parens, fes amis, & s'armant du zele de l'amour de Dieu & du falut des ames, il entreprit de combattre les vices qui regnoient fi fort, en prefchant la parole de Dieu, faifant par tout des converfions merveilleufes, & exhortant tousles Fideles à s'unir ensemble fous un mefme Chef.

pu

Il vint premierement en Tofcane, de-là paffant par l'Emilie, il s'arrefta long-tems dans la Marche Trevifanne, où il fit un affez long féjour, auffi-bien qu'à Padouë & à Vicenze. Non feulement plufieurs pecheurs touchés vivement par la force de fes predications, changeoient entierement de vie, & fe convertiffoient à Dieu par une fincere penitence; mais mefme plufieurs Ecclefiaftiques defirant embraffer un estar de vie plus parfait, entrerent dans des Ordres Religieux, ou en establirent de nouveaux...

Entre les autres, Dom Gabriel Gondelmaire, dont nous avons déja parlé fous le nom d'Eugene IV..qu'il prit, lorsqu'il fut élevé au Souverain Pontificat, & Dom Antoine Cor-raire, nobles Venitiens, tous deux neveux de Gregoire XII. furent du nombre des Fondateurs de la Congregation des Chanoines de faint Georges in Algha ; & Louis Barbo auffi

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NES REGU

LIERS DE

ITALIE.

CHANOI noble Venitien, qui fut dans la fuite Evefque de Trevife, entra dans l'Ordre de S. Benoift, où aïant restabli la Discipline LATRAN,EN Monaitique qui avoit fouffert beaucoup de relâchement en Italie, il fonda la celebre Congregation de fainte Juftine de Padouë. Nous ne devons pas oublier le fameux Jurifconfulte Alberic Avogadri Gentilhomme de Bergame, qui' renonçant à toutes les vanités du fiécle, fe fit Religieux dans l'Ordre de S. Dominique, & n'ofant pas efperer de pouvoir parvenir aux Ordres facrés, à caufe qu'il eftoit Bigame, il fe contenta de l'humble condition de Frere Laïc; mais comme il eftoit redevable de fa conversion à Barthelemy Colomne, il reçut peu d'années après par fes mains l'habit de Chanoine Regulier dans le Monaftere de fainte Marie de Frifonaire, auffi-toft qu'il y vit la Reforme eftablie par les foins du Pere Barthelemy qui dans le cours de fa million eftant venu à Luques, où il apprit les bonnes intentions de ces Chanoines,qui, comme nous avons dit, fouhaitoient embraffer une vie plus reguliere; visita leur Monaftere, dont la fituation qui fe trouvoit au milieu d'un bois, lui parut fi favorable au deffein qu'ils avoient de vivre dans la retraite & dans la folitude, qu'il les exhorta à la perfeverance, tandis que de fon cofté il iroit leur chercher des compagnons pour les aider dans leur entreprise.

C pourquoi il retourna dans la Marche Trevifane, & paffa enfuite dans la Lombardie, ne ceffant point de prefcher par tout la Penitence. Il fit de fi grands fruits, que parmi ceux qui fe convertirent à Dieu, il y eut plufieurs perfonnes Religieufes qui refolurent d'embraffer la Reforme qu'il s'eftoit propofée; de ce nombre furent Leon de Carat Milanois, & Thadée de Bonafco, tous deux Chanoines Reguliers de S. Pierre au Ciel d'Or de Pavie, qu'il envoïa à fainte Marie de Frifonaire pour y commencer cette Reforme, ce qui a fait dire à quelques Auteurs qu'ils étoient les Fondateurs de cette Congregation.

Eftant arrivés à Luques, ils trouverent dabord de grandes difficultés, tant à caufe que ce Monaftere eftoit dépourvû de tout ce qui eftoit neceffaire pour l'entretien des Religieux, que parce qu'eftant depuis quelques années fous la Jurif diction de l'Evefque, ils ne pouvoient y entrer ni rien en treprendre fans fa permiffion; mais l'aïant à la fin obtenuë, ils jetterent les premiers fondemens de cette Refor

me

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