Imágenes de páginas
PDF
EPUB

gez; que le Dieu bon voyoit malgré lui le mal fe gliffer dans fon monde, & que le Dieu méchant avoit le déplaifir de voir du bien dans fes ouvrages; que le premier ne pouvoit com-i muniquer fa bonté au fecond, ni le fecond changer la fubftance du premier; que du refte le Dieu bon avoit plus de force pour empêcher le mal que toutes les créatures du Dieu méchant n'en avoient pour le produire ;& que le Dieu méchant avoit plus de: puiffance pour empêcher le bien, que toutes les créatures du Dieu bon n'en avoient pour le faire; que le méchant forçoit les bonnes créatures à faire du mal, & que le bon contraignoit lest méchantes à faire du bien..

Au lieu de Providence ces héré tiques admettoient je ne fçai quels mouvemens & je ne fçai quelle impreffion neceffaire qui joignoit indifpenfablement le bien & le mal dans prefque tous les êtres inferieurs aux Dieux Ils croyoient que l'Ancien Teftament, où l'on punit les hommes

par les eaux & par les flâmes, étoit la parole & la loi du Dieu méchant; & que le Nouveau Teftament au con traire, où l'on ne voit point de fem

As

blable rigueur, étoit l'ouvrage du Dieu bon. Tels étoient les dogmes capitaux de la nouvelle fecte; & l'on en tiroit des confequences abominables, que je déveloperai dans la fuite.

Cependant le Légat Alberic, Geof froy Evêque de Chartres, & l'Abbé de Clairvaux marchoient vers Touloufe. Quand ils furent arrivez à Sarlat, fur les confins du Perigord, & des autres Provinces où l'erreur avoit pris racine, S. Bernard y prêcha avec la force & l'onction qui lui étoient ordinaires : mais on n'avoit point encore entendu parler d'un mi→ racle femblable à celui qu'il fit à la fin d'un de fes Sermons: Comme on lui eut aporté du pain pour le benir il déclara que les malades qui en mangeroient gueriroient de leurs maladies, de quelque nature qu'elles pûffent être. La propofition parut fi forte à l'Evêque de Chartres, qu'il crut devoir l'adoucir. Oui, mes freres dit-il au peuple, les malades qui mangeront de ce pain avec foi releveront de leurs maladies. Ce n'eft pas ce que j'ai dit, reprit le faint Abbé : j'ai promis que quiconque en mangera recouvrera la fanté ; & voila la preuve

[ocr errors]

que je donne des veritez que je prêche. L'évenement répondit à la pro meffe du Saint, & fit autant de zelés partifans de la vraye Religion qu'il y eut de fpectateurs du prodige, & de perfonnes malades qui mangerent de ce pain merveilleux.

On tâchoit de rendre fufpecte la vie de verité de ce miracle, lors que l'arri- S. Bern. vée du Saint à Touloufe acheva de Ann. déconcerter les hérétiques, & obli- de Cigea leurs faux Prophetes à fe cacher, fteaux.. parce qu'elle fut fuivie d'un autre pro dige fi notoire, qu'il étoit impoffible de le révoquer en doute. En effet l'Abbé de Clairvaux étant entré dans : la maifon d'un Chanoine où il y avoit un paralytique connu de toute la Ville, par une feule parole il lui rendit la fanté. Ce miracle valut mieux pour le faint Miffionnaire auprés du Comte de Toulouse que n'euffent fait toutes les brigues & toute l'éloquence imaginable.. Auffine l'écouta-t'on plus comme un homme, c'étoit un Ange venu du Ciel; lui, le Légat & l'Evêque de Chartres annoncerent la verité dans les endroits où l'on avoit debité l'erreur, & l'on vid des con verfions éclatantes..

Guil

Verfeil, ville affez confidérable, laume & où l'on comptoit environ cent maide Puy- fons de Gentilshommes, fut prefque Laurent. la feule qui 'refifta au Saint: On dit

qu'y étant un jour monté en Chaire,
les Bourgeois le laifferent feul dans
l'Eglife. Bernard penetré de zéle à la
vûë de leur endurciffement, les fuivit
jufques dans la Place, où il recom-
mença de prêcher : mais fes auditeurs
fe retirerent dans les maisons, & de
tous côtez ils exciterent un fi grand
bruit, que
, que l'Abbé fut contraint de fe

taire.

En recompenfe les autres Villes & particulierement Touloufe, donnoient chaque jour des marques plus fenfibles de leur refpect pour le Saint. Il eut été accablé par le nombre des perfonnes qui fouhaittoient le voir, lui parler, & recevoir fa benediction, fi le Légat & les Evêques, qui vouloient conferver à l'Eglife une fi grande lumiere, n'euffent jugé qu'il étoit de la derniere importance de donner des bornes au travail qui le confumoit.

Ann. Les Prelats croyoient leur prefence de Cift. & celle du faint Abbé deformais Vie de inutile dans le Languedoc; ils com

S. Bern.

ptoient d'avoir attaché fortement le Comte Alphonfe aux interêts de l'Eglife, & d'avoir éteint l'héréfie. Il étoit vrai qu'ils avoient defabufé le Comte; il faut même avouer qu'ils avoient animé la plus grande partie de Toulouse contre les nouveautez; car aprés leur départ on fit de fi exactes perquifitions, qu'on découvrit l'azyle où Henry le refugioit, & on le remit entre les mains de fon Evêque, qui le tint en prifon le refte de fes jours. Mais il s'en falloit beaucoup qu'on n'eut ruiné les forces de l'erreur. Les Albigeois avoient plié fous l'orage qu'on avoit excité contr'eux, ils avoient déguifé leurs fentimens, & donné quelques marques exterieures de Catholicité, en attendant pour agir des conjonctures favorables, qui ne tarderent pas à fe prefenter.

Alphonfe dans les entretiens qu'il avoit eu avec le Légat & les autres Miffionnaires, avoit conçu pour les Croifades de la Terre Sainte le defir qu'on avoit tâché de lui infpirer.. L'éloquence de l'Abbé de Clairvaux, les prieres du Légat, les follicitations des Evêques, la gloire que fon pere

« AnteriorContinuar »