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Simon Comte de Montfort étoit un des plus grands Capitaines de son fiecle. La force de fon temperament le rendoit propre à foûtenir les plus violens exercices de la Guerre. Sa haute ftature le faifoit diftinguer au milieu des Batailles; & le mouveP. de V. ment de fon fabre fuffifoit pour épouventer les plus fiers ennemis. Il avoit G. de P. un fens froid à l'épreuve des plus terribles dangers, jufqu'à' remarquer tout & pourvoir à tout pendant qu'il contin. cherchoit le plus brave de ceux qu'il avoit en tête pour l'abattre. Il étoit hors du combat d'un commerce tresaimable. On le refpectoit, & on ne pouvoit craindre de l'aprocher; on trouvoit dans lui cette noble franchi-

Guill. le Bret.

Guill.

Tyr.

fe qu'on traite quelquefois de fimplicité, mais qui n'eft au fond qu'un bon fens fuperieur, qui va droit & avec honneur au but où d'autres ne peuvent parvenir que par de lâches artifices. En matiere de politique, comme. en matiere de guerre, il découvroit. précisément ce que peut voir un homme fage. Il avoit naturellement de l'horreur pour le vice; rien ne faifoit impreffion fur lui, que ce qui étoit raifonnable. Il étoit éloquent, heu

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reux, ferme, équitable; perfonne ne lui reprocha jamais qu'il eût violé sa parole. Jamais il n'eut d'autres ennemis que ceux de l'Eglife. On ne peut avoir une foi plus vive que la fienne; c'eft le témoignage que lui a rendu S. Loüis, fi bon connoiffeur en cette matiere. Son zéle, fans lui faire ou foinvil blier ce qu'il étoit, l'égaloit aux le. hommes Apoftoliques; & fi l'on pouvoit lui reprocher quelque chofe ce feroit de l'avoir quelquefois pouffé trop loin; les Sieges & les Batailles ne l'empêchoient point d'entendre chaque jour la Meffe, de donner un tems confiderable à la Priere, de reciter l'Office Divin tout entier, & d'obferver inviolablement les Jeûnes. de l'Eglife...

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Il y avoit déja long-tems qu'il avoit rendu fon nom recommandable. Dès l'année 1199. les Rois de France & d'Angleterre avoient concouru pour lui donner le commande-. ment de la Flotte & des Troupes qui alloient au fecours de la Paleftine. Il réuffit au delà de ce qu'on attendoit de lui, car quoi que les pluyes & le froid, qui fuivirent fon débarque-. ment, ne lui permiffent pas de join

P. de V.

dre les Sarrazins, il profita fi bier
des divifions qui partageoient ces In-
fidelles, qu'il les fit confentir à acor-
der aux Chrétiens le mefme Traité
que Richard, cœur de Lion, Roy
d'Angleterre, les avoit obligé de
figner aprés fes victorieuses & triom-
phantes Campagnes, où il avoit fi
fouvent ruiné les forces des Sarra-
zins. Je n'ofe affurer, contre le fen-
timent de quelques Auteurs confide-
rables, que les Anceftres de Mont-
fort defcendoient du Mariage que le
Roy Robert contracta avec Agnez
Comteffe de Noyon, & qu'il fit rom-
pre enfuite, parce qu'il avoit épousé
la Comteffe fans difpenfe : je ne veux
pas non plus donner atteinte à cette
Genealogie, ne trouvant point de
preuves affez convaincantes du con-
traire pour ôter Montfort à l'augufte
Maifon de nos Rois.

Auffi-tôt qu'il eut été inftallé Ge-
neral contre les Albigeois, on vid ar-
river ce qu'il avoit prévû..

Les Croifez contens d'avoir fervi les quarante jours neceffaires pour ga gner les Pardons, fe vantoient que· l'herefie étoit enfevelie fous les ruines de Beziers & des Faux-bourgs de

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Carcaffonne. Il en partoit tous les. jours un grand nombre pour retourner en France; & Montfort eût d'abord été abandonné, fi l'animofité de deux Princes n'eût produit l'effet: que le feul intereft du Public & de la Religion eût dû produire. Le Duc de Bourgogne & le Comte de Nevers avoient l'un pour l'autre une antipathie, que leurs derniers differens, dont je viens de parler, augmentoient beaucoup. Le Comte crut chagriner le Duc en quittant Montfort, & il partit pour le Nivernois fans garder beaucoup de mefures. Le Duc au contraire cherchant à obliger le General', retint les Bourguignons à fon fervice, jufqu'à ce que la reduction de Fonjaux, de Lombez & de Caftres fembla enfin le mettre en état de pouvoir attendre que le retour du Printems couvrît les bords du Rhône & de la Garonne des nouveaux Croifez qui viendroient l'aider à finir la Guerre. Ce qui juftifioit encore plus le départ de ce Prince, c'eft que. Raymond Comte de Touloufe montroit une ardeur incomparable pour ruiner les Châteaux des Seigneurs Albigeois. On l'eût crû zélé Catho

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lique, fi l'on ne fe fût aperçû dans lá fuite que l'adroit Toulouffin ne ruinoit point d'autres Places que celles qui lui fermoient les avenues de la Comté de Carcaffonne, & qui l'empefchoient d'y agir en maître.

La conduite des peuples avoit quelque chofe de plus fincere que celle de ce Comte. Ils pouffoient vivement les heretiques, fur tout à Caftres, où il arriva une chofe qui merite d'êtré racontée. Les Bourgeois avoient obtenu du Comte de Montfort la permiffion de brûler deux Albigeois dont l'un étoit parfait, c'est à dire, Albigeois du premier ordre, & l'autre croyant, c'est à dire, du fecond ordre; ils précipitoient mefme. avec une efpece de plaifir l'execution du fuplice, lors que le plus jeune des deux coupables jetta un profond foûpir, & témoigna vouloir rentrer dans la communion de l'Eglife. Ce changement étoit fufpect: on affemble le Confeil, on delibere; & ce qui va furprendre, on decide à la pluralité des voix, que dans le doute où on étoit de la bonne foi du jeune Albigeois, il falloit par provifion le faire brûler; que fi fa penitence étoit veri

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