Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1210.

P de V.

pofé que jamais à lui envoyer une-
Armée d'Allemans; ne devant com-
pter ni fur Jean Roy d'Angleterre,
que la France tenoit dans une crainte
continuelle, ni fur le Roy d'Arra+
gon, qui n'étoit pas affez puiffant
pour s'opofer feul aux entreprises des
Croifez, ni fur Philipe - Augufte
auprés de qui toutes les tentatives
étoient inutiles, il fit agir fecrette→
ment auprés des Princes Mahometans
d'Efpagne & d'Afrique, pour les en-
gager à renouveller la Guerre contre-
les Chrétiens; ce qu'ils firent à sa fol-
licitation, comme on le verra, mais
non pas avec le fuccez qu'il s'étoit
promis, & qu'il avoit regardé: come
me un moyen infaillible de faire paf
fer tous les Croifez du Languedoc
jufqu'au fond de l'Espagne..

Cependant une Heroïne fortie de l'illuftre Maifon de Montmorency,.. qui eft en poffeffion depuis tant de fie cles de donner des Heros, paroiffoit à la tête des Croifez aux environs dé Paris.. C'étoit Beatrix fille de Bou chard V. & Comteffe de Montfort, qui étant également touchée du dan ger que couroit fon Epoux, & de cer lui où étoit la Religion, engageoit

fés

parens, fes amis, fes vaffaux à la fuivre malgré les rigueurs de l'hiver & à traverfer avec elle cette grande étendue de païs qui fepare Montfort l'Amaury de Carcaffonne : Un Hiftorien de ce tems-là dit qu'elle avoit l'ame auffi grande que le Comte; qu'on remarquoit dans fa conduite : une pieté noble, beaucoup de génie, & une aplication continuelle pour les Affaires: que fa vertu donnoit de l'éclat à ce qu'elle entreprenoit, & que fes entreprises étoient propres à faire. refpecter fá vertu ; que Montfort ne fouffrit jamais que la Comteffe chargeât les Ennemis, mais que tout l'em pire qu'il avoit fur elle ne put l'em-pefcher de marcher à pied dans des occafions dangereufes, pour donner fon équipage à des Croifez bleffez ou malades, qui ne pouvoient faire affez de diligence pour fuivre le refte des : Troupes..

On s'aperçût bien-tôt qu'il n'avoit manqué jufqu'alors au General qu'un Corps de François affez confiderable pour executer fes projets : les habi- tans de Montlaur éprouverent les premiers le poids de fa vengeance, Montfort les furprit pendant qu'ils

affiegeoient leur propre Garnifon, pour fecouer le joug de la Ligue, & il fit pendre tous ceux qu'il put prendre. Les Bourgeois d'Alzone abandonnerent leur Ville auffi - tôt qu'ils fçûrent qu'on venoit les attaquer; on emporta de förce la Ville de Brom, qui ofa refifter, & l'on fit. crever les yeux & couper le nez & les oreilles à plus de cent hommes de la Garnifon, & cela par reprefailles de la maniere dont les Albigeois avoient traité la plupart des Croifez qu'ils avoient pu prendre. Les prodiges dont on croyoit en mefme tems que Dieu favorifoit l'Eglife, augmentoient la terreur de fes Armes : Une féche ayant donné avec impetuofité fur la poitrine d'un Soldat à l'endroit où il portoit la Croix, elle en rejaillit comme fi elle eût tombé fur du marbre, , & cet évenement joint à la feverité avec laquelle on avoit traité la Garnifon de Brom, fit perdre cœur à plufieurs des Ennemis ; ceux d'Alairac oublierent qu'ils pouvoient tenir plufieurs mois au milieu de leurs Montagnes, & dès le douzième jour du Siege ils fuirent lâchement par des. détours écartez où les Croifez, qui

n'étoient pas accoûtumez à marcher. dans des lieux fi difficiles, ne purent les fuivre.

Les Protecteurs des Albigeois, at-tentifs aux interefts du Parti, voulu-rent arrêter par la lenteur des Négociations une fuite de Victoires, à laquelle ils ne pouvoient opofer la force. Le Roy d'Arragon & le Comte de Toulouse propoferent à Montfort,, que s'il vouloit agir de concert avec eux, ils lui alloient affujettir par les voyes de la douceur & de la média-· tion toute la Nobleffe du Languedoc, qui étoit fur le point de prendre les Armes. C'étoit là, fans doute, le parti le plus fage pour les Albigeois, dont le Roy & le Comte connoiffoient à fond les interefts; & ce fut le feul dont ils ne voulurent point. Le Comte de Foix trouva le Roy d'Arragon trop timide, & il aima mieux ane Guerre dont le fuccez lui paroiffoit encore douteux pour les François, qu'une Paix qui lui auroit été infailliblement honteufe. Sa conduite attira les Armes des Croifez fur fes Terres; on ravagea impitoyablement fa Comté, & ce fut là que Montfort emporté par une de ces faillies de cou

rage qu'on admiroit alors, & qui ne feroit pas du gouft de nôtre fiecle, alla, fuivi d'un feul Gentilhomme charger un gros d'Albigeois qui étoit dans les dehors de la Ville de Foix. A une démarche fi hardie les heretiques reconnurent le bras du Comte,. & pour éviter fes coups, ils entrerent en defordre dans la Ville.

[ocr errors]

Pierre Roger de Cabarade, Guillaume de Menerbe, Raymond de Termes, Aymery de Realmont, &, plufieurs autres des plus confiderables parmi les Novateurs, n'étoient pas épouventez de l'incendie qui avoit defolé le Païs de Foix. Ils fe fortifierent de plus en plus chacun. chez foi, & ils employerent la politique la plus rafinée pour engager le Roy d'Arragon à fe mettre à leur tête: le piége qu'on lui dreffoit en lui faifant efperer qu'on alloit lui faire hommage étoit fi caché, & le prenoit tellement par fon foible; il étoit fi évident que les Places de Cabarade, de la Menerbe, de Termes & de Realmont, qu'on offroit de lui livrer, alloient le rendre maître de la Comté de Carcaffonne, qu'il ne pût refifter. Il vint fecrettement pour

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »