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donner des marques de fa bien-veillance à fes pretendus Vaffaux; & pourvû qu'on lui donnât fur le champ les clefs de la Menerbe, & qu'on l'affurât qu'il difpoferoit à fon gré des autres Villes pendant la: Guerre, il étoit preft d'expofer fa vie & fa Couronne pour le fervice de la Nobleffe du Languedoc. Il ne furt pas long-tems fans connoître que,. tout accoûtumé qu'il étoit à furprendre les autres, il s'étoit laiffé furpren dre. Les Albigeois cherchoient un Protecteur, & non un Maître. Ils: avoient preparé dans Realmont la fête la plus delicieufe du monde pour réjouir le Roy, le gagner, l'enga ger, & pour lui donner de belles. par

roles: mais c'étoit tout..

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Pierre en fut fi indigné, qu'il refufa d'entrer dans Realmont ; & pour mieux fe venger, il-lia étroitement au moins en aparence, avee Montfort, lui demandant pour toute grace qu'on ménageât le Comte de Foix, qu'il promettoit de faire revenir dans les interefts de l'Eglife.

Cette démarche du Roy valoit pour lesCroisez le gain d'une Bataille. Auf f Montfort l'ayant aprise, alla mettre

le Siege devant la Menerbe, qui étoiť fituee au milieu des Rochers & des Montagnes, où elle avoit cela de particulier, que les differents quartiers des Affiegeans qui vouloient l'attaquer, ne pouvoient avoir de commu-nication les uns avec les autres que fort difficilement : la Ville étoit un Fort, d'où une troupe de lions affamez & non pas d'hommes, for-toient fans ceffe pour devorer tout ce qui paroiffoit plufieurs lieuës à la ronde.

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Aymery Vicomte de Narbonne, auprés de laquelle eft fituée cette Plade, eut fait tête au Seigneur de la Menerbe dans une action reglée: mais il n'avoit pu encore trouver de moyens pour arrêter les forties du redoutable Albigeois, qu'il étoit impoffible d'attendre toûjours les Armes à la main, & qui venoit de tems en tems furprendre le plot païs.

Aprés fept femaines de Siege, les Croifez fe virent prefque auffi peu avancez que le premier jour : ce n'étoit ni l'activité des Gafcons qui formoient le gros de l'Armée, ni l'animofité des Narbonnois, ni les batteries de Montfort qui pouvoient for

cer la Menerbe. Un feul ennemi contre lequel le courage ne donne point d'armes, ni les fortifications de défenfes, je veux dire la famine pouvoit la reduire ; & elle la reduifit effectivement aprés un long Siege.. Guillaume Seigneur de la Place fe fit Catholique mais les Bourgeois n'imiterent pas fon exemple.. Au contraire l'Abbé de Vaucernay leurayant declaré qu'on oublioit la profeffion qu'ils avoient faite jufques-là de l'erreur, mais qu'il falloit enfin qu'ils y renonçaffent, ou qu'ils fe dif pofaffent à perdre la vie; ces Novateurs ne fouffrirent pas qu'il en dît davantage, ils protesterent que la mort la plus terrible ne les épouventeroit pas Les plus habiles foûtin rent à l'Abbé, que de riches revenus, beaucoup de crédit & de flâteufes efperances, étoient l'unique obftacle qui l'empefchoient de reconnoître deux principes de toutes chofes, & de dire que comme les biens dont nous joüiffons prouvent l'exiftence d'un Dieu bien - faifant, les maux que nous reffentons prouvent l'exiftence d'un Dieu mauvais : que la Religion des Albigeois devoit être

la Religion de toute la terre, puis qu'elle avoit été celle de tous les tems; que Zoroaftre qui vivoit soo ans avant le Siege de Troye ; que les Perfes, les Caldéens & les Grecs avoient diftingué deux Dieux, celui qui fait le bien, & celui qui fait le mal; que l'amour & la haine dont parle Empedocle ; que le lumineux & le tenebreux des Pytagoriciens; que le mefme & l'autre de Platon ; que la forme & la privation d'Ariftote, étoient les êtres opofez dont il s'agif foit; que Scythien, Therebintus, Manés, Marcion, Valentin, les Gnoftiques, les Pauliciens, les Bulgares, & mille autres avoient fuivi le mefme fentiment, & qu'il faudroit éteindre à plaifir les lumieres de la pour ne pas dire avec Plutarque, le plus fçavant des Manichéens, dans le la nature apuye elle- mefmé un que

Plutar raifon

que,

Traité

Jur this dogme qui paffe fans interruption de Off-fiecle en fiecle.

ris. L'Abbé ne crut pas devoir acorder à l'herefie d'avoir eu mefme des Philofophes qui lui fuffent favorables. Il montra que Plutarque, l'homme du monde le plus entêté du fyftéme des deux principes, citant à faux les

Philofophes dont nous avons encore les Ouvrages, ne meritoit pas qu'on: le crût fur le fentiment de ceux dont nous n'avons plus les Livres que dans l'opinion des Grecs, le feul Jupiter, maître des Dieux, avoit à sa porte, comme dit Homere, les Tonnes du bien & du mal, & les partageoit comme il le jugeoit à propos:. qu'il étoit ridicule de citer la for me & la privation d'Ariftote, pour apuyer le dogme des deux principes: qu'une privation n'étoit rien de réel, & que par confequent fi l'on s'en te noit à l'opinion qui admet ce princiil falloit avouer que des deux: principes neceffaires pour comprendre la production des chofes, Il y en avoit un qui n'étoit rien. L'Abbé, pour déveloper fa pensée, difoit les Philofophes, à l'ocafion de l'être, avoient confideré ce que c'étoit que la privation de l'être; que cette reflexion avoit ouvert une grande carriere à leur fubtilité : qu'à tout être ils avoient opofé une privation ou un néant : qu'ils avoient dit que les chofes paffoient fans ceffe du néant à l'être, & de l'être au néant : que l'être eft lumineux, qu'il eft l'amour, qu'ill

pe,

que

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