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lui acorda celle de rendre vifite à la Dame de Rochefort fa mere, que parce qu'il la croyoit fort propre à le pervertir. Cette Dame & les Pafteurs Albigeois à fon exemple, fe vantoient que le Ciel en leur donnant de l'eau venoit de prouver par un fi grand miracle la juftice de leur caufe.

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D'un autre côté Raynauld de Monçon Evefque de Chartres, qui n'avoit point encore congedié fes Diocefains trouva cent raifons pour faire; car l'efprit apuye toûjours ce que le cœur fouhaite. Les Albigeois s'en aperçûrent; & ce furcroît de de bonheur les enyvra. Les moins aguerris fortirent la hache & le feu à la main, pour attaquer une machine des Croifez, & pas un des François n'ofa la défendre, jufqu'à ce que Montfort informé de la confternation de fes gens, quitta brufquement l'Evefque de Chartres, & fa prefence fit difparoître les Ennemis.

Cette action donnoit un nouvel éclat à la valeur du Comte, fans donner un tour plus heureux aux affaires, L'hyver s'avançoit, & il étoit impoffible de demeurer à l'air, fur des

Montagnes où les vents, la neige & lá pluye battoient le Camp avec une furie qui déconcertoit les plus braves. Quelques Bataillons Lorrains arrivez de nouveau fous la conduite de Thibaut Comte de Bar & de fon filsHenry, furent le feul obftacle à la levée du Siege. Montfort voulut éprouver quel fervice il en pouvoit attendre. On eut dit que le génie de ce General n'étant plus gêné par la prefence des Princes, reprenoit fa fuperiorité ordinaire. Les machines : commencerent d'avoir tout l'effet qu'on en pouvoit attendre ; & les murs de Termes tomberent en tant de lieux differens, que les Affiegez ne pûrent fuffire à les remplacer par nouveaux ouvrages. Enfin Raymond fe vid hors d'état de foûtenir plus long-tems le Siege: mais il ne defefpera pas de vaincre ; lui & fes gens firent une fortie generale pour s'ouvrir un paffage au milieu des Croifez. L'aprehenfion de voir allumer les Le 22. bûchers femblables à ceux de Mener- Novem" :: be ne permettoit pas de fe battre foiblement. Cette refolution étoit inutile: toute l'Armée des Croifez étoit fous les armes, peu d'Albigeois

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échaperent à la vengeance des Catho liques, la plupart furent taillez en pieces, les autres demeurerent prifonniers, & Raymond fut de ce nombre: on le traita d'une maniere à laquelle il ne s'attendoit pas. Car quoi qu'il y eut plufieurs chefs chacun defquels il meritoit les plus grands fuplices, le General ne confidera que fa valeur, & il fe contenta de le faire mener au Château de Carcaffonne; les Dames Albigeoifes eurent du moins autant de fujet de se loüer de la moderation du Vainqueur, On entra tumultueufement dans Termes au milieu des tenebres, fans y faire aucune infulte ni aux fémmes ni aux filles de ceux qu'on venoit Chaff de tailler en pieces. Les Ecrivains, mefme Albigeois, trouvent à cette occafion Montfort digne de leurs éloges.

P. de V. Ce fuccez augmenta les forces des Croifez, l'Armée Catholique oublia les fatigues paffées, & la rigueur de la faifon prefente. En marchant pour forcer Conftance, on aprit que la fortune de Montfort en avoit déja chaffe les habitans. Le Château de Puyvert qui pouvoit tenir plufieurs femaines

fut pris en trois jours: la fortereffe d'Albios ouvrit fes portes; la Ville de Caftres n'ofa faire aucune refiftance; les Habitans de Lombez aprés. avoir muni leurs Places de toutes les. provifions neceffaires, l'abandonnerent au feul bruit de la venue des Croifez,

Tant de bonheur fut l'ocafion dont on fe prévalut pour tâcher d'ôter là vie au Comte de Montfort. En effet, Raymond de Toulouse attentif à ce qui pouvoit rétablir les affaires dès Albigeois, fupofa qu'une longue fuite de Victoires auroit accoûtumé le General François à fe tenir peu fur fes gardes ; & fous le prétexte d'une Conference, il lui dreffa un piége dans lequel les heretiques ne douterent point que Montfort ne donnât. On fupofoit que le François, naturellement peu défrans, venans à l'entrevue fans une fuite nombreuse, ce qui lui étoit ordinaire, feroit enlevé par les gens du Comte de Toulouse. Ou le bonheur, ou la penetration de Montfort le fauverent. Il vint avec l'élite de fes Chevaliers, & en état d'executer, s'il eut voulu, fur le Comte de Touloufe le projet que ce

Prince avoit formé contre lui. Montfort fut furpris de voir ce Comte au milieu des plus paffionnez heretiques, lors mefme qu'il cherchoit à faire fa paix avec l'Eglife: & il le fut encore davantage lors que Raymond lui refufa fon agrément pour lui laiffer charger ces ennemis de la Foy. La Guerre alloit dès lors recommencer entre les deux Comtes,fi le Roy d'Arragon n'eut interpofé fa médiation, que ni l'un ni l'autre ne pouvoient refufer; Raymond, parce qu'il regardoit le Roy comme un ami, & Montfort, , parce qu'il avoit befoin de le ménager pour en obtenir l'inveftiture du Comté de Carcaffonne, & pour empefcher qu'il ne prît ouvertement le parti des Albigeois, pour lequel il n'avoit que trop de penchant. Ce Roy n'étoit plus dans ces momens où fa foy fut fi vive, que pour la fatisfaire il avoit rendu fon Royaume tributaire du S. Siege, ce qui lui a fait donner par fes Sujets le nom de Catholique. La politique la plus mondaine, & la galanterie la plus outrée étoient devenues les regles de fa conduite.

Narbonne fut le centre des nouvel

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