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que de Toulouse avoit fait des prodiges en France, au Païs-Bas, & en Allemagne, où fes Prédications vives & touchantes, foûtenues par une vie femblable à celle des Saints, & par une converfion pleine de charmes, lui avoient gagné generalement les efprits & les cœurs. Pierre de Nemours Evefque de Paris, Enguer-rand de Coucy Chantre de la mefme Eglife, Jourdain du Hominet Evef que de Lizieux, Robert d'Ancenois Evefque de Langres, Pierre & Robert de Courtenay, Inel de Mantes Robert de Cornoaille, le Seigneur de Croy, les Comtes de Juliers & de Mons, Leopold d'Autriche, & un tres-grand nombre d'autres Seigneurs, fuivis d'une Armée confiderable de Pelerins, arrivoient dans le Languedoc, ou étoient fur le point d'y arriver.

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On vainquit avant que d'avoir P. de V. combattu. Deux bandits qui avoient Chron. fait des maux incroyables aux Catho- d'Auliques; l'un fe nommoit Pierre Mi- xerre. ron, & l'autre Pierre de S. Michel, Alberic. quitterent tout à coup la Cabarade où ils s'étoient retirez, & vinrent offrir leurs fervices à Montfort. Roger Sei-

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gneur de la Cabarade ne leur avoir donné nul fujet de mécontentement; mais la Place couroit rifque d'être emportée par les François, & dès là fon amitié devenoit onereufe aux deux Albigeois, qui étoient les hommes du monde les plus interessez. Une grande partie de la Garnifon fuivit l'exemple des deux deferteurs & Roger, fans avoir été affiegé, fut obligé de rendre la plus forte Place de la Comté de Carcaffonne. La réduction de Lavaur coûta autant, que celle de la Cabarade avoit coûté peu. Lavaur eft fituée fur la Riviere d'Agouft, dont les eaux rendent le territoire des environs extrêmement agréable. Il femble que la Riviere prend plaifir à arrofer ce. beau païs où elle fait plufieurs détours. Lavaur apartenoit à une Dame Albigeoife, nommée Giraude. La curiofité naturelle de fon fexe l'avoit portée à fe faire inftruire des nouveautez; & elle étoit d'un caractere toutà-fait propre à s'y attacher, ayant affez de penetration pour voir de la difficulté dans ce qu'on lui propofoit contre la Religion, & n'ayant pas affez de folidité pour fentir toute la

mazone,

force des réponses qu'on y faifoit. Le plaifir de fe voir à la tête d'une Secte charmoit la Dame : c'étoit l'Ac'étoit la Beauté, c'étoit l'Idole des Albigeois ; ellé étoit née voluptueufe, & rien ne lui plaifoit davantage dans l'herefie que l'aprobation qu'on y donnoit à fes libertez. Elle avoit été des premieres à abolir chez elle l'exercice public de la Religion Catholique, & elle croyoit fa Ville imprenable. Aymery de Realmont frere de Giraude, & tres-habile homme dans le métier de la Guerre, y commandoit à la tête d'une Nobleffe nombreuse, qui cherchoit l'occafion de fe diftinguer aux yeux de la Dame, qui étoit veuve, & encore af. fez jeune. Pour donner en un mot une jufte idée du crédit où elle étoit ; il fuffit de dire que les Comtes de Toulouse & de Foix ne garderent plus aucune mefure, dès que les Croifez eurent formé le Siege de Lavaur. Le Comte de Touloufe étoit artificieux, il ufa d'adreffe. Le Comte de Foix étoit violent, il fit un coup terrible. Commençons par dire ce qui fe paffoit à Toulouse.

Le Comte & l'Evefque de Tous

"Evefque

; on.

loufe fe difputoient depuis quelque tems le cœur des Touloufains avoit plus d'inclination pour le Comte, mais la raison perfuadoit que dans les circonftances on en devoit marquer davantage pour l'Evefque : la raifon enfin l'emporta, cinq mille hommes des plus aguerris de TouG. de P. loufe prirent les Armes, & s'aflemblerent dans une des Places de la Ville pour aller tous enfemble à Lavaur au fecours des Catholiques. Le Comte Raymond ne put être infenfible au danger que couroit la Dame de Lavaur; il vole auffi-tôt du côté de la Ville, où le bruit des Tambours marquoit affez que les Touloufains formoient leurs Bataillons; il com-mande, il fe plaint, il prie. Les Touloufains répondent, qu'acomplir le vœu qu'ils avoient fait avec fon agrément, de travailler au rétabliffement. de la Religion, ce n'étoit manquer ni à l'obéïffance, ni au refpect, ni au dévouement qui lui étoit dû; qu'au premier befoin que le Comte auroit de leurs Armes, il les verroit revenir défendre fes Droits & fa Perfonne avec plus d'ardeur encore qu'ils n'en avoient pour aller combattre contre

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les Albigeois qu'il étoit autant de l'honneur du Comte de ne fe point opofer à leur entreprise, qu'il étoit de leur bonne foy d'executer leurs promeffes enfin qu'il ne devoit point empefcher fes Sujets d'être fidelles à Dieu, s'il vouloit qu'ils lui fuffent fidelles à lui-mefme: on ne parloit ainsi qu'en marchant en bon ordre, & Raymond étoit au defefpoir. Il courut à la porte de S. Eftienne, vers laquelle on avançoit; & mettant la main fur les veroüils, il demanda qui des Touloufains oferoit lui rompre les bras pour aller au fecours de Montfort. Il croyoit tout arrêter, parce qu'il voyoit autour de lui quelques Croifez qui le fuplioient inftamment de ne point mettre obftacle à la juftice de leurs intentions ; & pendant ce tems-là le gros des Bataillons ayant tourné par une autre ruë vers la Garonne, paffa la Riviere à gué fans qu'il s'en aperçût.

Les Princes ne fe perfuadent pas aifément que leurs Sujets ceffent de les aimer, & cette perfuafion qui marque de la confiance du côté du Prince, fait tres-fouvent renaître l'amour & la déférence du côté des Su

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