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follicita de nouveau avec empreffement de fe retirer, parce qu'il n'y avoit pas plus de cinq cent hommes en état d'agir dans la Place; il repartit feulement que cinq cent hommes, tels qu'ils étoient, avoient plus de veritable courage que cent mille Albigeois. Il fit en particulier l'éloge de quelques Chevaliers qui venoient d'arriver d'Espagne, où ils avoient fervi contre les Maures; & la fermeté avec laquelle il parla fut fi noble que ceux qui avoient voulu lui infpirer leur crainte, fe laifferent animer par fon courage,

Il n'en alloit pas de mefme dans les endroits où l'abfence de ce Comte laiffa la crainte & le defordre; Plufieurs petites Villes de celles qu'il ayoit conquifes reçûrent le Comte de Touloufe, dont les Troupes paroiffoient innombrables, & à qui Montfort ne pouvoit plus rien opofer depuis que les Allemans avoient repris la route du Rhin & du Danube. Dès qu'on y aprenoit la défaite de quelques François, on en parloit comme de la perte d'une grande Bataille; & ce qui frapoit le plus, c'eft que le peu qui reftoit de Croisez ne pouvoit fe

réunir, parce que la Comteffe de Montfort & fes enfans étoient dans des Villes éloignées les unes des autres ; & où il falloit laiffer de groffes Garnifons pour affurer leurs vie, on n'attendoit plus que la réduction de Caftelnaudary, & le renversement general des affaires de Montfort.

Caftelnaudary étoit divifé en hautę & baffle Ville. L'une & l'autre avoit donné plufieurs démonftrations de fon attachement au parti de l'Eglife & je fuis convaincu qu'elles étoient finceres. Mais la vue d'une Armée formidable troubla l'efprit des Habitans. Sans ceffer d'aimer les Croifez ils commencerent de craindre leurs Ennemis. Les portes de la Ville étoient trop étroites pour ouvrir un affez grand paffage à ceux qui vouloient aller fe jetter aux pieds du Comte de Touloufe. On en vid plufieurs fe précipiter du haut des murailles pour éviter un danger qui n'étoit encore qu'imaginaire. C'eft ainfi que quand la peur eft exceffive, on ne craint que l'objet qui la cause actuellement, & le refte, quelqu'affreux qu'il foit, ne frape point.

Un changement fi imprévû du côté

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des Bourgeois livra la baffe Ville au Comte de Touloufe, fans déconcerter cependant les Croifez qui fe trouvoient les plus forts dans la haute, & qui firent plufieurs jours de fuite des forties fi vigoureufes, que les Tou loufains qui avoient crû prendre Caftelnaudary d'emblée commencé. rent à juger que quoi que la Ville ne pût leur échaper, elle leur coûteroit un Siege dans les formes. Pour y réuffir, ils s'apliquerent à fortifier leur Camp de maniere qu'ils n'euffent rien à craindre, quelques efforts que fiffent les Croifez pour le forcer, enfuite ils détacherent les plus aguerris de l'Armée pour fe loger dans lá baffe Ville, avec toutes les précautions imaginables, prétendant en mefme tems avoir le plaifir de forcer à coup feur la Ville, & d'ôter à Montfort tout moyen de nuire à ceux qui la forceroient: on ne pouvoit, ce femble, rien ajoûter, & néanmoins dès qu'il plût à Montfort de fortir avec

fes

gens, on eut dit que lés murailles de la haute Ville tomboient avec lui pour écrafer les Affiegeans, tant étoit furprenante la vîtefle avec laquelle on vid fuïr ces lâches ennemis de l'Egli Le..

Il n'y eut parmi eux que le Comte de Foix qui ne pût foûtenir la foibleffe de fon parti: Quoi, difoit-il, cent mille hommes n'ofent paroître, & Se battre ! N'est-ce pas vous qui avez obligé les Croifez à lever le Siege de Touloufe? N'est-ce pas vous qui avez taillé en pieces les Troupes du Comte de Bar? Montfort est-il plus terrible avec cinq cent hommes, qu'il ne l'étoit avec vingt mille aux portes de Toulouse ? C'est vous, difoit-il à l'un, qui perçâtes fi glorieufement fon cheval dans telle occafion. C'est vous, difoit-il à l'autre, qui contribuâtes à lui enlever le convoi, dont la prise caufa la famine dans fon Camp.

L'élite des Albigeois ne pouvoit entendre des reproches fi vifs & fi animez fans y être fenfible; elle vouloit faire un coup de vigueur, dont l'éclat pût racoûtumer l'Armée à faire tête aux Catholiques. L'occafion de fe battre ne manquoit pas ; car depuis que les Croisez avoient reffenti la fuperiorité que leur donnoit leur bravoure, ils paroiffoient fouvent rangez en bataille aux pieds des murailles de Caftelnaudary, & c'étoit là ce qui perçoit le cœur du Comte de

Foix & de Bernard fon fils, qui ne lui cedoit que dans le nombre des années L'un & l'autre partent avec leurs Troupes, & joignent les François ; ils font tout ce que doivent faire de vaillans hommes, mais ils ne peuvent vaincre des ennemis invincibles. Il eut fallu que les Albigeois qui les fuivoient euffent été auffi adroits, auffi fermes, auffi agiffans que l'étoient leurs Chefs, & cela éroit-il poffible Des ames vulgaires n'ont pour l'ordinaire qu'un certain degré de valeur, & ne peuvent s'élever jufqu'à la grandeur d'ame qui faifoit le caractere de ces Seigneurs, fur tout celui de Raymond Roger, que les Hiftoriens de la Comte de Foix difent avoir fuivi Philipe-Augufte dans fon voyage de Syrie, & avoir tué de fa main un Sultan, contre lequel il fe battit feul, à la vûë des Rois de France, d'Angleterre & de Jerufalem.

Les machines des Albigeois avoient un effet plus fenfible. Une entr'autre jettoit des pierres d'une groffeur exceffive, dont les coups reftoient marquez vifiblement dans la muraille, Le Comte de Touloufe qui fe confoloit des difgraces paffées, à caufe des

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