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Hiftoire

Roven.

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qui les empefche de fe rebuter. Robert Poulin élevé depuis envides Ar- ron quatre ans à l'Archevefché de chevê Rouen, étoit celui qui conduisoit les ques de Normans: il étoit bon homme, & dévot; à moins que quelqu'un ne s'imaginât (ce qui feroit un peu malin) que ces fortes de qualitez étoient dans lui l'effet de fon induftrie, en un tems où c'étoit celles qu'il falloit avoir pour devenir Archevefque de Rouen. En effet, Philipe - Augufte vouloit un homme paisible & traitable dans le premier Pofte d'une Province nouvellement conquife; & les differens partis du Chapitre n'ayant pû gagner affez de fuffrages pour les perfonnes qui briguoient cet Archevefché, confentirent à prendre un Prelat qui les laifferoit en repos : l'intereft aprend de bonne heure que, fupofé qu'on ne puiffe fe donner le Maître qui feroit le plus de bien, il faut fe donner celui qui fera le moins de mal.

L'Armée des Croisez ne reçut pas avec moins de joye une troupe de Picards, qui marchoient fous la banniere de l'Evefque de Laon. Ces Picards, les Normans, les Allemans,

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& les autres Croifez fe trouverent en fi grand nombre, que le General, qui n'ofoit former le Siege de Touloufe depuis qu'elle fembloit apartenir au Roy d'Arragon, & qui n'avoit point d'autre entreprise affez importante pour occuper tout à la fois tant de Troupes, les divifa en deux Armées, dont l'une, fous la conduite de Guy de Montfort & du Maréchal de Levy, entra dans la Comté de Foix, & l'autre demeurant fous les ordres du General, obligea en un feul jour les Villes de Rabaftens, de Montaigu & de Galliac à fe rendre. Elle rafa Saint Marcel, que Pepios avoit défendu quelques femaines auparavant. Elle traita la Guefpie avec la mefme rigueur, & elle fe prefenta enfuite devant Saint Antonin, fitué au pied d'une Montagne, fur le bord d'une petite Riviere, à l'extrémité d'une belle Plaine. Cette Ville étoit auffi forte, que le territoire en étoit fertile le Gouverneur étoit homme entendu, & tres-digne de la confiance du Comte de Touloufe; cependant en moins de vingt-quatre heures la Ville changea de Maître, par la faute des Habitans, qui n'étant point

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aguerris, ne pûrent fe foûmettre aux ordres de leur Gouverneur, qu'ils enveloperent dans leur ruine.

Agen capital de l'Agenois ne coûta qu'une marche : Arnauld Evefque de cette Ville ayant fi bien employé le crédit de fes amis & de fes parens pour y rendre le parti de l'Eglife refpectable , que Montfort y fut reçû comme un autre David au retour des combats, où il avoit battu les ennemis du Peuple de Dieu. Prefque toutes les heures, depuis Saint Antonin jufqu'à Agen, avoient été marquées par quelque action d'éclat.

L'operation la plus laborieufe de 1212. la Campagne, fut le Siege de Pene, P. de V. que. Pierre de Vaucernay dépeint comme un endroit également beau & terrible. Pene eft bâtie fur la pointe. d'une Montagne qui n'a rien d'affreux; la pente en eft douce, & au pied de la colline on découvre des Plaines qui s'étendent à perte de vûë; les Prairies n'y font préfque jamais fans fleurs; les Vignes y produifent un vin excellent; plufieurs petits Bois comme plantez à deffein, ornent par tout le païfage; l'air feul du Païs donne de la belle humeur & de la for

ce; les Ruiffeaux femblent prendre plaifir à s'égarer & à fe confondre dans mille labyrinthes. Un fi bel endroit ne devoit pas devenir fi redoutable: mais Richard cœur de lion, Roy d'Angleterre, qui vouloit par tout réunir autant qu'il lui étoit poffible & fes plaifirs & fa gloire, avoit choifi ce lieu pour y bâtir une Citadelle qui pût tenir en refpect toute la Province. Les dépenfes avoient êté exceffives, fur tout à creufer án travers des Rochers qui étoient au pied de la colline, des Puits d'une hauteur prodigieufe. Hugues d'Alfar, originaire de Navarre, & lié étroitement avec le Comte de Touloufe, dont il avoit époufé une fille naturelle, étoit Gouverneur de la Place, comme du 'refte de l'Agenois, depuis que Richard l'avoit donné au Comte de Touloufe, & il avoit tâché d'augmenter la force de Pene, foit par le choix de ceux qui compofoient la Garnifon, foit par la conftruction de plufieurs Ouvrages qu'il ménagea dans fa Ville pour fournir à tous les befoins qui pouroient furvenir.

Les Croifez n'avoient point eu de puis long-tems de fi habile homme à

combattre que ce Navarrois: auffi Montfort & lui furent pendant prés de deux mois, c'eft à dire depuis le 3. de Juin jufqu'au 25. de Juillet, comme deux champions, dont la force e

peu prés égale, & qui s'attaquent à differentes reprifes,l'emportant tour à tour en quelque chofe, & ne pouvant fe donner le coup qui décide. On se vantoit de chaque côté d'avoir eu l'avantage, & il étoit vrai que ni l'un ni T'autre ne l'avoit eu. Montfort defefpera de forcer lui feul la Ville, & alors il rapela celles de fes Troupes qu'il avoit congediées.

Si la feconde Armée vint rejoindre la premiere; ce ne fut d'abord, à ce qu'il fembloit, que pour partager fa honte: prefque toutes les Troupes fe rebuterent & fe débanderent, aux Normans prés, qui voulurent voir la fin du Siege, & trouver dans le fac de Pene un pillage qui pût être en leur Païs une preuve de leur valeur. Rien n'étoit plus ordinaire pendant ces Croifades, que de voir un jour Montfort avec cinquante mille hommes, & quelque tems aprés feulement avec cinq ou fix mille, chacun étant maître de demeurer avec lui ou de le quitter.

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