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me auffi Chrétienne que Guerriere,, ne pouvoit manquer d'être penetré de: douleur á la vûë d'un Roy qui mouroit la victime de l'erreur, aprés avoir. été prefque jufqu'à la fin de fa vie un des plus illuftres protecteurs de la: Religion. Les Chevaliers de S. Jéan,, que nous apelons les Chevaliers de. Malthe, emporterent le corps du Roy, & le rendirent aux Arragonnois, qui l'inhumerent dans le Monaftere des Hôpitalieres de Sixena.. Les Albigeois avoient perdu vingt mille hommes, & les Croifez n'avoient perdu qu'un feul Chevalier,. & un tres-petit nombre de Soldats.. La Lance & l'Etendard du Roy d'Arragon étoient demeurez au pouvoir des Victorieux, & leur General envoya l'un & l'autre au Pape, avec: la nouvelle que le Roy d'Arragonavoit ceffé de vivre auffi tôt qu'il avoit ceffé d'aimer l'Eglife.

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Toulouse ne fut rien moins que confternée par la perte de la Bataille: elle refufa de donner un affez petir nombre d'ôtage, dont les Catholiques étoient prêts de fe contenter,« pour lui acorder la Paix. Montfort méprifa, comme il devoit, une hau

teur fi mal entenduë; il fit bloquer la Ville par une partie des Troupes qui lui vinrent en ce tems-là, & il ordonna au refte d'aller avec Raoul G. de P. Evefque d'Arras achever la ruine enP. de V. tiere du Païs de Foix, nonobftant les défilez continuels où il falloit s'engager à travers les Montagnes fur lefquelles les habitans fe cachoient au fond des Rochers, d'où ils tiroient fans ceffe fur les Croifez qui ne pouvoient ni les voir ni les ateindre. On porta auffi la Guerre vers les rives du Rhône dans un territoire dont les richeffes & la beauté pouvoient dédommager des peines qu'on avoit prifes dans la Comté de Foix. Les Terres de Ponce de Montlaur, un des Seigneurs qui avoit défendu Montferrand contre la Ligue, furent les premieres où l'on alla, & l'on y eut fait le ravage que meritoit cet ennemi implacable des Eclefiaftiques, fi l'humiliation profonde dans laquelle il parut aux pieds du Comte de Montfort n'eût calmé la jufte colere des Croifez. Des Terres de Montlaur on paffa vers Valence, qui apartenoit à Aymard de Poitiers. Ce Seigneur, aprés avoir jetté de fortes Garnifons

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dans fes Places, s'y étoit mis en embufcade pour furprendre Montfort: il eut affez de cœur pour former ce deffein genereux, mais il n'en eut pas affez pour l'executer ; il n'ofa paroître quand les Croifez pafferent.

Le Comte s'en aperçût, & ne voutoit pas le perdre, convaincu que celui qui n'ofoit l'attaquer viendroit bien-tôt implorer fa clemence. Il continua donc fa marche, & il eut le plaifir de rencontrer les Princes au devant defquels il venoit. C'étoit Odon Duc de Bourgogne, & le Dauphin André fon frere, fuivis des Archevefques de Lyon, de Vienne & de Narbonne. Le Duc étoit le protecteur déclaré de la Croifade: le Dauphin avoit une fille nommée Beatrix, qu'il vouloit donner à Amaury de Montfort, fils du Comte. Le General de la Ligue n'avoit jamais été felicité fur le fuccez de fes Armes d'une maniere en mefme tems fi honorable & fi fincere qu'il le fut alors. Les cœurs des deux Princes s'ouvrirent pour lui fans referve. Le Dauphin lui donna fa parole pour le Mariage de Beatrix avec Amaury; & le Duc de Bourgogne obligea Aymard de

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Poitiers à recevoir Garnifon Catholique dans fes meilleures Places.

Ces illuftres amis n'étoient pas les feuls qui travailloient à l'agrandiffement de Montfort. Guy Evefque de Carcaffonne, Guillaume Archidiacre de Paris, & le Docteur Jacques de Vitry lui gagnoient le Cardinal Robert de Corfon, qui défendoit depuis prés de deux ans aux Miffionnaires d'enrôler perfonne pour les Croifades du Languedoc. Le Legat, d'ennemi, pour ainfi dire de Montfort, devint admirateur de fon merite; & trouvant les interests de JESUS CHRIST beaucoup plus faciles à foûtenir dans un Païs où ce grand Homme domptoit les Rois, que dans la Palestine, où les Fidelles ne remportoient pas de femblables avantages, il voulut être du nombre de ceux qui fe croifoient pour le Comte, ce qui fit une fi prompte revolution en France, où les Peuples aimoient Montfort, que les Pelerins reprirent la route du Languedoc avec une ardeur que j'aurois de la peine à exprimer.

De telles forces étoient neceffaires pour venger la mort d'un ami que les Catholiques venoient de perdre de la

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maniere du monde la plus funefte, Baudouin frere du Comte de Touloufe, & qui avoit eu long-tems un attachement inviolable pour fon frere mais qui n'avoit pu demeurer dans fes interefts, depuis qu'à la qualité de mauvais frere il avoit joint celle de protecteur de l'herefie: Le genereux Baudouin venoit de tomber dans les mains des Albigeois ; ce n'étoit point dans une action reglée qu'il avoit été pris, fon courage, l'eut rendu Vainqueur de fes ennemis dans un danger de cette forte: Une noire trahifon le perdit. Ce Seigneur, dont la complexion étoit foible, & qui depuis plufieurs mois n'avoit pu quitter les Armes, s'étoit retiré vers le commencement du Carefme dans une petite Ville du Quercy, nommée Olme, où il prétendoit reprendre des forces proportionnées aux nobles projets qu'il formoit pour la nouvelle Campagne, & croyant être en feureté dans une Place qui lui apartenoit, il n'avoit autour de lui qu'un tres-petit nombre de Croifez, & deux Seigneurs de fes amis, le Gouverneur de Moyfac, & Guillaume de Contris. Il ne lui en falloit pas davan

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