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rent au pied de la bréche. L'Ennemi fe trouvant ferré dans la Ville, & de plus abandonné par le Roy d'Angleterre, fembloit être aux abois, quand il fit un coup d'une vigueur étonnante. Car la nuit du 17. d'Aouft, aprés plus de cinquante jours de Siege, il fortit Tambour battant; & fon agilité pour fe retirer fut fi grande, ou la refiftance qu'on lui fit fi foible, ou fa valeur fi terrible, qu'il se fauva à la vûë des Croisez, qui admirerent encore plus le courage des Albigeois quand ils entrerent dans Caffeneüil, dont ils trouverent les dedans tellement ruinez par les pierres qu'on y avoit jettées, qu'ils ne fçavoient prefque où les Ennemis avoient pu fe loger pendant un fi long Siege.

Fin du fixiéme Livre.

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HISTOIRE

DES

CROISADES

CONTRE

LES ALBIGEOIS.

LIVRE SEPTIE'ME.

EUREUSEMENT tous

H les Albigeois n'étoient pas fi

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braves que ceux de Caffeneüil. On entra dans le Perigord, & la réduction de plufieurs Places fut l'occupation de peu de jours. On y démolit d'abord les Châteaux de Bernard de Cafvac, l'homme le plus cruel de fon Siecle, & qui n'auroit peut-être jamais eu d'égal au monde, fifa femme fœur du Vicomte de Tu- P.dev.

renne n'avoit eu le cœur auffi dur que fon mari l'avoit. L'un & l'autre jugeoient qu'une prompte mort, & des fupplices de quelques heures, étoient un tourment trop doux & trop précipité pour les Croifez qu'ils pouvoient furprendre. Ils leur crevoient feulement les yeux, ou ils leur coupoient les jambes & les bras, afin que leur P. de V. malheur durât plufieurs années. Dans la feule Abbaye de Sarlat on trouva cent cinquante hommes eftropiez de cette forte les femmes étoient du moins auffi mal traitées. La Dame de Cafvac leur faifoit arracher les mammelles, & écrafer les poulces; cependant l'Hiftorien qui raporte ces faits tragiques, croit ne raconter qu'une partie de ce qu'il y auroit à dire.

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Des Terres de Cafvac l'indignation des Croisez paffa fur celle de Benac dont les Seigneurs, fans être auffi barbares que le Gentilhomme dont on vient de parler, caufoient des maux incroyables, par la protection leur famille donnoit depuis prés de cent ans à l'herefie. Celui qui portoit alors le nom de Benac vivoit bien avec tout le monde, excepté avec fes Pafteurs, & avec fon Maître le Roy

que

d'An

d'Angleterre. Il fe fervoit de l'apui des heretiques pour fouler aux pieds la Religion, & il employoit les Armes des François pour vivre dans la révolte contre fon Roy. Il n'avoit pas cru devoir rien craindre de Montfort, parce qu'il fe flâtoit d'être fous la protection du Roi de France: mais Philipe, qui avoit les vûës droites, aima mieux perdre un Allié, que de conferver un heretique. Il écrivit à Montfort qu'il eût à traiter Benac comme il le jugeroit à propos; & le Comte trouva un temperament. I punit l'heretique, & il fauva l'ami de la France. En effet, il fit abbatre quelques pieds du haut des murailles de Benac, pour humilier le protecteur des Albigeois, & il laiffa néanmoins les mefmes murailles affez hautes, pour y retirer & pour y mettre en feureté les ennemis de l'Anglois qui y étoient toûjours reçûs à bras

ouverts.

Sur ces entrefaites deux grands évenemens qui arriverent dans des Provinces éloignées du Languedoc éleverent beaucoup la Ligue au deffus de l'état où ces petites Victoires la mettoient. Je veux parler de la fa

P

meufe Bataille de Bouines, que Philipe-Augufte gagna fur l'Empereur Othon & de la déroute generale que Louis de France caufa dans l'Ar mée des Anglois par le feul bruit de fa marche. La France alors fuperieure à tous fes Voifins, fut plus en état que jamais d'apuyer Montfort. Philipe donna au Comte un ample pouvoir pour terminer de fa part dans les Provinces de la Maifon de Toulouse les differents qui demandoient l'ordre du Souverain. Le Roy en ufoit ainsi pour difpofer les Peuples à refpecter de plus en plus Montfort, & à fouhaiter de vivre fous fon obéïffance; car Philipe ne cherchoit plus que des prétextes pour recevoir l'hommage de cet illuftre Vallal, & pour lui donner l'inveftiture des Comtez qui avoient apartenu à Raymond.l'Allié infeparable de l'Empereur Othon & de Jean Roy d'Angleterre, dont on venoit de ruiner les forces.

Montfort pour feconder les intentions du Roy continuoit à donner chaque jour de nouveaux coups à Therefie, & à s'attacher plus étroitement à la Cour. Une de fes maximes étoit, qu'on peut procurer de la gran

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