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état de paroître en rafe campagne de vant l'Armée de la Ligue ; & qu'en tre les Touloufains & la mort qu'ils meritoient il ne reftoit plus que la clemence de Montfort. Cependant Raymond n'arrivoit point, & les Albigeois qui ne firent d'abord que douter fi l'avantage du jeune Prince avoit été auffi grand qu'on le publioit, commencerent à connoître que leur animofité contre la Ligue leur avoit fait commettre une faute qui les livroit, eux, leurs biens & leurs maifons à la difcretion d'une Armée ou tragée. Touloufe, de la plus vaine prefomption, tomba dans une confternation humiliante. On éteignit il est vrai, le feu qui confumoit les maisons mais du refte on ufa de tout le droit que la Victoire donnoit. Le refte des anciennes murailles de la Ville fut rafé, les belles Maisons qui fervoient d'ornement ou de fortereffes furent renverfées; il fallut donner un tres grand nombre d'otages, & fournir, les uns difent trente mille, les autres quatre-vingt mille marcs d'argent: la plus perite de ces fommes étoit tres-confidérable, aprés les continuelles defolations d'une longue

Guerre, & cette fomme néanmoins fut levée avec une feverité qui reffembloit au pillage d'une Place prife d'affaut. De fortes raifons portoient le Comte à tenir une conduite fi fevere: la neceffité d'établir fon autorité, le defir d'arrêter par un fi terrible exemple le progrez de l'Armée du jeune Raymond, à qui la Ville de S. Gilles & quelques autres de celles qui font autour de Beaucaire venoient de fe rendre, le befoin preffant qu'il avoit d'argent, fans parler du malheur qu'il eut alors d'écouter le confeil de quelques perfonnes qu'il fe croyoit fort attachées, parce qu'elles devoient l'être, & qui abufoient de fa confiance. En effet, ceux qui allumerent Puylaule plus la colere de Montfort, ne le rens. firent que pour porter les Touloufains au defefpoir, en leur ôtant tout,. excepté le defir de fe venger. Montforr devoit pour ainfi dire, en faire encore plus contre les rebelles, ou en faire beaucoup moins: En faire plus & les difperfer dans les differentes Villes du Languedoc; en faire moins, s'il avoit refolu de les laiffer réunis enfemble en auffi grand nombre qu'ils étoient. Les Touloufains, avec le

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tems s'aperçûrent que fans argent ils pouvoient le battre: ainfi s'arrachant d'un côté jufqu'au dernier fol pour contenter l'avidité de Montfort; de l'autre ils traitoient avec le vieux Raymond de la maniere de lui livrer Touloufe.

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Les circonftances devenoient favorables, ils ne craignoient plus les inondations des Croifez; car on 'fupofoit en France que Montfort étoit Maître paisible du Languedoc; ils 1217. aprirent mefme enfuite la mort d'Innocent III. qui arriva le 16. Juillet de l'Année 1217: & ils étoient bienfeurs que fon Succeffeur, quel qu'il fût, n'auroit pas un empire auffi ab folu fur toutes les Nations Catholiques que l'avoit eu fon Prédeceffeur.. Cependant la diffimulation des Touloufains fut profonde. Ruinez par les exactions de Montfort, ils fe plaignirent affez pour ne pas paroître infenfibles, mais beaucoup moins qu'il ne falloit pour laiffer entre-voir la re folution où ils étoient de fe delivrer de la domination qui les oprimoir. Ils ne firent aucun mouvement,

·pendant que l'Armée du Comte prit Mongarnier au Comte de Foix, qui

recommençoit la Guerre. Ils furent tranquiles fpectateurs de la démolition de plufieurs Forts fituez aux en→ yirons de Termes, où une infinité de brigands avoient coûtume de fe retirer. En un mot, tout fut fi paisible, que Montfort, aprés avoir mis une forte Garnifon dans le Château Narbonnois, & laiffé un Corps de Trous pes à fon fils & à fon frere pour te nir les environs de la Ville dans le devoir, crut n'avoir rien à craindre du reffentiment des Touloufains : c'est pourquoi accompagné des Pelerins, avec qui l'Archevefque de Bourges & l'Evefque de Clermont étoient ve nus le trouver, il partit pour ranger à la raifon S, Gilles, Beaucaire, &: les autres Villes qui s'étoient renduës au jeune Raymond..

La plupart des Places ne firent aucune refiftance, & le refte n'étoit gueres en état d'en faire, quand la complaifance du General pour le Cardinal Bertrand Legat du S. Siege mit de ce côté-là des bornes à fes Conquêtes, & l'éloigna extrémement de Toulouse.

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Le Cardinal Bertrand, qui étoit depuis quelque tems en Provences

réuffiffoit fort mal dans le deffein ou il étoit de gagner les Provençaux, & de leur faire agréer les Réglemens que le Concile de Latran avoit faits, du confentement de toutes les Puiffances de l'Europe, par raport à leur Païs, qui ne devoit apartenir à Raymond le jeung, que quand il auroit donné des preuves fuffifantes de la fincerité de fa Religion. Ce peu de fucceż ne venoit pas feulement de l'inclination des Peuples pour Raymond, il venoit du moins autant de la dureté du naturel & des- manieres du Legat. Il s'imaginoit qu'en ce monde c'eft affez d'avoir raison, & qu'il eft inutile de rechercher les ménagemens & les adouciffemens que l'homme fage employe pour faire goûter les projets les plus raifonnaBles. Les Provençaux revoltez par la conduite du Legat, le tinrent quelque tems comme affiegé dans Orange; & quand ils furent informez qu'il vouloit paffer le Rhône pour joindre Montfort, ils lui fermerent les paffages dont ils étoient maîtres. Ils chargerent à coups de pierre les gens de fa fuite, pour l'éloigner de la Riviere. Le Legat néanmoins paffa le Rhône

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