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Viviers, & il détermina le Comte à porter la Guerre dans la Provence, pour la punir de ce qu'elle refpectoit fi peu les ordres du Concile.

La complaifance ne dut pas coûter beaucoup à Montfort, à qui l'on ouvroit un vafte champ pour de nouvelles Conquêtes. Il fit repaffer le Rhône au Legat d'une maniere auffi triomphante, que fon premier passage avoit été honteux. Les Provençaux qui quelques jours auparavant n'avoient pour lui que du mépris n'oferent l'attendre, quoi qu'ils euffent couvert la Riviere de Barques armées pour s'opofer à fon paffage : ils ne défendirent pas mieux les Places qu'ils avoient défendu la Riviere. On ne trouvoit que des Maifons, & non pas des Villes; les Habitans s'étoient retirez dans les Bois & fur les Montagnes; les Seigneurs firent hommage au Comte; on mit le Siege devant Creftamauld pour punir Aymard de Poitiers Comte de Valenti

nois, dont on étoit mécontent à caufe des violences dont il avoit ufé contreEvefque de Valence, & à cause des liaifons qu'il avoit entretenues avec les Princes de Toulouse. Cette Guerre:

ne dura pas : l'Evefque de Valence, dont les droits étoient foûtenus par une Armée entiere, devint bien-tôr refpectable au Comte de Valentinois; celui-ci voulut fa Paix à quelque prix que ce fût ; & pour l'obtenir il traita du Mariage de fon fils avec la fille da nouveau Comte de Touloufe.

Je ne fçai s'il y avoit beaucoup de fincerité dans fa conduite, puis qu'au mefme tems qu'il occupoir le Comte & le Legat dans des Conferences toû jours agréables, parce qu'elles rouloient & fur l'Alliance de Montfort avec la Maifon de Poitiers, & fur les: foûmiffions: d'Aimard pour le Saint Siege. Touloufe raffurée par l'éloignement du General de la Ligue, & s'embaraffant peu des forces qu'il avoit laiffées pour la tenir en bride, ouvrit fes portes à Raimond le vieux; qui vint s'y jetter avec le Comte de Cominges, le Comte de Palis, & quelques autres de fes amis. Puylau rens affure que plufieurs des Bourgeois qui n'avoient point trempé dans la confpiration, eurent de la peine à .confentir à la révolution qui fe faifoit. Quelques Manufcrits difent que toute la Ville n'eut qu'un cœur &

qu'une voix à la vûë de Raymond pour la profperité de qui l'on pouffa mille cris de joye, ce qui eft beaucoup plus vrai femblable, feit que l'on fe fouvienne de la difpofition où étoient les Touloufains, foit qu'on faffe attention à leur activité incroyable pour creufer des foffez, & fe barricader: ils le firent en fi peu de tems, que Guy de Montfort, qui n'étoit éloigné de Toulouse que de quelques lieuës, arriva trop tard pour emporter la Ville de force. Il lui livra coup fur coup deux affauts qui font une preuve de fon courage, mais qui ne Pexcufent point de ce qu'il fe laiffa furprendre, & de ce qu'il fçut fi mal retenir dans l'obéiffance une Ville, pour la confervation de laquelle on ne fe feroit aparemment pas repofé fur lui, fi on l'avoit cru capable de laiffer un moment aux Touloufains pour paffer de la crainte à la révolte.

Ce renversement des affaires produifit des effets bien differens, felon les divers caracteres de ceux qui en aprirent la nouvelle: il glaça l'ardeur que l'Archevefque d'Auch & Aguirault Comte d'Armagnac avoient eu pour le Comte de Montfort, & il

1217.

alluma ce qui reftoit d'attachement pour Raymond le vieux dans les Terres de Gafpar de la Barre, de Bertrand, Jourdan, d'Enguiraud de Gordon Comte de Carman, d'Arnaud de Montegu, & d'Etienne de la Vallette, qui vinrent le joindre à Touloufe. La nouvelle de la revolte paffa bien-tôt le Rhône; & au lieu des foûmiffions & de l'Alliance du Comte de Valentinois, qu'on goûtoit avec plaifir, elle vint montrer à Montfort Touloufe perdue, fon frere peu digne de la confiance qu'il avoit prife en lui, la Comteffe fa femme, fa belle-fille & leurs enfans enfermez dans le Château Narbonnois au milieu des Albigeois, la difficulté de dompter les Touloufains & un changement prefque general fur le vifage de ceux qui l'aprochoient: les uns fembloient être bien aifes de fa difgrace; les autres paroiffoient lui reprocher qu'il étoit malheureux par fa faute: ceux-ci craignoient de nouveaux defaftres pour l'avenir, ceux-là le fatiguoient par des avis inutiles; tous generalement l'embarraffoient, parce qu'ils étoient embarraffez.

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Les Croisez & les François, qui

dépendoient de Montfort eurent ordre de fe rendre autour de Toulouse, & leur General en arrivant au pied des murailles livra le plus terrible affaut qu'eut jamais foûtenu cette Ville. Guy de Montfort fon frere & Amaury de Montfort fon fils, fe jetterent au milieu de la mêlée dans le foffe: Amaury de Montfort y fut bleffé & Guy de Montfort eut les deux cuif fes percées d'un coup que lui porta le Comte de Cominges: le General fit les exploits les plus extraordinaires pour attacher la Victoire à fon Parti; mais les defordres de fes Sujets empefchoient Dieu de benir fes Armes.

Nonobftant les difficultez qui fe prefentoient, le Legat Bertrand parloit de la réduction de Toulouse comme d'une chose facile & cela lui attira de fâcheux reproches de la part de Robert de Peguigny, qui lui dit durement qu'en vain il diffimuloit la grandeur de la playe que fes méchans confeils avoient fait au Corps de la Ligue; que pour le venger des Provençaux, comme il l'avoit voulu, on avoit perdu le Languedoc, qu'il ne fuffifoit pas de dire que Touloufe étoit facile à prendre, qu'il s'agiffoit

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