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fi vivement, qu'il fuffifoit de le voir pour l'aimer, & pour aimer Dieu. Il prenoit en toutes chofes fon parti avec tant de raifon, qu'on ne l'a prefque jamais vu obligé de changer de deffein Dans quelque compagnie qu'il fe trouvât, toutes les perfonnes y étoient embrafées du feu de la charité. Il avoit le cœur grand & bien fait; fes manieres, fans qu'il fe gênât étoient telles qu'il falloit & pour confoler les malheureux, & pour augmenter le bonheur de ceux qui étoient contens. On ne foupçonnoit pas mefme qu'il voulût gagner quelque chofe par artifice, Il mangeoit tres-peu, & l'on eut dit qu'il étoit maître de fon corps, comme il l'étoit de fa volonté. L'eftime des hommes ne le touchoit point. Il refufa des Evefchez; & pouvant égale ment travailler au falut des Ames dans le Diocefe de Touloufe & dans: celui de Carcaffonne, le Saint. aimoit. mieux le faire dans le dernier, parce qu'on l'y eftimoit moins que dans le premier.

Aprés la mort du faint Homme, la face des Affaires du Languedoc changea beaucoup. La prefence d'un nou-

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Chroni

que de l'Au

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connu.

veau Legat, qui étoit le Cardinal Conrard Evefque de Porto, & le decez des deux plus grands protecteurs qu'eût eu l'herefie des Albigeois, y contribuerent; je parle du vieux Raymond, ci-devant Comte de Touloufe, & de Raymond Roger Comte de Foix: Les Albigeois par la mort de celui-ci perdoient le bras le plus terrible qui eût combattu pour eux; & par la mort du premier ils fe voyoient privez de la tête qui formoit & qui régloir le plan de leurs entreprifes.

Le Comte de Foix mourut d'un abcés 1222 qui l'étouffa, pendant qu'il affiegeoit Mirepoix, pour en chaffer Guy de Levy.

Raymond le vieux à l'âge d'environ foixante-fix ans eut une attaque d'apoplexie, qui lui ôta d'abord la parole: elle lui laiffa quelque connoiffance; & Jordan Abbé de S. Sernin étant furvenu, le Prince lui tendit G. de P. la main. On prit cet accueil pour une marque de la pieté de Raymond, fur tout lors qu'un moment aprés il baisa une Croix qu'on lui prefenta. Cependant l'Abbé ne trouvant pas en cèla de marque fuffifante de penitence, il te laiffa mourir fans abfolution. Les

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Chevaliers de S. Jean, dans les mains de qui demeura le corps, n'oferent lui donner fepulture; aimant mieux obéir à l'Eglife, qui défend de rendre de tels devoirs à ceux qui meurent excommuniez, que de faire leur cour aux dépens de leur confcienee. Cela alla fi loin, que dans la fuite Raymond le jeune s'étant reconcilié avec l'Eglife, ne put jamais obtenir du Pape qu'il permità ces Chevaliers d'enterrer le corps de fon pere, nonobftant une Information favorable que l'Evefque de Lodeve & quelques autres Ecclefiaftiques avoient fait fur la dépofition de plufieurs Témoins ; on y atteftoit que Raymond le vieux, le jour mefme de fa mort, étoit allé deux fois faire fa Priere à la porte de l'Eglife de la Daurade, & que s'étant trouvé mal, il avoit envoyé chercher l'Abbé de S. Sernin pour le reconciE lier avec l'Eglife; on ajoûtoit qu'il avoit baisé une Croix, & que quelqu'un ayant voulu la retirer, il avoit ferré la main pour la retenir. Rome crut toûjours l'Information peu fidelle; ou fi elle la crut veritable, elle ne jugea pas à propos d'y avoir égard. સે Le corps de Raymond eft demeuré

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fans fepulture dans la Sacriftie des Chevaliers à Touloufe, où le tems l'a enfin réduit en pouffiere, à la tête prés, qu'on y void encore, & fur, laquelle la Nature avoit formé une Fleur de Lys. Ce Prince pendant sa vie avoit eu des millions d'hommes prêts à fuivre le mouvement de fes paffions, & il n'en eut pas un feul aprés fa mort qui voulût trahir są confcience pour lui rendre les derniers devoirs.

La mort de Raymond le vieux, & celle du Comte de Foix ne furent pas les feules pertes que les Albigeois frent. Amaury ceffa pour un tems d'être malheureux la démolition qu'il fit de l'Efcure, la prife de la Baftide, qui apartenoit à Dieu donné l'Allemant, & l'échec qu'il fit recevoir au jeune Raymond, en le forçant à lever le Siege de Pene d'Age nois, furent au milieu de la tempête un efpece de calme. Le Legat Conrard, l'Evefque de Limoges & quèlques autres Prelats en profiterent pour propofer un accommodement entre lès Maifons de Montfort & de Touloufe. On tint fur ce fujet diverLes Affemblées, tantôt à S. Flour en

Auvergne, & tantôt à Sens en Bourgogne. Le temperament qui parut devoir réuffir, & fur lequel on infifta le plus, fut le Mariage de Raymond, qui étoit veuf, avec la foeur du Comte Amaury, celle-là mefme que Pierre Roy d'Arragon avoit autrefois de-mandée pour Jacques fon fils unique, & qui ne l'époufa toutesfois pas, à caufe de la divifion qui furvint entre Pierre & Simon de Montfort, ainfi qu'on l'à dit.

Avec la propofition de ce Mariageon vid rentrer dans le Languedoc une efpece de Paix fous le nom de Treve; & l'affurance, & la liberté y furent goûtées avec d'autant plus d'agré ment, qu'il y avoit plus long-tems qu'elles en étoient bannies. Raymond vint à Carcaffonne, & il marqua une confiance entiere au Comte Amaury; car il laiffa fes Gardes dans le Faux-bourg, & il entra fans fuité dans la Ville; où pour fe divertir il fit courir le bruit qu'il s'étoit indif crettement jetté dans le piege, & qu' 'on l'avoit arrêté, Peut-être bien : des gens aprouveroient la conduite d'Amaury,fi par un coup de cette forteil étoit effectivement redevenu pof

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