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neceffité du ferment, il s'engagea à le faire tel qu'on voudroit. On le preffa fur l'execution de fa parole, il en parut interdit. Tourmenté fa par pro pre confcience, qui l'attachoit à la veritable Religion; retenu par la honte qu'il y a de fe dédire, fur le point de voir évanouir la qualité d'Evangelifte, s'il devenoit Catholique, & dans le danger de perdre fes biens. & la vie s'il perfiftoit à tenir pour les nouveaux dogmes, déja courbé fous le poids de l'âge, il ne put fuporter l'agitation que lui caufoient les circonftances où il étoit : il tomba dans une foibleffe qui lui ôta le fentiment. Il revint un moment aprés, & il jura qu'il difoit fa pensée: On l'interrogea, & dés la premiere queftion qu'on lui propofa fur la prefence da Corps de JESUS-CHRIST dans l'Euchariftie, on reconnut qu'il étoit Al bigeois, & là-deffus on commença fon procés.

Moran qui avoit trop d'efprit pour ignorer le foible de fa fecte, eut trop de raifon pour facrifier fa vie au faux honneur qu'on trouve quelquefois à ne fe point démentir. La grace agit en même tems. fur fon cœur, & i

prit le parti de réparer le fcandale qu'il avoit donné.

Il vint, pieds nuds & les épaules découvertes, fe prefenter à la porte de l'Eglife, l'Evefque de Touloufe & l'Abbé de S. Sernin l'y reçûrent, & le fraperent avec des verges pendant qu'il avançoit vers l'Autel, où le Cardinal l'attendoit.. Moran fit une abjuration entiere de fes erreurs, il confentit à la faifie de ses biens jufqu'à ce qu'il eût fatisfait l'Eglife. Il promit de partir dans 40 jours pour la Paleftine, & d'y fervir trois ans les Pauvres; il accepta de faire plufreurs fois la difcipline, en vifitant les Paroiffes de Toulouse; & fans fe plaindre il vid rafer celui de fes Châteaux où les Heretiques tenoient auparavant leurs Affemblées, & partager une grande partie de fes biens aux malheureux qu'il avoit opprimez par fa puiffance, ou ruinez par fes ufures. Condamnable pour avoir fuivi l'erreur, loüable de l'avoir quittée avec des marques de penitence qu'il eft rare de voir dans ceux qui ont été longtems Chefs d'une 'fecte. Une converfion d'un fi grand éclat out l'effet qu'on avoit efperé. L'herefie long

tems foûtenue par l'efprit & le crédit de Moran, tomba du moins en apa

rence.

Les chofes ne tournoient pas fi heureufement dans le territoire de Beziers. Le jeune Vicomte qu'on avoit cru d'abord n'avoir commandé le maffacre des habitans de Beziers, que par le defir de venger la mort de Trincavel fon pere, donnoit tous les jours de nouvelles marques d'un naturel violent & d'un grand mépris pour l'Eglife. Il tenoit actuellement en prifon Guillaume Solemne Evêque d'Alby, dont il n'avoit point d'autre fujet de fe plaindre, finon qu'il étoit zelé Catholique.

Le Legat aprit avec indignation l'attentat commis dans la perfonne du Prelat. Il n'eut pu le fouffrir quand l'Evefque n'auroit été recommandable que par fa Dignité; à plus forte raifon ne le pouvoit-il pas lors qu'il s'agiffoit d'un Saint à qui l'on difoit que Dieu découvroit les chofes par des voyes miraculeufes. On ne delibera pas fur ce qu'il y avoit à faire. Raynaud Evefque de Bath, Henry Abbé de Clairvaux, Raymond de Caftelnau & le Vicomte de Turenne

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fechargerent du foin d'aller trouver
le Vicomte de Beziers, & d'en user
avec lui comme le demanderoit le
bien de l'Eglife.

Roger qui ne vouloit ni fe rendre
aux follicitations du Legat, ni écou-
ter fes remontrances, n'attendit pás
leur arrivée, il fe retira vers les fron-
tieres de fes terres, dans des lieux
inacceffibles, où il fçavoit bien que
les Députez du Legat ne pouroient
pas le fuivre. Ils ne le fuivirent pas
effectivement, mais ils le traiterent
comme il le meritoit.

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Les Députez le rendirent à Caftres le fejour ordinaire du Vicomte, & ce. fut là que l'Evefque de Bath comptant beaucoup plus fur la bonté de fa caufe, qui étoit celle de Dieu, que den. fur les précautions qu'une prudence plus timide auroit recherché, ofa fans craindre ni la Garnifon, ni les Habitans de Caftres, excommunier publiquement le fier Roger en prefence de la Vicomteffe fa femme, & lui déclarer la guerre de la part des Rois de France & d'Angleterre.

Si Roger ne trembla point en aprenant les menaces que lui faifoient deux redoutables Puiffances; du

moins les deux plus celebres Albigeois de Caftres, c'étoit Raymond de Baimiac, & Bernard Raymond, redouterent la colere des deux Rois. Ils s'adrefferent au Vicomte de Turenne leur ami, & ils protefterent par fon entremife, qu'ils n'avoient jamais porté perfonne à fuivre l'erreur; que ceux qui les accufoient avoient mal pris leur penfée, dans un tems où il fuffifoit de parler poliment pour être en butte aux calomnies du Clergé, qui traitoit d'Albigeois & de Manichéens ceux qui lui faifoient ombrage; que foûmis aux ordres de l'Eglife ils étoient prêts de comparoître pour fe juftifier, fi l'on vouloit leur donner un fauf-conduit, & leur affurer une retraite, en cas que le Legat ou le Comte de Toulouse, trop prévenus contr'eux, ne vouluffent pas reconnoître leur innocence.

L'efperance qu'on avoit de

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gagner des efprits fi dangereux, fit accorder les affurances qu'ils demandoient. Ils vinrent à Toulouse prefenter leur profeffion de Foy, dans laquelle (à quelques mots prés, qui étoient équivoques) il n'y avoit rien que d'orthodoxe. Le Comte de Toulouse

&

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