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1180.

l'effet, & fa foibleffe, jointe à quefques événemens fâcheux, dont l'un fembloit amener l'autre, releva bientôt le parti des Albigeois.

D'abord Raymond V. perdit par la mort de Louis le Jeune fon beaufrere, le Prince à qui le Languedoc étoit redevable de ce qui lui reftoit de Catholiques. Touloufe recommençoit à craindre de tomber fous la domination des Anglois, plus attentifs. que jamais aux occafions d'envahir une Ville qu'ils difoient apartenir à leur Reine Eleonor; & pour comble de malheur, Raymond VI. profitant de la foibleffe du Gouvernement procuroit aux heretiques tous les moyens de fe rétablir, les conjurant feulement de ne point faire de coups d'éclat qui pûffent chagriner fon Pe re, & réveiller à contre-tems la haine qu'il avoit pour les Manichéens.

La Religion tomboit en un état encore plus déplorable dans la Vicomté de Beziers. Roger ne trouvoit plus rien qui traverfât le deffein qu'il avoit de détruire les Catholiques. Car la mort de Louis le Jeune le delivroit de la guerre dont la France l'avoit fait menacer; & l'Angleterre,

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qui méditoit la conquête de Touloufe, recherchoit déja fon Alliance. Ses fujets eurent permiffion de fe faire une Religion telle qu'il leur plairoit; les Vafes facrez & les faints Livres -furent profanez d'une maniere qu'on auroit peine à s'imaginer, & que je ne dois pas exprimer dans nôtre Lan

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nardus,

Abb.

Fontis

Il eft vrai que la plupart des Prelats engagez par les motifs d'intereft, d'honneur & de confcience toient tout en œuvre afin de s'opofer au torrent. Et il faut en particulier Ber rendre juftice à la memoire de Bernard Gaucelin Archevefque de Narbonne. Mais dequoi pouvoit fervir calidi.. le zéle des Prelats, pendant que le Chef de la Maison de Beziers & celui qui alloit bien-tôt regner dans Touloufe, entraînoient par leur exemple & par la neceffité qu'il y avoit de s'attacher à leur Fortune, prefque toute la Nobleffe.

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Pour furcroît de mal, la Guerre recommença peu de tems aprés dans Rigord le Languedoc. Richard heritier pre- Guill fomptif de la Couronne d'Angleterre le Brets. avoit l'ame trop ambitieufe être pour content de l'Aquitaine qu'il poffe

doit. Il renouvella l'ancienne querelle des droits de la Reine fa Mere fur la Comté de Touloufe. Moiffac & plufieurs autres Places furent des conquêtes qu'il fit fans peine ; & déja la capitale étoit en danger, quand Philipe- Augufte fe déclara pour le Comte Raymond. Les Victoires de Philipe rendirent la Paix au Langue-doc. Mais la mort de Raymond V. Comte de Touloufe, dont l'attachement à la Religion étoit prefque le feul obftacle que les Albigeois trouvaffent à leurs deffeins, donna lieu à de grandes révolutions, dont il faut à prefent parler.

Fin du premier Livre..

37

HISTOIRE

DES

CROISADES

CONTRE ·

LES ALBIGEOIS

LIVRE SECOND.

R

AYMOND VI. Fils de Ray 11947 mond V. avoit environ trentehuit ans quand fon Pere mou- Catel rut. Du côté paternel il defcendoit de Torfin, à qui Charlemagne plufieurs fiecles auparavant avoit donné

le
gouvernement de Toulouse. Du
côté maternel il étoit de l'Augufte
Maifon de France, étant fils de Con→
ftance fœur de Louis le Jeune. Par
les Alliances de ces differens Maria

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4

ges, il fut beau-frere du Vicomte de Beziers, du Roy d'Angleterre, & du Roy d'Arragon; fes Etats comprenoient la plus grande partie du Languedoc, le Comtat Venaiffin, & toute cette partie de la Provence qui eft renfermée entre les Rivieres de Durance & d'Yguez. Son Mariage avec Jeanne Veuve du Roy de Sicile, & Sœur de Richard Roy d'Angleterre, augmenta extraordinairement fa puiffance. Car Richard qui vouloit détacher le Comte des interêts de la France, donna pour Dot à fa Sœur trois belles Provinces, le Roüergue G. de P. Agenois & le Quercy. Raymond n'avoit rien de médiocre dans fes bonnes ni dans fes méchantes qualitez. Il avoit l'ame noble, & le génie aifé; il poffedoit l'art de tenir fes Voifins attachez à fes interêts, l'adverfité ne l'abattoit point; on eut dir que ta Fortune le rendoit plus grand à proportion qu'elle le perfecutoit davantage. Les Sieges qu'il foûtint dans Toulouse contre de puiffantes armées qui ne purent l'y forcer, font des preuves certaines de fon courage. La maniere dont il reconquit la capitale de fes Etats, aprés l'avoir perduë, eft

P. de V.

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