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votre ardeur à les poursuivre met une des plus belles & des plus floriffantes Provinces du Chriftianifme. On vous prie de joindre vos Armes à celles de vos Voifins pour châtier des Sujets que vous ne pouvez contenir dans la veritable Religion, & vous refufez de faire l'un & l'autre. Voila le fujet qu'on a de fe plaindre voila le fcandale. Ni l'exemple de Raymond vôtre Pere, ni celui d'Alphonfé vôtre Ayeul, d'henreuse memoire, qui ont perfecuté l'erreur dès qu'ils l'ont connue, ne penvent vous toucher, qui le croiroit! Seigneur, les plus grands Princes ont attaqué jusques ici une monftrueufe impieté. Philipe-Auguste la perfecute actuellement, Louis le Jeune Roy de Fran ee & Henry H. Roy d'Angleterre ont fait les plus grands efforts pour la détruire: on fe fouvient encore des bûchersle Roy Robert fit allumer à Orleans, pour y réduire en cendres les infames partifans des Manichéens; Henri II. Empereur d'Allemagne, Bafile

que

Michel Empereurs de Conftantino ple, les deux Fuftiniens, Valentinien II. Gratien, Valentinien le Grand & Theo dofe, ont tâché de les exterminer. Les Rois mêmes Payens ont eu de l'horreur

d'un fi effroyable fiftéme & Vous Seigneur, vous en jugez les partifans dignes de vôtre protection & de vôtre eftime! Permettez-moi de le dire , je ne fçache qu'un Empereur ( c'étoit Nicephore) qui donna autrefois fa pro tection aux Manichéens, mais il périt malheureusement au milieu d'un combat, & fa Grandeur ne paffa pas a fon Fils. Puffiez-vous armer cent mille Albigeois les Catholiques qui ont déja trouvé le moyen d'en faire périr des Armées auffi nombreuses, le Roy de France, le Pape, tous les Souverains de l'Europe, qui ont eu de l'horreur d'une fi deteftable herefie, fçauront rendre vos forces inutiles: Mais non; éclairé, généreux, équitable autant que vous l'êtes, vous ne porterez point les chofes à l'extrémité, vous contenterez Eglife qui vous bonore, & qui at→ tend depuis plus de douze ans que vous donniez des marques finceres de vôtre averfion pour l'here fie.

La verité eft terrible lors qu'on là connoît, & qu'une paffion violente empefche de la fuivre. Au lieu d'éclairer, elle aveugle; au lieu de calmer, elle met en fureur. Raymond n'écoutoit que fon animofité. Cepen

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dant Châteauneuf, aprés avoir connu par fa propre experience que Raymond n'avoit plus que le cœur d'un Pharaon; aprés avoir remarqué qu'en: agiffant avec une rigueur neceffaire il n'expofoit que fa perfonne au reffentiment du Comte; il lui fignifia dans les formes, qu'il ne fufpendoit: plus les effets de l'excommunication qu'il avoit portée contre lui; que dans la fuite on le regarderoit comme un membre retranché de la communion des Fidelles, & que les Princes Catholiques viendroient pour le dépoüiller des Provinces dont il ne meritoit plus d'être le maître. Raymond qui ne gagnoit plus rien à diffimuler, ne diffimula plus. Il eut fait poignarder Châteauneuf, fi les habitans de S. Gilles, qui étoient Catholiques n'euffent pris les armes pour la défenfe du Legat. Ne pouvant le faire mourir, il le menaça du moins de le pourfuivre en tous lieux pour le punir de fon audace. L'Abbé de S. Gilles & les Magiftrats tâcherent en vain de l'apaifer.

Le feul parti que pûrent prendre les Catholiques, fut d'efcorter promptement Châteauneuf jufqu'au Rhô;

ne,afin qu'il fortît des terres du Com→ te avant que le Prince eût fait venir des Troupes. C'étoit là tout ce qu'ils pouvoient faire: mais c'étoit trop peu pour dérober le Legat à une vengeance auffi vive & auffi agiffante que celle de Raymond. Ce Comte avoit parmi fes Sujets de ces fortes de gens qui ne pouvant fe rendre confiderables aux yeux de leurs maîtres par um vrai merite, s'en font aimer par la refolution conftante où ils font d'exe cuter aveuglement ce que demande la paffion des Grands. Il jetta les yeux fur deux fcelerats de ce caractere, que le tems lui avoit fait connoître; & foit qu'il leur eût donné fecrettement fes ordres, foit qu'ils entendiffent affez ce qu'on demandoit d'eux, ils fe mêlerent avec les Bourgeois qui efcortoient Châteauneuf, & ils jouerent fi bien leur rôle, qu'il fut impoffible de rien découvrir dans leurs yeux & dans leurs vifages. Comme le Legat arriva trop tard fur les bords du Rhône pour le paffer le mefme jour, on campa jufqu'au lendemain où l'homme de Dieu paroiffant hors de danger, les Bourgeois fe retirerent les uns aprés les autres, à peu de per

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Tonnes prés, entre lefquelles étoient les deux Affaffins. Le faint Homme qui venoit de dire la Meffe, étoit déja dans le Bâteau qui devoit le paffer, 1208 quand l'un des Conjurez le perça d'une lance; ce coup furprit le Saint, fans alterer la paix de fon cœur : Dieu vous le pardonne auffi fincerement que je le fais, dit-il, d'un air tranquile. Il répéta plufieurs fois la même chofe, & rendit l'efprit au milieu des plus doux tranfports d'une vive foy.

Le Clergé de S. Gilles enleva fon corps avec le refpect qu'on porte auf Martyrs, & le peuple perfuadé du pouvoir que Pierre de Châteauneuf avoit déja dans le Ciel, demanda par fon interceffion l'acompliffement d'une Prophetie qu'il avoit faite, qu'on verroit enfin la Religion refleurir dans Toulouse quand les Miffionnaires auroient arrofé le Languedoc de leur fang. Cependant le Comte de Touloufe ne garda aucunes mefures; au lieu de faire au moins arrêter l'Af-. faffin qui venoit de commettre un meurtre fi horrible, il lui donna publiquement des marques de fon eftime, quoi que par le raport de Pierre de Vaucernay, les bêtes mefmes euf

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