Reinier

l. s. c.

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fent de l'horreur de ce malheureux les chiens, dt on, tefufoient de toucher au pain qu'il leur prefentoit.

On s'aperçût en mefme tems que les nouveaux Manichéens levoient Cofaire auffi prefque par tout ailleurs le mafque. Leur deteftable Secte avoit des partifans dans la Gafcogne,,l'AgeEcbert. nois, le Quercy, le Roüergue, la -Bourgogne & l'Ile de France. Golefinanza de Verone, Jean de Lion, né à Bergame, & Reinier, qui fe convertit depuis, & qui mena une vie exemplaire dans l'Ordre de S. Dominique, infectoient la plupart des Villes d'Italie, fur tout Spolette, Florence, Vicence, Veronne, Milan & -Padouë. Luc de Thuy, dont le fçavant Mariana Jefuite a donné quelques Ouvrages au Public, dépeint les Albigeois du Royaume de Leon comme les plus artificieux hommes du monde. Ecbert nous aprend qu'en Allemagne & dans les Païs-Bas on celebroit une Fefte folemnelle pendant l'Automne à l'honneur de Manichée. L'Efclavonie, la Bulgarie & la Croacie étoient comme le centre de l'erreur, on y comptoit environ mille Prêches, où le nombre des Al

bigeois du premier ordre, à qui on dévoiloit les Myfteres de la Secte, n'étoit pas fort grand; mais la multitude de ceux du fecond ordre, à qui l'on cachoit une partie des Myfteres, étoit infinie. Dans les Païs-Bas on les nommoit Poplicains ou Piphles: En France, Tefferants: En Allemagne, Cathers & Paterins: ou pour parler plus jufte, on les connoiffoit fi peu, & ils fe déguifoient en tant de manieres, qu'ils avoient prefque autant de noms differents, qu'ils occupoient de differentes Provinces.

Quoi que les Catholiques tâchaf fent de s'opofer à un fi grand mal dans tous les lieux où l'erreur le répandoit; néanmoins le meurtre de Pierre de Châteauneuf Legat du faint Siege, & la conduite emportée du Comte de Touloufe & du Vicomte de Beziers attiroient particulierement leur attention fur le Languedoc. Innocent III. affis fur la Chaire de faint

Pierre, & trop éclairé pour ignorer ce qui fe paffoit en France, trop ferme pour le diffimuler, trop fage pour prendre de fauffes mefures, trop honoré des Fidelles pour trouver aucun obstacle à fes deffeins, conjura les

1208.

Catholiques de prendre les armes. Châteauneuf, leur écrivit ce grand Pape, eft un Martyr, dont le fang va devenir un fujet de triomphe; car 1209. c'est le caractere du Sauveur de rem. Lettres Porter les Victoires les plus complittes, d'Innoc. dans le tems que fes ennemis femblent

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avoir l'avantage, & de vaincre en effet ceux qui paroiffent le vaincre : c'est à prefent qu'une heureufe récolte ne peut manquer, puis qu'un grain fi choifi vient d'être femé dans le champ du Seigneur. Aux armes, Soldats de F fus Chrift; que les gemiffemens du Pere commun des Fidelles vous rendent fenfibles aux interêts de vôtre Foy. L'Eglife du Languedoc n'a perfonne qui la confole; & la defolation où elle est m'oblige à ouvrir les trefors fpirituels de l'Eglife pour enrichir cux qui auront le courage de la défendre.

Les chofes étoient en cet état lors que les Députez des Eglifes du Languedoc arriverent à Rome. C'étoit Foulques Evefque de Touloufe, & Navarre d'Acqs Evefque de Conferans, qui venoient marquer au Pape la douleur qu'on avoit de l'outrage Marthe fait au S. Siege dans la perfonne du Galls. Legat. Raymond de Rabaftens & Bernard.

P. de V.

Sainte

Annal.

Bernard Archevefque d'Auch, envoyez du Comte de Touloufe, arriverent en mefme tems, & l'idée qu'on avoit d'eux décrioit par avance le parti qu'ils venoient défendre. Rabaftens avoit été chaffé du Siege Epifcopal de Toulouse comme un fimoniaque fcandaleux; & Bernard menoit une vie fi débordée, que le fouverain Pontife lui confeilla de fe démettre de fa Dignité, pour n'avoir pas la honte d'en être dépouillé dans un Jugement canonique. Ce qu'ils de Cift. difoient pour excufer le Comte Raymond, étoit justement ce qu'il falloit pour le rendre condamnable. Innocent regardoit l'Abbé de Cifteaux comme un des hommes les plus faints & les plus moderez qui fût au monde ; & les Députez avoient la hardieffe de foûtenir que ce Legat fe conduifoit avec une hauteur infuportable, qu'il allumoit par tout le feu des divifions; que connoiffant Châteauneuf pour un efprit incapable de ménagement, il s'en étoit néanmoins fervi dans l'occafion; qu'il lui avoit commandé d'excommunier le Comte de Touloufe, lors qu'il eût dû lui ordonner de faire l'éloge de ce Prince;

E

que non content d'avoir traité le Comte de la maniere du monde la plus indigne, il vouloit encore qu'on le crût auteur du meurtre de Châteauneuf, comme s'il eût été neceffaire que Raymond agît, pour que des Sujets qui l'adoroient penfaffent à le venger de l'excommunication que ce Religieux avoit fulminée contre lui injuftement; qu'il y avoit plus de fujet d'être furpris que Châteauneuf eût vécu fi long-tems au milieu des Albigeois, que d'être étonné qu'il eût enfin péri par leurs coups; que fi le Comte avoit voulu fe venger, fa colere eut éclaté en mefme tems fur l'Abbé de Cifteaux comme fur Châteauneuf, & que la vie dont joüifsoit le premier étoit une preuve convainquante qu'on n'avoit pas cu deffein de l'ôter au fecond; que toute la grace qu'on demandoit au S. Pere étoit qu'il fit faire des informations exactes, & qu'il donnât au Comte un,autre Juge que l'Abbé, qui étoit devenu fa Partie.

On parut acorder au Comte ce qu'il fouhaitoit, on ôta la connoiffance de fon Affaire à l'Abbé de Cifteaux, & on la remit à la décifion des deux nou