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nage des repos dans l'intervalle de' certains tons on ne doit placer ces repos que dans les endroits où le fens des vers & celui de la mufique font fufpendus ou finiffent: on ne fçauroit négliger l'obfervation de cette régle, fans qu'il s'enfuive les plus grands

inconvéniens.

C'est en fe conformant à mes principes que Mlles Le Maure & Fel & M. Jéliotte font fentir ces dégrés, ces nuances de mélodie, d'expreffion & cet enfemble merveilleux qui charment les oreilles, & qui faififfent vivement l'ame.

CHAPITRE IV.

Quand doit-on faire ufage des fons à caractères ? Avantages de ces fortes de fons.

LE CARACTERE des paroles doit

décider le choix des fons dont il s'agit. Il faut fuivre à cet égard les régles que j'ai données dans la feconde partie de ce traité pour les différentes efpèces de prononciations. Si les Chan

teurs fçavent faire avec goût & difcernement ufage de ces régles, ils réaffiront à rendre dans le Chant toutes les paffions & leur caractère particulier, ainfi que celui des perfonnages qu'ils repréfentent; l'on pourra juger au feul fon de la voix, fi c'est un Héros ou un Berger, un Roi ou un Sujet, Minerve ou Junon, Neptune ou Jupiter qui chantent. Nos Acteurs renouvelleront fur la fcène lyrique les prodiges opérés fur les anciens théâtres par les pantomines qui, au rapport d'Appulée, (a) avoient porté si haut la perfection de leur Art, que dans une repréfentation du jugement de Paris, on diftinguoit parfaitement des trois Déeffes aux geftes & aux attitudes des Actrices.

CHAPITRE V.

Des Agrémens.

LES AGRÉMENS font dans le Chant ce que les figures font dans l'éloquence : c'eft par elles qu'un grand Orateur (a) Metam. Libr. X.

les pouffe

remue à fon gré les cœurs, là où il veut, & y jette fucceffivement toutes les paffions : les agrémens produifent les mêmes effets; pour peu qu'on réfléchiffe fur leurs qualités de force, d'énergie, de douceur, d'aménité & de tendreffe, on fera forcé de convenir qu'ils font très-propres à affecter puiffamment l'ame; & qu'ôter à la Mufique ces fortes d'ornemens, ce feroit lui ôter la plus belle partie de fon être.

:

J'appelle de la vérité des réflexions que je viens de faire au jugement du fens intime les agrémens parfaitement exécutés ont dans la bouche de Mlles Le Maure & Fel, & de M. Jéliotte un caractère fingulier de mélodie & d'expreffion : l'oreille est délicieusement flattée, & le cœur violemment ému eft entraîné dans des paffions différentes, ou bien il passe à divers dégrés de la même pasLion.

Que ces mêmes ornemens foient rendus par des Artiftes médiocres, l'oreille en eft offenfée, & le cœur n'en eft point touché : dans ce dernier cas ils perdent une partie de leur vie &

toutes leurs graces dans la bouche des mauvais Chanteurs ; au lieu que dans le premier ils étoient préfentés tout entiers & avec toutes les qualités qui leur font propres. Il eft réfervé aux efprits fins & au fentiment délicat de démêler les nuances dont je viens de parler c'eft pourquoi l'on auroit tort de définir un bon Chanteur, un être qui a des poumons, un gofier, une bouche & des oreilles bien organifés il faut de plus qu'il pense & qu'il fente; fans quoi il ne différeroit guères d'un inftrument de Mufique.

Pour peu qu'on fasse d'attention à l'importance de la matière, on conviendra qu'on ne fçauroit lui donner trop d'étendue. Je vais m'ouvrir une carrière toute nouvelle & entreprendre de remonter à la nature des agré mens, de faire connoître leur caractère particulier d'expreffion, de donner leur génération, d'imaginer des fignes qui les repréfentent, & d'enfeigner l'art de les exécuter avec tout le fuccès poffible.

Les Maîtres de Chant ne fçauroient définir avec trop de foin les

agrémens : les Ecoliers rendent avec bien plus de facilité & de précifion les fons qu'on a rendu sensibles à leur efprit & à leurs oreilles, que ceux qu'on n'a rendu fenfibles qu'à cellesci: dans le premier cas, la pensée & l'imitation dirigent les organes : dans le fecond, c'est l'imitation toute feule.

Il eft furprenant qu'on ne foit point encore avifé d'expliquer la nature des deux ports de voix, de l'accent, du flatté ou du balancé, des deux fons filés, des quatre cadences, de la demi-cadence ou du coup de gorge, & du coulé. On pourroit diftinguer plufieurs autres agrémens moins effenriels & arbitraires : j'aurai recours à Tanalyfe pour donner des notions exactes de ceux que je viens de nom

mer.

Port de voix entier.

Dans le port de voix entier les deux premières notes font fur le même dégré, & la feconde eft toujours une note empruntée: on ne doit jamais oublier de finir le port de voix entier par une note plus élevée, qui doit être liée à la précédente par dégrés

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