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les inftrumens de mufique les plus mauvais. Je connois des amateurs éclairés qui m'ont affuré qu'à force d'avoir réfléchi fur mes principes & la nature de leurs organes, ils étoient venus à bout de s'en créer en quelque forte, & de chanter en dépit de la Nature. Ce font-là de ces fuccès qui doivent d'autant plus flatter, qu'on ne les doit qu'à foi-même; mais pour y prétendre, il faut avoir bien des connoiffances en fait de physique, & être né obfervateur. Je penfe qu'on ne regardera pas actuellement comme un paradoxe, la propofition que je vais avancer: Qu'il n'y a prefque point de perfonne fi mal organifée qu'elle foit, qu'on ne puiffe faire chanter, & même agréablement ; & que ce n'eft point les voix qui manquent à la Mufique, mais l'art qui manque aux voix.

CHAPITRE VII.

Tout l'Art du Chant envisagé précifément, eû égard à la voix, confifte à faire monter & defcendre à propos le larinx & à bien inspirer & expirer.

CEUX QUI traitent des arts ne fçauroient trop s'attacher à les préfenter fous des idées fiftématiques; offrir aux lecteurs une foule de régles, c'eft accabler la mémoire, c'est effrayer l'efprit il n'eft pas aifé de fçavoir toutes chofes, même dans un feul art; mais il eft aifé de fçavoir les principes de tous les arts & de toutes les sciences; & ces principes bien approfondis font pour un artifte éclairé une infinité de régles qui le guident dans la pratique. C'eft pour ces raifons que j'ai réduit l'art du Chant, confidéré par rapport à la voix, aux deux principes que j'ai indiqués; ils fuivent des Chapitres précédens, comme une conféquence fuit. de fon principe: une courte indu

pou

ction va le prouver. Il eft évident par tout ce que j'ai dit jusqu'ici, qu'à proportion que le larinx s'élève ou s'abbaiffe davantage, les fons deviennent plus ou moins aigus, plus ou moins graves; qu'à mesure qu'on rend l'air intérieur avec plus ou moins de rapidité, ils font plus ou moins forts; que lorfqu'on fait fortir l'air des mons avec plus ou moins de douceur, dans l'intervalle des tons, ils font unis par des liens plus ou moins fenfibles. Si on expire long-temps fur les fons, ils font nourris & moëleux ; fi on expire quelque temps & avec une certaine force, ils font majeftueux; fi on expire long-temps & mollement, ils font tendres; fi on expire avec douceur & très-peu de temps, ils font légers & gracieux; enfin quand on fçait attirer une grande quantité d'air dans les poumons & le rendre enfuite en petit volume, on a une grande facilité à faire de longues phrafes, & à exécuter avec tout le fuccès imaginable les divers agrémens. Ne femble t-il pas que je viens de tracer le portrait du beau Chant, envifagé précifément par rapport

&

la voix? Je n'ai fait cependant que rapprocher des corollaires déduits des principes que j'ai établis. Une fuppofition répandra encore de plus grands jours fur cette matière. Suppofons qu'un artifte inventeur faffe un inftrument femblable au larinx, qu'il attache à la glotte qu'il y aura ménagée, des cordes d'une matière & d'une figure analogues aux rubans fonores, en forte qu'à l'aide de quelques refforts, on puiffe tendre ou relâcher ces premieres: fuppofons de plus qu'il fupplée les poumons par un foufflet ou par quelqu'autre espèce de pompe; eft fur qu'il nous donnera d'après la nature un bicorde pneumatique : s'il l'in• finue dans le corps d'une ftatue de figure humaine, de maniere qu'on puiffe le faire jouer, il nous fera voir un automate qui imitera parfaitement la voix, & chantera les plus beaux airs. L'art de jouer de ce nouvel inftrument fe réduiroit à faire mouvoir à propos les refforts qui tendent ou relâchent les cordes ; à pomper l'air & à le rendre avec force ou douceur, en grand ou en petit volume. La fuppofition eft ici la réalité elle-même;

il

on peut regarder le larinx comme les refforts où font attachées les cordes de l'inftrument fuppofé; les poumons en font les foufflets; l'infpiration est l'art de pomper l'air; l'expiration est l'art de le rendre.

Il fuit de toute cette premiere partie que le Chant eft du domaine de la Phyfique, & qu'il feroit à propos que les gens à talent & les amateurs l'a fçuffent à un certain point.

Je crains que bien des perfonnes ne me pardonnent point d'avoir avancé qu'il faut être Phyficien, pour bien chanter. On me dira avec M. l'Abbé d'Oliver, un des hommes du monde, qui remplit le mieux toute l'étendue du titre d'Académicien, on me dira, dis-je, qu'on a bien chanté, & qu'on chantera bien encore fans le fecours

des fciences. J'ofe répondre que ç'a été & que ce fera tant pis pour la Mufique. Il eft à préfumer que fi des Sçavans bien organifés tournoient leurs réflexions du côté du Chant, ils perfectionneroient autant cet art que tous ceux dont ils fe font mêlés. La plûpart des ouvriers avoient fait jufqu'aujourd'hui, avec le feul fecours de la rou

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