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'd'Ancée, qui monta fur le trône après lui, commandoit les troupes Arcadiennes au fiége de Troye. Après la prife de cette ville la tempête le jetta fur les côtes de Chypre où il s'établit.

Tels étoient, fuivant Paufanias, les premiers habitans de la Grece, fur-tout de l'Arcadie; mais ce pays changea bientôt de face par les colonies qui y arriverent d'Egypte & de Phenicie.

CHAPITRE V.

Hiftoire des premiers Royaumes fondés dans la Grece, par les Colonies qui y arriverent.

COMME un Pays auffi vafte & auffi beau que la Grece

COM

ne se trouvoit pas affez peuplé par les defcendans de Javan, & par les anciens Pelafges, plufieurs colonies y vinrent en differens temps, fur-tout d'Egypte & de Phenicie, pays qui, comme plus voifins de ceux où s'établirent les premiers defcendans de Noé, furent auffi les plus habités. Les premiers Arts, & en même temps les plus néceffaires, que Noé avoit ou confervés ou inventés, & qu'on vit auffi toujours en vigueur dans les contrées où se fit le premier établiffement du genre humain après le Déluge, fe perdirent à mesure qu'on s'en éloigna; & il fallut que ceux qui les connoiffoient les appriffent de nouveau à ceux parmi lefquels ils venoient s'établir. Auffi les vit-on revenir dans l'Occident, à mesure que les colonies y arrivoient ; & qui avec les Arts y porterent auffi leurs Coutumes, leurs Loix & leur Religion. L'idolatrie regnoit alors dans la Grece, mais elle y étoit fi groffiere qu'on ignoroit même les noms des Dieux qu'on y adoroit (1). Ainfi les premiers habitans de la Grece n'eurent (1) Voyez pas de peine à s'accommoder des Divinités des Peuples d'O- le commenrient, à qui ils eurent l'obligation de leur politeffe, & de la Tom. II. vie moins fauvage qu'ils menerent dans la fuite. Parmi ces conducteurs de colonies, les plus connus font

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Inachus, Cecrops, Deucalion, Cadmus, Danaüs, Pelops, & quelques autres : c'eft de ces differentes colonies que furent formés les Royaumes de Sicyone, d'Argos, d'Athenes, de Thebes, & d'autres encore. L'Hiftoire de ces differens Etats, & l'explication des Fables qui s'y rencontrent, feront la matiere d'autant d'Articles feparés.

ARTICLE I.

Le Royaume d'Argos, fondé par Inachus.

LES commencemens du Royaume d'Argos font un peu embrouillés. Inachus, forti de Phenicie, alla le fonder dans la Grece vers l'an 1880. avant Jefus-Chrift, & s'établit dans le pays qui fut depuis appellé le Peloponnefe. Cette époque s'accorde avec le fyftéme de Denys d'Halicarnasse, qui avoit lui-même fuivi celui d'Eratofthene. Cet Auteur comptoit vingt-deux générations depuis ce chef de colonie jufqu'à la prife de Troye. De ces vingt-deux générations il y en avoit douze qui alloient jufqu'à Nanus, contemporain de Cecrops, & qui font juftement les quatre cens ans de distance qu'ils mettoient entre ces deux Princes. Moyfe étoit contemporain d'Inachus, & non de Cecrops, comme Eusebe l'a prétendu, ayant pour cet effet abregé les temps, & abandonné Africanus, Jofeph, Philon & Polyhiftor, Ptolemée Mendefien, & plufieurs autres Auteurs, comme le Pere Pezron l'a très-bien prouvé dans fon livre de l'Antiquité des temps (2) Ch. 8. rétablie (1); & c'eft une verité dont peu de Sçavans difconviennent aujourd'hui. On peut confulter l'Auteur que je viens de citer, & l'on fera content des preuves qu'il rapporte pour prouver cette opinion, quoiqu'à dire vrai, je ne crois pas cet efpace fi long; mais on peut fans danger fuivre le fentiment des deux Anciens que je viens de nommer.

& 9.

Les Sçavans font peu contens des recherches des Grecs, qui ne fçachant d'où étoit venu cet ancien Prince, publierent qu'il étoit fils de l'Ocean & de Tethys, généalogie ordinaire de ceux qui venoient par Mer ; & plufieurs Modernes fe font

1. I.C. F.

donné la torture pour déterrer l'origine de cet ancien Roy. Il y en a qui le font venir d'Egypte; d'autres penfent qu'il eft le même que le fameux Enak, ou plutôt quelqu'un de fes defcendans: mais M. le Clerc après Bochart (1), pense plus jufte (1) Phaleg. en difant qu'Inachus n'eft pas un nom propre, mais un nom appellatif. Les anciens Pheniciens s'appelloient Ben-Enak ; ainfi on nomme fils d'Enak, ceux qui fortirent de ce pays pour aller s'établir ailleurs ; & l'on forma de ce nom celui d'Inak ou Inachus, qui fut donné au conducteur de la colonie. C'eft pour la même raifon que les Grecs donnoient le nom d'Anaces à leurs anciennes Divinités, dont le culte & la connoiffance leur étoit venu de Phénicie, & avec un leger changement à leurs anciens Rois. On ne publia, au reste, dans la fuite que cet Inachus étoit le Dieu d'un Fleuve, que parce qu'il donna fon nom au Fleuve Amphiloque, auquel il fit creufer un lit ; & après fa mort on publia, felon la coutume de ce temps-là, qu'il étoit devenu la Divinité tutelaire de ce Fleuve.

Le Royaume d'Argos fondé par Inachus, eut une longue fuite de Rois : les neuf premiers furent appellés Inachides, fçavoir Inachus, Phoronée, Apis, Argus, Chryafus, Phorbas, Triopas, Stelenus & Gelanor; celui-ci ne conserva long-temps la couronne qui lui fut enlevée de la maniere que je le raconterai après que j'aurai parlé des Rois de Sicyone.

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Il y a beaucoup d'incertitude & d'obscurité dans l'ancienne hiftoire de Sicyone. Cette ville étoit dans le Péloponnefe, fur une montagne voifine du Golfe de Corinthe. Paufanias nous a laiffé un catalogue de ces Rois, qui précede ceux d'Argos de deux cens ans: Eufebe & le Syncelle nous ont confervé celui de l'Hiftorien Caftor, moins détaillé cependant que celui de Paufanias. Les Sçavans remarquent avec raifon que la plupart de ces Princes font fuppofés, & n'exifterent jamais,

(1) Can. Chron.

(2) Liv. 3.

d'autant plus que leurs regnes ne s'accordent point avec ceux des Rois d'Argos, dont l'Hiftoire est tout autrement attestée par les Anciens: voilà ce qui a porté le Chevalier Marsham, fi habile dans la connoiffance de l'Antiquité, à rejetter la plupart de ces Princes (1). Voici les principales raisons fur lesquelles il fe fonde.

1o. Egialée, felon Apollodore (2), eft fils d'Inachus, & frere de Phoronée, & c'eft fans doute l'opinion qu'on doit fuivre. Cependant les deux liftes que nous reftent de ces anciens Rois, le mettent à la tête de ceux de Sicyone, & dèslà, le font vivre 200. ans avant fon pere. 2°. Le dix-neuviéme Roi de cette Dynastie a, dit-on, donné fon nom à la ville, mais, felon Paufanias, il étoit fils de Pelops, qui ne vêcut que long-temps après que cette ville eût pris le nom de Sicyone. 30. Polyphile, le vingt-quatriéme de ces Rois, vivoit, fi on en croit quelques Auteurs anciens, du temps de la prise de Troye. Cependant il eft inconnu à tous les Auteurs qui ont parlé du fiége de cette ville; & Homere dit pofitivement, qu'Adraste a été le premier Roi de Sicyone. 4o. Dans l'énumeration que fait ce Poëte des Chefs qui menerent des Troupes à Troye, il n'eft fait aucune mention des Sicyoniens; ce qui prouve que cette ville en ce temps-là, étoit du domaine d'Agamemnon, Roi de Mycenes.

On peut ajouter à ces raifons, que les preuves que nous donnerons dans la fuite pour l'antiquité de la ville d'Argos, ruinent entierement les prétentions des Sicyoniens. Car comment accorder ce que les Anciens difent de l'antiquité d'Argos, avec les prétentions de Sicyone? Pline rapporte fur le témoignage d'Anticlidès, que Phoronée, Roi d'Argos, eft le plus ancien Roi de la Grece. Clement d'Alexandrie en dit autant fur le témoignage d'Acefilaüs, & il ajoute même que Phoronée a été auffi le premier homme. Platon, dans le Timée, ne connoît rien dans l'Hiftoire Grecque avant ce Prince; & le Syncelle fur ces autorités, croit qu'on doit commencer cette Hiftoire par Inachus, pere de Phoronée Telles font les raifons de Marsham, qui n'a même pu croire qu'Inachus fût un homme, mais un fleuve.

M.

M. le Clerc, & quelques autres Sçavans, ajoutent à ces raifons, que le nom d'Egialée qu'Eufebe après Caftor met à la tête des Rois de Sicyone, paroît fuppofé. En effet, Egialée veut dire habitant du rivage, Littoralis ; c'eft Herodote (1) qui donne lieu à la conjecture de ces Auteurs. Les (1) Liv. 7. Ioniens, dit-il, qui habitoient le Peloponnefe avant Ion, fils de Xutus, étoient appellés Pelafgiens Egialées: par où il paroît que cet Hiftorien diftingue deux fortes de Pelafgiens dans le Peloponnefe, ceux qui habitoient du côté de la mer, & ceux qui demeuroient au milieu des terres, vers le mont Cyllene, où Pelafgus, suivant le témoignage d'Afius dans Paufanias (2), s'étoit établi.

(2) In Arc.

Malgré ces autorités & ces preuves, on pourroit encore fe rendre à l'autorité d'Eufebe & de Cedrene, qui ont adopté la lifte de ces Rois, donnée par l'Hiftorien Caftor; car quand même le mot Egialée fignifieroit un habitant des rivages de la mer, & que ce ne feroit pas le nom véritable du premier Roi de Sicyone, ce Roi n'en feroit pas moins réel, mais qu'on auroit feulement voulu marquer qu'un fils d'Inachus avoit quitté l'Argolide qui s'étendoit jufqu'à la mer, pour venir établir une nouvelle domination près du Golfe de Corinthe, dans un lieu peu éloigné de celui qu'il abandonnoit. Cependant je ne rapporte pas ici ce Canon; car à quoi ferviroit une lifte de Rois prefque inconnus, & dont P'Hiftoire nous apprend peu de chofes? Il fuffit de fçavoir que, felon Scaliger (3), les deux Dynafties des Princes _ (3) Doar. de Sicyone, celle des Rois, qui font en tout vingt - fix, & Temp. celle des Prêtres d'Apollon Carnéen,au nombre de 17.0nt duré 893. ans, ou felon M. Fourmond (4), 992. que ce Royau- (4) Ref. crt. me commença 1351. ans avant la premiere Olympiade, 927. T. 2. p. 267. avant la Guerre de Troye, environ 2000. ans avant l'Ere Chrétienne; plus de précision n'eft pas ici néceffaire. On peut confulter l'Auteur des Réflexions critiques, que j'ai déja cité. Je n'en userai pas de même à l'égard de Paufanias; comme ce qu'il dit de ces Rois, eft plus détaillé, & plus inftructif, je crois devoir le rapporter. » Pour les Sicyoniens, dit-il (5), voici ce qu'ils rapportent 1. p. 156. Tome III.

D

(s) In Co

rinth.c.5.& 6. Traduction

de M. l'Abbé Gedouin, D.

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