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jouer, jura un grand ferment, & il s'en repentit dans la fuite; car Junon defcendit promptement de l'Olympe, vint à Argos où elle fçavoit que la généreuse femme de Sthe»nelus fils de Perfée étoit groffe d'un garçon, & qu'elle » étoit dans son septiéme mois. Elle la fit donc accoucher avant terme, & elle retarda l'accouchement d'Alcmene en » arrêtant Ilithie. Enfuite elle vint dire à Jupiter qu'il venoit » de naître un homme de mérite, fçavoir Euryfthée, fils de Sthenelus, & petit-fils de Perfée, iffu de Jupiter, & qui par conféquent méritoit de regner à Argos. Jupiter en fut très-affligé; il prit Até par la tête, & en colere jura le plus grand ferment, qu'on ne trouveroit jamais dans le Ciel éclairé des étoiles, cette faute qui a de fi funeftes fuites. Auffi» tôt il la précipita du Ciel, & elle s'empara incontinent des Daffaires humaines ».

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C'eft de-là auffi qu'eft venu tout l'Heroïfme d'Alcide : car Eurysthée jaloux de fa réputation, lui ordonna ces travaux immenfes qui lui donnerent occasion de faire paroître fa valeur & fon courage; ce Prince malgré l'alliance qui étoit entre eux ( car ils étoient cousins germains ) l'ayant perfecuté fans relâche, ou, pour parler plus jufte, ce Roi politique qui craignoit que le brave Alcide, qui avoit droit à la Couronne, ne le détrônât, tâcha pendant toute la vie de ce Heros de lui donner de l'occupation, en l'employant à des entreprifes également délicates & dangereufes; ce qui n'étoit pas difficile dans un temps où la Grece étoit autant remplie de voleurs & de brigrands, qui s'étoient emparés des chemins, que de lions, de fangliers & d'autres bêtes féroces. C'est à exterminer ces monftres que fut occupée toute la vie d'Hercule, qui commandoit les troupes d'Euryfthée, comme le dit formellement Denys d'Halicarnaffe; & voilà ces prétendues perfécutions ordonnées par les confeils de la jalouse Junon, c'est-à-dire par les intérêts & la politique du Roi de Mycenes.

d'Hercule.

Alcide fut élevé chez Creon Roi de Thebes, qui prit La fureur beaucoup de foin de cultiver fon efprit ; & ce jeune Prince ayant donné dès fes premieres années des marques de valeur,

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1. I.

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(1) Diodor, & fur-tout d'un bon naturel, (1) en faisant la guerre au tyran Erginus, pour délivrer fa patrie du tribut qu'elle lui payoit (a), Creon lui donna en mariage fa fille Megare, dont il eut quelques enfans; mais ayant appris qu'il étoit obligé d'être foumis aux ordres d'Euryfthée, il entra en telle fureur, qu'il tua fon cousin Iolas, & fes propres enfans mêmes fans les connoître; dont il eut enfuite tant de chagrin qu'il fortit de Thebes, & après s'être fait expier de ce meurtre à Athenes, il alla trouver Euryfthée.

Explication des travaux d'Hercule.

Le Lion de Nemée.

Ceux qui écrivirent ce trifte évenement ne manquerent pas, pour foutenir la fable de fa naiffance, d'attribuer fa fureur à la jaloufie de Junon. Ariftote croit qu'il fut agité d'une humeur mélancolique ; d'autres penfent qu'il étoit fujet à Pall'épilepfie, ou à quelque accès de folie. On ajoute que las ayant jetté une pierre, le fit endormir; ce qui fignifie apparemment que les fages précautions de fes amis, & leurs remédes, le rétablirent dans fon bon sens (b). Il donna enfuite Megare à un autre Iolas, fon grand compagnon de voyage, ayant crû que fon mariage avec elle ne pouvoit être que funefte.

Dès fa plus tendre jeuneffe, & peut-être dans fon premier voyage, Alcide avoit tué quelques ferpens : on dit dans la fuite qu'il n'étoit encore qu'au berceau, & que la Déesse Junon les avoit envoyés pour le dévorer (c). Plaute ajoute que ces deux ferpens laifferent le jeune Iphiclus frere d'Hercule pour aller à lui; & que d'abord qu'il les eût vû, il se leva de fon berceau, & les écrafa; ce qui le fit reconnoître le fils de Jupiter (d). Il falloir bien embellir ainsi par des exagérations poétiques l'enfance de ce Heros.

pour

La chaffe qu'il donna à quelques lions de la forêt de

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Nemée, entre lefquels il y en avoit un fort grand, qu'il tua luimême, & dont il porta la peau, fut le premier des douze grands travaux dont on a tant parlé. Pour rendre ce fait plus memorable on publia dans la fuite que ce lion avoit merité d'être mis au rang des Aftres (1). Plufieurs Rois de Syrie, ou Seleucides, ainsi que les Heraclides dont ils defcendoient, affectoient fouvent de porter cette dépouille. Selon Paufanias (2) on montroit encore de fon temps, dans les montagnes qui font entre Cleone & Argos, la caverne où ce lion fe retiroit, & de-là à la ville de Nemée, il n'y a que quinze stades

Ce même Heros délivra auffi l'Arcadie d'un autre fleau qui la défoloit: c'étoient les oiseaux du Lac Stymphale, dont Lucrece (3) fait ainsi la description:

dit

Uncifque timenda

Unguibus Arcadia volucres Stymphala colentes.

On dit qu'Hercule les chaffa du pays en les pourfuivant avec grand bruit. Mnafeas explique cette fable en difant que des voleurs ravageoient la campagne, & détrouffoient les paffans aux environs du Lac Stymphale en Arcadie. Hercule avec fes compagnons les extermina; de-là la fable des oiseaux Stymphalides, qu'on dit que ce Heros chassa, ayant inventé une espèce de timbales d'airain pour les épouvanter, & qu'on que Minerve lui avoit données. Les ongles crochus qu'on leur donne, conviennent parfaitement à des brigands, auffi bien que les ailes, la tête & le bec de fer que leur donne Timagnette, avec des dards du même métal, qu'ils lançoient contre ceux qui les attaquoient, au rapport d'Euripide & de Claudien (a); ce qui veut dire qu'ils étoient armés de lances & de dards. On ajoute qu'ils avoient été élevés par le Dieu Mars, pour marquer qu'ils étoient bien aguerris. Hercule fçut les attirer hors du bois où ils fe retiroient, en les épouvantant par le bruit de fes timbales, & les extermina.

(a) Audierunt memorande tuas Stymphale volucres, Spicula valnifico quondam fparfiffe volatu. Claud, Tome III.

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(1) L. 7. ch. Remarquons en paffant que Natalis Comes s'eft trompé (1) en confondant les oifeaux Stymphalides avec les Harpyes, puifque Petrone, fans parler des autres, les diftingue fi bien:

Tales Herculed Stymphalides arte cruentas
Ad calum fugiffe reor, pennáque fluentes
Harpyias, cum Phineo maduere veneno
Fallaces epula, &c. (a)

Quoiqu'à dire vrai, les Antiquaires font fort partagés au fu-
jet de quelques oifeaux qu'on trouve fur des monumens &
fur des médailles, & que quelques-uns prennent pour des Har-
pyes, d'autres pour des Stymphalides.

Les Marais de Lerne près d'Argos, étoient infectés de plufieurs ferpens qui fembloient multiplier à mesure qu'on les détruifoit: Hercule avec l'aide de fes amis les en purgea entierement, y mit le feu pour brûler les roseaux, & rendit ainfi ce lieu habitable & fertile, & c'est peut-être ce qui a fait dire à Ptolemée Ephestion, au rapport de Photius, que les têtes de l'Hydre étoient d'or: fymbole ingénieux de la fertilité que notre Heros procura à un lieu inacceffible. C'eft fans doute par la même raifon qu'Euripide, dans fa Tragédie intitulée lon, dit que la faulx dont fe fervit ce Heros pour couper les têtes de ce monftre, étoit d'or. Apollodore ajoute qu'à mesure qu'Hercule coupoit une des têtes de ce monftre, Iolaus fils d'Iphiclus qui l'accompagnoit, y mettoit le feu, de peur que le fang qui en fortoit n'en formât une nouvelle. En quoi il n'a fait que copier le Poëte que je viens de citer; & c'étoit effectivement ainfi qu'étoit repréfenté cet évenement (2) Eurip. fur un beau tableau qui étoit dans le Temple de Delphes (1). Peut-être que parmi ces ferpens il y en avoit un que les Grecs nomment Hydros (2), qui eft très-venimeux ; ce qui donna lieu à la fable de l'Hydre. Il faut remarquer qu'Hercule trempa fes fleches dans le fang de ce ferpent, ou plutôt felon Diodore de Sicile, Æfchile, Hygin, & plufieurs autres,

(a) Confultez outre les Poëtes, Paufanias, in Arcad. & le Scholiafte d'Apollonius fur le vers 105. du Liv. 11. des Argonautes.

dans fon fiel, qui étoit la partie de fon corps la plus venimeufe; ce qui les empoifonna, comme il paroît qu'elles l'étoient par la bleffure de Neffus, dont nous parlerons bientôt, & par la playe de Philoctete qui fut dix ans malade, pour en avoir laiffé tomber une fur fon pied.

Servius donne une autre explication à la Fable de l'Hydre: il dit que ce qui y a donné lieu, c'eft que des marais de Lerne fortoient plufieurs torrens qui inondoient toute la campagne; qu'Hercule les deffécha, mit des digues, & fit des canaux pour faire couler les eaux. J'ai lû quelque part (a) que cette Fable eft venue de fept freres qui vivoient de pilleries, & qui fe tenoient cachés dans les marais de Lerne, d'où perfonne ne pouvoit les chaffer. Hercule en tua d'abord un, & enfuite les fix autres, en les attirant deux à deux au combat. C'est peut-être ce qui a donné lieu aux Poëtes de dire que l'Hydre avoit fept têtes; mais ils font peu conftans fur cet article. Simonides dit qu'elle en avoit 90. Selon Alcée elle en avoit so. & d'autres ne lui en donnent que cinq. Paufanias dit qu'il fe peut bien faire que le fang de l'Hydre eût empoisonné les fléches d'Hercule; mais il ne sçauroit fe perfuader qu'elle eût plufieurs têtes, & il ajoute que ce fut Pifandre de la ville de Camire dans l'lfle de Rhodes, qui pour faire ce monftre encore plus terrible, & pour donner plus de merveilleux à fa Poëfie, l'a représenté avec plufieurs têtes, apparemment dans le Poëme qu'il avoit fait fur les Fables, felon Macrobe.

Platon croit que par cette Hydre, les Poëtes ont voulu parler d'un Sophifte de Lerne qui fe déchaînoit contre Hercule; & que par ces têtes renaiffantes on a fait allufion aux mauvaises raifons dont ces fortes de perfonnes ne manquent jamais pour foutenir leurs paradoxes. D'autres difent que par cette Hydre & fes cinquante têtes, on doit entendre une Citadelle défendue par cinquante hommes fous le commandement de Lernus, qui en étoit Roi; & on explique la Fable qui porte que le Cancre défendit l'Hydre, en difant qu'un

(a) Mem. Hift. de la Morée, par M. Corcelli, après Tzetzès.

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