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Dans le temps que Phoronée fucceffeur d'Inachus occupoit le trône d'Argos, Ogygès gouvernoit l'Attique, & une partie de la Béotie. Ce fut fous fon regne qu'arriva cette inondation qu'on a depuis appellée le Déluge d'Ogygès.

ARTICLE IV.

Le Déluge d'Ogygès.

Pho

Il n'y a rien de plus obfcur dans les Antiquités de la Grece, que l'Hiftoire d'Ogygès & du Déluge qui arriva de fon temps. Ce Prince étoit-il originaire de la Grece, ou étoit-il étranger? En quel temps vivoit-il ? Qu'est-ce que le Déluge qui arriva fous fon regne? Voilà trois queftions qu'il n'eft pas poffible d'éclaircir. Les Hiftoriens Grecs difent qu'Ogygès regnoit dans l'Attique & dans la Béotie, du temps que ronée fils d'Inachus gouvernoit l'Argolide, & que ce fut de fon temps qu'arriva le Déluge qui a porté fon nom, dont Cenforin place l'époque vers l'an 1200. avant la guerre de Troye mais ils ne rapportent aucune autorité pour prouver ces faits. Les Marbres de Paros n'en difent rien, & cette célebre Chronique ne commence qu'à l'arrivée de Cecrops dans la Grece. Ce que les Anciens difent du Déluge qui arriva de fon temps, n'eft pas plus certain. Strabon prétend qu'il fut l'effet du débordement du fleuve Colpias; comme fi les eaux de cette petite riviere avoient pû croître jufqu'à inonder la Béotie & l'Attique. Difons avec plus de vraisemblance que comme la Béotie eft un pays environné de montagnes, dont le milieu eft un vallon, il s'y étoit formé un lac qui n'avoit d'iffue que par des canaux fouterrains que la nature y avoit menagés, & par lefquels les eaux s'écouloient à travers le mont Ptous; & que ces canaux s'étant bouchés par l'écroulement des terres voisines, les eaux qui y vinrent des montagnes voifines, & qui fe trouverent peut-être encore augmentées par des pluyes abondantes, ou par la fonte des neiges, qui groffirent confidérablement le fleuve Colpias, remonterent & fe jetterent dans les campagnes voifines qui en furent inondées.

Voilà

Voilà quelle fut fans doute la caufe de ce Déluge, & le curieux Woeler, qui dans fon voyage de la Grece eut occasion d'examiner ce lac & fes iffues, convient qu'il ne peut être arrivé autrement.

S. Auguftin, qui dans fes Livres de la Cité de Dieu, nous a confervé de précieux morceaux fur l'Antiquité Grec que, dit que le Déluge d'Ogygès arriva, comme nous l'avons dit, fous Phoronée fecond Roy d'Argos; & il ajoute que c'étoit le fentiment d'Eufebe & de S. Jerôme. Órofe met ce Déluge 1040. ans avant la Fondation de Rome, près de 2000. ans avant l'Ere chrétienne ; mais felon Scaliger, l'un & l'autre fe font trompés.

Je ne rapporterai point ici l'opinion de M. Newton: on fçait que ce célebre Ecrivain a trop refferré les Antiquités de la Grece, en plaçant l'époque de ce Déluge à l'an 1045. avant notre Ere.

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Jule Africain, fondé fur l'autorité d'Hellanicus, de Philochorus, de Caftor & de Diodore de Sicile, prétend qu'Ogygès vivoit plus de 1020. ans avant la premiere Olympiade, & par conféquent près de 1800. ans avant Jesus-Chrift; ce qui fe rapporte au fentiment du Pere Petau, qui place le Déluge arrivé fous ce Prince, à l'an 1796. avant cette Ere. Sinfon dans fes Origines (1) facrées prétend qu'Ogygès (1) L. 1.c.I est le même que Cadmus ; mais M. Fourmond a prouvé par de folides raisons, qu'on peut voir dans fes Réflexions critiques (2), que ce fçavant Auteur s'étoit mépris. Le même (2) T. 2. M. Fourmond a avancé sur Ogygès, & fur fon Déluge une P. 221. conjecture, laquelle, fi elle étoit vraie, ferviroit beaucoup à entendre la Prophetie de Balaam. Ce Prince, dit-il, étoit le même qu'Og, Agag, ou Ogug, lequel ayant quitté fon pays, vint s'établir dans la Grece, où il périt par une inondation. C'étoit donc un Prince Amalécite, qui fut obligé de quitter les Etats étant pourfuivi par les autres Princes de la race d'Amalec, qui en effet étoient alors très-puiffans, & ce fut du temps qu'il étoit dans la Grece qu'arriva le Déluge qui le fit perir (3).

S. Jerôme dans fa version latine de la Chronique d'Eufe

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(3) Voyer. la p. 231. &

fuiy.

be, a abandonné fon Auteur, & a prétendu que ce n'étoit pas dans l'Attique, comme tous les Anciens le difoient, mais dans l'Egypte qu'étoit arrivé le Déluge d'Ogygès; & comme S. Juftin a avancé que ce Prince étoit contemporain de Moyfe, on pourroit conjecturer que ce prétendu Déluge n'étoit autre chofe que l'évenement arrivé dans la Mer rouge à la fortie des Hebreux.

Pour dire maintenant ce que je penfe fur ce fujet, il est fûr qu'Ogygès n'étoit point originaire de la Grece, fon nom feul prouve affez qu'il étoit étranger; mais venoit-il d'Egypte, ou de Phenicie, ou du pays d'Amalec ? C'est ce qu'on ne fçauroit affûrer. Il alla s'établir à Thebes dans la Beotie, nommée fouvent par les Anciens Thebes Ogygienne, & regna auffi fur l'Attique. Ce fut fous fon regne qu'arriva l'inondation dont je viens de parler, qui fit beaucoup de ravage dans le pays, & à laquelle on donna le nom de Déluge. Ce Prince avoit époufé Thebé, fille de Jupiter & de (1) Voyez Jodame (1), dont il eut deux fils, Cadmus, & Eleufinus qui Paufanias. bâtit la ville d'Eleufis, & trois filles, Alacomene, qui nour

in Att.

(2) Прихі δικαίο

meura 190.

il

rit, dit-on, Minerve, laquelle parut en ce temps-là fur les bords du lac Triton; ce qui a fait donner à cette Déeffe par Homere l'épithete d'Alacomenie ; la feconde de ces filles s'appelloit Aulis, qui donna fon nom à un bourg de Beotie, & la troisième, Thelfinie. Ces trois Princeffes furent après leur mort honorées comme des Divinités, fous le nom de Déeffes Praxidiciennes (2).

Les deux fils d'Ogygès regnerent, l'un dans la Beotie, & l'autre à Eleusis; car il ne faut pas ajouter foi à ceux qui difent que l'Attique avoit été tellement inondée par le Déluge (3) Eufebe dont nous parlons, qu'elle fut long-temps fans être habitée (3). dit qu'elle de- On ne fçait pas précisement fi Ogygès périt dans l'inondaans fans habi- tion du Colpias, ou s'il fe fauva. Parmi les trois filles d'Ogygès Alacomene fut la plus célebre, à caufe de la qualité de Nourrice de Minerve qu'on lui donnoit, & elle fut honorée après la mort d'un culte particulier. On la regardoit comme la Déeffe qui conduifoit les deffeins à une bonne fin, ce qui eft renfermé dans le mot de Praxidice. On lui immoloit la

tans.

tête des animaux, comme le dit Suidas (1). Paufanias ajou- (1) Au mot te (2) que Menelas de retour chez lui après l'expedition de Praxidice. Troye, lui erigea une ftatue, come ayant mis fin par fon fe- (2) In Lac, cours à la guerre qu'il avoit entreprise pour ravoir Helene sa

femme.

Quelque diverfité d'opinions qu'on trouve fur l'époque du Déluge d'Ogygès, je crois qu'on peut le placer vers l'an 1796. avant Jefus-Chrift. Cette époque eft certaine dans l'Hiftoire Grecque. En effet Jule Afriquain, cité par Eufebe (3), nous apprend que tous les Chronologues, & entr'au tres Hellanicus, Philochorus, Caftor, Tallus & Diodore de Sicile, s'accordent à placer cette inondation 1020. ans avant la premiere Olympiade. Cette Olympiade étoit fans doute celle de Corebus, célebrée vers le folftice d'été de l'an 776. avant Jefus-Chrift. Ainsi, par une conféquence néceffaire, ce Déluge étoit de l'an 1796. avant l'Ere chrétienne. Le Pere Petau & Marsham ont fait le même calcul, & nous pouvons nous en rapporter aux lumieres de ces deux fçavans hommes: cependant le temps où regnoit ce Prince eft fi incertain & fi obfcur, qu'on ne fçauroit embraffer aucun fyftéme qui ne foit fujet à de grandes difficultés. Auffi appelloit-on Ogygien tout ce qui étoit ancien,

(3) Prep:

Evang. l. io.

C. 9.

Dei,

N'oublions pas de dire que le regne d'Ogygès fut remarquable par un phénomene arrivé dans le ciel, comme nous l'apprenons de S. Auguftin (4), d'aprés l'Hiftorien Caftor: (4) De civit. voici comme en parle ce fçavant Pere de l'Eglife. Eft in Marci Varronis libris, quorum infcriptio, de Gente Populi Romani, Caftor fcribit, in ftella Veneris..tantum portentum extitiffe, ut mutaret colorem, magnitudinem,figuram, curfum; quod factum ita neque anteà, neque pofteà fit. Hoc factum Ogyge Rege dicebant Adraftus Cyzicenus, & Dion Neapolius, Mathematici nobiles. Je ne m'étendrai pas fur l'hiftoire de ce Phenomene, qui fit, dit-on, changer la Planete de Venus de diametre, de cou leur, de figure & de cours, parce que M. Freret, qui l'a pris pour une Comete, & même pour celle qui parut en 1680. a compofé fur ce fujet une Differtation très-étendue, (4) Mem. de qu'on peut confulter (5).

E ij

l'Acad. des Bel. Lettr.

T. 10. p. 357.

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