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V.LS

LA MYTHOLOGIE

ET

LES FABLES

EXPLIQUE'ES PAR L'HISTOIRE.

A

AVANT PROPO S.

PRE'S avoir rapporté dans les deux Volumes précédens l'Hiftoire des Dieux que le Paganifme adoroit, & expliqué les Fables dont on l'avoit embellie, je dois dans ce Volume parler des Heros ou des DemiDieux, pour lefquels la fuperftition avoit auffi établi un culte religieux, quoique fub, ordonné à celui des Dieux ; & comme, felon Herodote, les Egyptiens ne connoiffoient point de Heros ni de demiDieux, & par conféquent n'avoient aucun culte qui les regardât, & que l'Heroïfme eft proprement né dans la Grece; c'est dans fon Hiftoire qu'il en faut chercher l'origine.

Tome III.

A

Nat. c. 25.

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Mais avant que de paffer plus avant, il faut se rappeller la célebre divifion que faifoit Varron des anciens temps, & que Cenforin nous a confervée, car nous n'avons plus l'Ouvrage dans lequel ce fçavant Romain l'avoit inférée. « On (1) De Die doit, dit Cenforin (1), diftinguer trois temps dans l'Hiftoi» re ancienne. Le premier renfermoit ce qui s'étoit paffé depuis le commencement du monde, jufqu'au premier Déluge, & ce temps s'appelle le temps caché ou inconnu, adov. Le fecond contenoit ce qui étoit arrivé depuis ce Déluge jufqu'aux Olympiades; & comme il s'y trouve une infinité de fables, il a été nommé fabuleux, purixos. Enfin . le temps qui s'étoit écoulé depuis les Olympiades, étant plus connu & plus certain, a été nommé historique, igps> κόν (α).

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Pour faire mieux entendre cette divifion, je dois y joindre quelques réflexions. La premiere, que par ce premier Déluge dont parloit Varron, les Grecs entendoient celui qui étoit arrivé fous Ogygès, car ils ne connoiffoient rien de plus ancien dans leur Histoire que le regne de ce Prince. La feconde, que comme l'Hiftoire des Dieux regardoit les temps inconnus, celle des Heros ou des Demi- Dieux appartenoit aux temps fabuleux, qui par cette raison étoient auffi nommés les temps héroïques. La troifiéme, que j'avois déja faite dans la Préface de cet Ouvrage, eft que cette divifion ne regardoit que la Grece, l'Afie ayant eu des Rois, des Monarchies établies, & une hiftoire fuivie dans les temps que les Grecs nommoient inconnus, & n'avoient pas même encore l'ufage des Lettres. On m'a objecté, que pour donner quelque vraisemblance à cette réflexion, j'aurois dû prouver que Varron ignoroit les Antiquités des Peuples de l'Afie; mais le fait eft prouvé par la fimple expofition, & il ne faut que ce Dilemme pour le démontrer. Ou Varron connoiffoit ces An

(a) Varro tria difcrimina temporum effe tradit, primum ab hominum principio ad cataclyfmum priorem,quod propter ignorantiam vocatur ad nλov.Secundum à cataclyfmo priore ad Olympiadem primam, quod, quia

in illo multa fabulofa referantur, pevtixor nominatur. Tertium à prima Olympiade ad nos, quod dicitur isopinov, quia res in eo gefte veris hiftoriis continentur. Cenf. loc. cit.

tiquités, ou il les ignoroit ; s'il les ignoroit, j'ai eu raifon de dire que la divifion ne regardoit que la Grece; s'il les connoiffoit, il n'auroit pas pu appeller en général temps inconnus, ceux qui ne l'étoient pas pour les Afiatiques.

On voit par ce que je viens de dire que ce qui me refte à parcourir dans cette Mythologie, font les temps héroïques ou fabuleux. Ici par conféquent difparoît ce temps ténébreux pendant lequel avoient vécu les Dieux, & fe présente en même-temps une nouvelle carriere, moins difficile à remplir, & plus amufante que la précedente. Ce n'eft pas qu'il ne s'y trouve des fables à chaque pas; mais elles font moins abfurdes, & plus aifées à ramener à un fens raisonnable, que celles dont on avoit cru devoir orner l'Hiftoire des Dieux. Il fort de ce temps tout fabuleux qu'il eft, je ne fçais quelle lueur hiftorique qui fert à en développer les fictions. Ici, ce font des tombeaux qui rappellent par des traditions suivies le fouvenir des grands-hommes dont ils renferment les cen dres. Là, c'est un monument heroïque, où des cérémonies annuelles remettent devant les yeux l'Hiftoire de celui en l'honneur de qui il avoit été élevé. Quelquefois enfin, ce font des Jeux célebrés dans des temps marqués, & inftitués la plupart par ces mêmes Heros, qui en éternifent la mémoire. Par cela même j'ai eu plus de fecours pour cette derniere Partie de mon Ouvrage : auffi ce troifiéme Volume contiendra-t-il plus d'histoire, & moins de difcuffions que les deux

autres.

Pour y garder quelque ordre, je le divife en deux Parties: la premiere contiendra tout ce qui regarde l'Hiftoire Grec que pendant les temps fabuleux jufqu'au retour des Heraclides; & je renfermerai dans la feconde, l'explication de celles des fables qui font comme ifolées, & ne tiennent point aux événemens dont j'aurai parlé: obfervant toutefois de m'étendre moins fur celles qu'Ovide a raffemblées dans fes Métamorphofes, & dont j'ai donné les explications à la fuite de la Traduction de cet Ouvrage, que fur celles qui fe trouvent dans Hygin, dans Antoninus Liberalis, dans Conon, dans Palephate, & dans quelques autres Mythologues.

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PREMIERE PARTIE

Qui contient l'Hiftoire des temps fabuleux.

VANT que d'entrer dans le détail de cette Hiftoire, je dois traiter quelques queftions préliminaires qui ferviront à la faire entendre..

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Préliminaires de l'Hiftoire de la Grece.

'EXAMINE d'abord, 1°. quelle étoit la Chronologie des anciens Grecs, & quelle étoit leur maniere de calculer les années. 2°. Combien ont duré les temps héroïques. 3°. L'état de l'ancienne Grece. 4°. L'Hiftoire de leurs premiers habitans & de leur maniere de vivre 5°. Celle des Colonies qui vinrent s'établir avec eux, & en quel temps elles y arriverent.

Qu'on ne s'imagine pas, au refte, que cette partie de l'Hiftoire Grecque, pour être tirée d'un temps fi éloigné, foit peu amusante, ou peu inftructive ; car premierement on eft

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ordinairement curieux de connoître l'origine d'un Peuple qui a joué un grand rôle dans le monde, & qu'on a vû après les plus foibles commencemens, s'accroître peu à peu, peu, former plufieurs Monarchies, & fe rendre fur- tout illuftre en cultivant les Sciences & les Arts, & porter la Poësie & l'Eloquence, l'Architecture & la Sculpture au plus haut point de perfection où elles puiffent aller; & nous avoir laiffé dans tous ces genres des modeles inimitables. Secondement, c'est dans cette partie de leur Hiftoire qu'on voit les Grecs paffer de l'état de barbarie où ils étoient plongés, à une vie plus fociable, & abandonner les cavernes, le creux des arbres, & les autres lieux fauvages qui leur fervoient de retraite, pour venir habiter fous la conduite de quelqu'un d'eux, un peu moins groffier que les autres, d'abord fous des cabanes, puis dans des bourgs & dans des villages. Troifiémement, c'eft dans ce même efpace de temps qu'arriverent dans la Grece differentes colonies de Peuples civilifés, qui y porterent les Arts & les Sciences, des Loix & un culte religieux ; y fonderent des villes, où ils raffemblerent ceux qui étoient encore épars dans les campagnes, & y formerent differens Royaumes.

Viennent enfuite, mais toujours dans le même intervalle, ces Heros célebres, Perfée, Bellerophon, Hercule, Thefée, Caftor & Pollux, Ajax, Achille, & tant d'autres, dont les actions immortelles ont été tant chantées par les Poëtes, & fouvent repréfentées fur les Théâtres. Enfin c'eft dans ces mêmes temps héroïques que furent inftitués, & fouvent par les Heros mêmes, ces Jeux qui ont rendu la Grece fi célebre; Jeux confacrés par la Religion, & dont les plus grands Poëtes fe font fait honneur de célebrer ceux qui y avoient remporté quelque victoire. Telle eft en abregé l'hiftoire de ces temps fabuleux dont je dois dans ce volume expliquer les différentes parties, leur donner une jufte étendue, en expliquer les fables, de maniere qu'elles laiffent aux Heros dont elles ont défiguré l'histoire, à force de l'embellir, la jufte part qu'ils ont eu à la gloire qui les a immortalisés.

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