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rope, quoique les Auteurs Grecs les ayent jointes ensemble. Enfin la douziéme confequence eft que par les générations, depuis Thersandre, qui vivoit au commencement de la guerre de Troye, en remontant jufqu'à Cadmus dont Herodote, Paufanias, & prefque tous les Anciens qui ont eu occafion d'en parler, nous ont confervé le nombre, fur-tout fi on y joint avec l'Auteur des Réflexions critiques, l'Histoire des Rois de Troye depuis Dardanus contemporain de Cadmus jufqu'à Priam, on peut fixer l'époque de l'entrée du Chef des Pheniciens dans la Béotie, ainsi que celle de Dardanus dans la Phrygie, à l'an 200. avant la prise de Troye. En effet on ne trouve entre Cadmus, & Therfandre qui fut tué par Thelephe à la premiere année du fiége de cette ville, que , que fix générations, Cadmus, Penthée, Polydore, Labdacus, Laïus, Edipe, Polynice & Therfandre, lesquel. les, fuivant la maniere ordinaire de compter, ne donneront que 200. ans.

Remarquons, 1°. Que je nomme à la verité huit personnes, qui devroient faire fept générations; mais Penthée & Polydore n'en forment qu'une, & leurs regnes, fur-tout celui du premier, furent fort courts. 2°. On m'objectera que je ne nomme ni Amphion, ni fon oncle Lycus, qui regnerent l'un & l'autre à Thebes, ainfi que Créon après la mort de Laïus tué par Edipe; mais ces trois Princes qui ufurperent la Couronne, les deux premiers fur Polydore, & le der nier pendant l'interregne qui fuivit la mort de Laïus, n'augmentent point le nombre des générations de la famille de Cadmus, qui fe fuivirent également pendant l'efpace de temps que regnerent ces trois Princes, & on ne doit les regarder que comme des regnes precaires, qui fans les malheurs arrivés à cette famille, auroient pû également être remplis par les fucceffeurs de Cadmus. Mais une hiftoire abregée de ces regnes va éclaircir ce qui paroît obfcur en cet endroit.

Cadmus chaffé du Trône, comme nous l'avons dit, Penthée fut mis à fa place; mais ayant été déchiré par les Bacchantes, Polydore monta fur le Trône, d'où il fut auffi chaffé pour avoir voulu réformer le culte de Bacchus qui

étoit devenu fort indécent. Labdacus fon fils lui fuccéda (1), (1) Apoll. 1.3. & époufa Nyctis, fille de Nyêteus, dont il laiffa un fils nommé Laïus, qui n'étoit encore qu'au berceau; ce qui engagea Lycus frere de Nycéus à s'emparer de la couronne de fon

neveu.

Paufanias. in Cor. &c.

(3) Comme diroit qua

qui

fi in bivio nati.

Peu de temps avant la mort de Nyctéus, fa fille Antiope qui s'étoit laiffée féduire par fon amant, qu'elle difoit (2) Idem. ib. être Jupiter (2), avoit été obligée, pour se dérober à la colere de fon pere, de fe retirer chez Epopée Roy de Sicyo ne, qui l'époufa. Nyctéus en mourant,engagea fon frere Lycus à le venger de fa fille & de fon gendre, ce qu'il exécuta très-fidélement; car ayant tué Epopée, il emmena sa niéce qui accoucha en chemin de deux enfans, qui pour cela furent appellés Zethus & Amphion (3). Lorsqu'Antiope fut en état d'être tranfportée, Nyctéus la livra à fa femme Dircé, qui la traita pendant plufieurs années de la maniere du monde la plus cruelle; mais enfin ayant trouvé le moyen de s'échapper, elle alla chercher fes deux fils chez les perfonnes à qui elle les avoit confiés, qui étant entrés à main armée dans Thebes, tuerent Lycus, & attacherent Dircé à la queue d'un taureau indompté, qui la fit périr misérablement, fe se rendirent maîtres de la ville, & en chafferent Laïus, qui ne recouvra le Royaume qu'après leur mort, comme nous le dirons en reprenant l'hiftoire de Thebes, à l'occafion d'Edipe fils de ce même Laïus.

Le fupplice de Dircé eft repréfenté dans un beau groupe deffiné par les foins du P. Dom Bernard de Montfaucon, qui représente cette Princeffe attachée à la queue d'un taureau monftrueux. C'eft Amphion au refte, qui pendant fon regne fit conftruire les murailles de Thebes; & fi les Poëtes ont publié qu'il les avoit bâties au fon de fa Lyre, c'est par une métaphore qui nous apprend qu'indépendamment de l'art avec lequel il touchoit cet inftrument (a), il avoit été

(a) Pline liv. 7.c.56. & après lui Paufa- | nias,inBeot.c.5.difent qu'Amphion parent de Tantale, avoit appris la Mufique des Lydiens, dans laquelle il excelloit, & en porta l'harmonie dans la Grece, ayant

ajouté trois cordes aux quatre qu'avoit
alors la lyre. Voyez les Notes de M. Bu-
rette fur le Dialogue de la Mufique par
Plutarque. Mem. de l'Acad. des Belles-
Lettres, Tome 9.

affez éloquent pour perfuader à un Peuple groffier d'aban donner la campagne & les forêts, où ils menoient une vie errante & vagabonde, pour fe retirer dans une ville, & fe mettre par de bonnes murailles, également à couvert de fes ennemis & des bêtes féroces (a). Car affürément person(1) In Beot. ne ne prendra à la lettre ce que rapporte Paufanias (1) de quelques pierres ni polies ni taillées qu'on voyoit près du tombeau de ce Prince; & qu'on difoit être les reftes de celles qu'il avoit attirées au fon de fa lyre.

Remarquons cependant, 1°. Que comme les Fables poëtiques ont été inventées en différens temps, il y a apparence que celle-ci doit être affez récente, & qu'elle n'a eu cours qu'après Homere; puifque ce Poëte fi fçavant dans la Mythologie payenne, n'auroit pas manqué d'en parler dans l'en(2) Liv. 2. droit de l'Odyffée (2) où il fait mention de ces deux Princes qui fermerent la ville de Thebes par fept bonnes portes, & éleverent des tours d'efpace en efpace, fans quoi, dit-il, tout redoutables qu'ils étoient, ils n'euffent pû habiter fûrement cette grande ville. Mais, comme le remarque fort bien (3) In Co- Paufanias (3): « ce Poëte ne dit pas un mot de la voix mer

rinth.

veilleufe d'Amphion, ni des murs de Thebes bâtis au fon » de fa lyre ». Ce fut apparemment l'Auteur du Poëme sur Europe, dont parle le même Auteur, qui inventa cette Fable, puifqu'on difoit dans cet Ouvrage qu'Amphion avoit appris de Mercure à jouer de la lyre, & que par la douceur de fes accords il se faifoit fuivre des bêtes fauvages & des pierres mêmes.

L'Auteur, au refte, du Poëme de la Myniade, dont le même Paufanias fait mention, eft le feul Ancien que je connoiffe qui dife qu'Amphion étoit puni dans les Enfers du même fupplice que le Thrace Thamyris, & cela méprifé Latone & fes enfans (b)

pour avoir

2°. Que comme ces anciennes hiftoires fe foutenoient

(a) Dictus & Amphion Thebane conditor arcis

Saxa movere fono teftudinis, & prece blandâ
Ducere quò vellet. Horat. de Art. Poet.

Mania Phobea fructa Canore lyra. Ovid. Met. lib. 6.

(b) Voyez ce qui a été dit à ce fujet dans l'hiftoire de Niobé, liv. 1.

mal, Paufanias (1) raconte un peu autrement l'hiftoire d'An- (1) In Cotiope & de fes amours. Antiope, dit-il, fille de Nyctéus, rinth. étoit alors célebre dans toute la Grece pour fa rare beauté, même on la difoit fille, non de ce Prince, mais du fleuve Afope qui arrofe les terres des Platéens & des Thebains. Soit qu'Epopée l'eût demandée en mariage, ou qu'amoureux de cette Princeffe il voulut fatisfaire fa paffion à quelque prix que ce fût, le fait eft qu'il l'enleva. Les Thebains bien réfolus de venger cet affront, marcherent auffi-tôt contre lui: le combat fut fanglant ; Nyctée y reçut une bleffure mortelle, ainfi Epopée remporta la victoire, mais il fut blessé aussi. Nyctéus s'étant fait reporter à Thebes: & fentant fa fin approcher, laiffa l'administration du Royaume à fon frere Lycus, qui de droit appartenoit à Labdacus fon pupille, fils de Polydore & petit-fils de Cadmus. Il donna auffi la tutelle du jeune Prince à Lycus ; mais en le conjurant de venger fa mort, combattant Epopée avec de plus grandes forces, & de punir Antiope, fi elle tomboit entre fes mains. Cependant Epopée ne fongeoit qu'à rendre des actions de graces aux Dieux pour le fuccès de fes armes, & à bâtir un Temple à Minerve. Quand le Temple fut achevé, il pria la Déeffe de lui faire connoître par quelque figne fi la confécration lui en étoit agréable, & l'on dit qu'incontinent après fa priere on vit naître un olivier devant la porte du Temple; mais peu de jours enfuite Epopée ne laiffa pas de mourir de fa bleffure qu'il avoit negligée. Sa mort mit fin à la guerre, car Lamedon qui lui fuccéda remit Antiope entre les mains de Lycus on la ramena à Thebes, & ce fut en allant & proche d'Eluthere, qu'elle fe délivra de deux enfans dont elle étoit groffe, fur quoi Afius fils d'Amphiptoleme fit les vers fuivans.

y

La charmante Antiope eut pour pere Afopus;

Pour amans Epopée, & Jupiter lui-même ;
Pour enfans deux Heros, Amphion & Zethus (2).

(2) Traduction de M.

3°. Quoique Dircé ait paffé pour une Princeffe très-cruelle, l'Abbé Geà caufe des maux qu'elle avoit fait fouffrir à Antiope, ce- doyn.

Beot.

pendant, comme elle honoroit finguliérement Bacchus, ce (1) Pauf. in Dieu la vengea en faifant perdre l'efprit à Antiope (1). Errante & vagabonde elle couroit toute la Grece, lorfque Phocas fils d'Ornytion & petit-fils de Sifyphe, l'ayant rencontrée par hazard, la guérit & l'époufa enfuite.

4°. Que la métamorphofe de Dircé en fontaine n'est qu'un de ces ornemens qu'on ajoutoit à l'hiftoire des perfonnes recommandables, ou par leur naiffance, ou par leur beauté; & ce qui a donné lieu à cette fiction, c'eft le nom d'une fontaine qui coule près de Thebes, qui s'appelloit Zarca ou Zirca en Arabe, qui veut dire claire, nom qui lui avoit été donné pour marquer que pour marquer que fon eau étoit pure & fort (2) Thebaid. claire ; ce que Stace (2) exprime par ce vers:

Carula cum rubuit leonæo fanguine Dirce.

Les Grecs en changeant le z en d, & en adouciffant la prononciation du mot, ont fait Dircé ; & pour célebrer plus magnifiquement la fin tragique de la femme de Lycus, qui fut traînée autour de cette Fontaine, on ne manqua pas (3) Bochart dire que Bacchus l'avoit changée en cette Fontaine (3).

Chan. l. I. c.

78.

de

5°. Que malgré tous les malheurs arrivés à la famille de Cadmus, plufieurs de ceux qui la compofoient,furent mis au nombre des Dieux ou des demi-Dieux. J'ai déja parlé d'après Paufanias, des monumens héroïques qu'on avoit élevés en T'honneur de cePrince, comme auffi du culte qu'on avoit rendu à Ariftée l'un de fes petits-fils, & au malheureux Acteon, qui felon Paufanias, fut reconnu comme un Heros par les Orchomeniens; à Semelé & à Ino fes filles; mais un Autel déterré depuis peu de temps près de Cologne, & expliqué par (4) Voyez un Academicien de Lyon (4), nous apprend auffi que les le Journal de deux autres filles de Cadmus participoient auffi aux mêmes honneurs: l'Infcription qui eft fur cet Autel portant: DEÆ SEMELE ET SORORIBUS EJUS DEABUS, &c. (a). Perfonne jusqu'à present n'avoit douté de l'Apotheofe de

Trevoux,
Juillet 1738.

(a) Voyez ce qui en a été dit dans l'Hiftoire des Déeffes meres,Tom. II. Liv. 6.

Semelé

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