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Francifco

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Un Religieux des Freres Mineurs,, da Puglia nommé le Pere François de la Pouille, prêcha vigoureusement au contraire, que l'Excommunication étoit valide, & que tout ce que le Domi-nicain avançoit étoit chimérique. Si. l'on en croit Pic de la Mirande, Auteur de la vie de Savonarole, le Dominicain s'offrit à prouver la véri té de ces propofitions par le feu.D'autres Auteurs contemporains, tels que Nardi, l'Ammirato, & Perufin, font entendre que le Francifcain fut le premier à demander cette épreuve.. Quoi qu'il en foit, ils convinrent. qu'on en viendroit à une femblable expérience, & furent cités devant la Seigneurie. Là, après plufieurs difputes, le Cordelier ne voulant entrer: dans le feu qu'avec le Pere SavonaroOn peut le, on dreffa § un Acte par main de tout au long, Notaire, le 6. de Mars 1498. dans: & l'Extrait lequel il fut arrêté que le Pere Domides Auteurs nique de Pefcia entreroit dans un avons cités feu, duquel il prétendoit fortir fain ditions, à la & fauf, pour foutenir la caufe de Savia de Savo vonarole, & la vérité des propofiprimées chez tions ci-deffus énoncées ; & qu'en Billaine en même temps un Frere Mineur, préR. P. Queiif. fenté par le Pere François de la Pouil

voir cet Acte

que nous

dans les ad

narole, im

1674 par le

Dominicain.

le, y entreroit auffi, affurant qu'il s'y brûleroit avec le Dominicain, pour détromper le peuple.

Cet Acte authentique, étant devenu public, donna lieu à diverfes difputes.Plufieurs perfonnes affuroient que: ces expériences étoient défendues par les faints Canons; que c'étoit tenter Dieu, & que des doutes fur la validité de l'Excommunication, qui devoient être réfolus par les connoiffances ordinaires, ne devoient pas exiger des preuves furnaturelles & des miracles.

D'autres au contraire prétendoient qu'on ne pouvoit réfoudre la difficulté que par cette voie; qu'on fuivroit en cela ce qui s'étoit fait en plufieurs rencontres: ils citoient fur ce point deux ou trois exemples affez mal choifis ; l'un d'Helenus, Evêque d'Heliopolisau fecond fiecle, lequel, difoit-on, s'étoit jetté dans un feu,, & en étoit forti fans fe brûler, pour mettre fin à une héréfie; l'autre d'un Moine nommé Coprès, qui avoit de-meuré une demi-heure dans un feu,, pour réfuter miraculeufement l'héré fie de Manès. Ces faits ne fe trouvent pas dans les anciens Auteurs: mais la

critique n'étoit pas alors fort cultivée. D'ailleurs on alléguoit un autre fait, & d'autres raisons, qui donnerent lieu au partage des fentimens, & engagerent les Magiftrats de Florence à confulter Rome fur ce point. Le Pape Alexandre VI. affembla le Confiftoire, où il fut déclaré que ces fortes d'épreuves ne pouvoient être permifes. Mais cette décifion vint trop tard. Le. premier d'Avril, à l'iffue d'un fermon. pathétique du Dominicain, tous les Religieux & les Affociés du Couvent de Saint Marc, & un grand nombre de Citoyens dirent hautement qu'ils étoient prêts d'entrer dans le feu; & quelques-uns même s'y obligerent. par des écrits de leurs mains. Deux. ou trois Religieux des Freres Mineurs s'obligerent auffi par écrit à la même épreuve ; & le peuple empreffé de voir lequel d'entr'eux fe brûleroit, la Seigneurie, fans attendre la réponse, de Rome, ordonna que l'expérience feroit faite le Samedi fuivant, veille des Rameaux, 6. d'Avril, à une heure après midi. Cette nouvelle fe répandit de toutes parts; & l'on prépara un feu d'une dimenfion étonnante, dans la grande Place de Florence

où un monde infini de la Ville, & de tous les lieux voifins fe rendit; en forte qu'il falut faire mettre beaucoup de Soldats fous les armes, pour garder les avenues, & empêcher le tumulte..

Le jour venu, quatre Huiffiers de: la Seigneurie allerent annoncer l'heure aux principaux Acteurs du fpectacle. Le Francifcain se rendit à la Place fans cérémonie ; mais Savonarole: & Dominique qui avoient paffé tout le matin à chanter folemnellement l'Office & la Meffe, fortirent de l'Eglife en proceffion, fuivis d'un très-grand monde. Le Pere Dominique, qui devoit entrer dans le feu ayant un Crucifix à la main, marchoit entre un Diacre & un Soûdiacre, & & le Pere Savonarole portoit le trèsfaint Sacrement. Dès-qu'ils furent arrivés à la Place, & que tout le monde s'attendoit à l'épreuve, le Fran cifcain François de la Pouille, défaprouvant ce grand appareil, deman da que le Pere Dominique n'entrar pas dans le feu avec la fainte Hoftie, & voulut même qu'il changeât d'ha bit, de peur de quelque enchantement. Les habits furent changés; mais

on ne relâcha rien fur l'autre article; & les conteftations durant jufqu'au foir, le peuple, fort mécontent de ne voir entrer perfonne dans le feu, auroit fort maltraité le Pere Savonarole, & fon Compagnon, file respect. dû au faint Sacrement, & la crainte qu'excitoient les Soldats n'euffent été pour eux une fauvegarde, qui les mit à couvert de toute iufulte jufqu'au Couvent de faint Marc. Ils ne furent pas fi heureux le lendemain; car leurs ennemis & le peuple foulevé, profitant de cette occafion, engagerent la Seigneurie à les faire faifir la nuit du Dimanche des Rameaux au Lundi. Leur procès fut fait affez vîte, & ils furent brûlés vifs le 23. de Mai fuivaut, veille de l'Afcenfion, dans la même Place où s'étoit dû faire la célebre épreuve. Le peuple,qui fembla fe rejouir de les voir brûler, auroit fans doute été plus aife qu'ils euffent été préfervés du feu le 7. d'Avril, lorfque le Père Dominique avoit promis d'en fortir fain & fauf. Mais ce font-là des miracles rares ; & il eft. étrange qu'après tout ce qui avoit été dit depuis deux fiecles,pour mon trer que c'étoit tenter Dieu que de.

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