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l'épreuve de l'eau froide, ou qu'au
temps de Gregoire de Tours elle eût
été en ufage, cette femme, loin d'ê-
tre reconnue innocente, auroit paffé
pour la plus grande péchereffe du
monde, puifqu'une fort groffe pierre
ne pouvoit la faire enfoncer dans
l'eau.

Au Chapitre fuivant 70. on voit
encore une femme accufée injufte--
ment d'adultere, & condamnée trop
légerement à être precipitée dans la
Saône avec une meule de moulin au
col. Mais Dieu, dit Saint Gregoire
de Tours, prenant foin de l'innocen-
ce de cette femme qui l'invoquoit,
ne permit pas qu'elle fe noyât, & la
conserva miraculeusement au milieu
des eaux.

Ces exemples montrent seulement qu'on noyoit les femmes adulteres, & que Dieu fit un miracle pour préferver deux femmes injuftement con-damnées.

X. Autres mi

On ne doit pas non plus rapporter à l'épreuve de l'eau froide un mira-racles mal apcle que Mr. Baluze a tiré d'un Ma- pliqués & oppofés à ré nufcrit de la Bibliotheque de Saint preuve. Germain des Prez: Après la mort de * De miraGafton. de Bearn, fa femme, fœur Rupis amato

*

culis B. Maria

durcos. L. вазбо

1,

is apud Ca- du Roi de Navarre, demeurant groffe, fit une fauffe couche qu'on attribua à un crime. On vouloit qu'elle fût brûlée, ou noyée. Quapropter diverfo tormento affici,vel igne cremari, vel fub undis ligatam mergi decernunt. On la lie en effet comme on lioit ceux qu'on éprouvoit par l'eau froide, & du haut d'un pont d'une hauteur prodigieufe, on la précipite dans la ri viere. Mais, par l'interceffion de la très-fainte Vierge, elle demeura toujours fur l'eau, qui la porta faine & fauve fur le fable, d'où on la tira Not ad Ago. avec la joie de tous fès proches. Illa bard. p. 164. verò fuper undas profundiffimi torrentis, miferatione Domini, & ejufdem matris gloriofiffima fubventione, plufquam ter poffet arcus fine merfione delata, confedit arenis, undè fui cum gaudio reportave-· runt liberatam ad propria.

Il eft affez évident que ces miracles font oppofés à l'épreuve de l'eau froide. Par ces miracles les innocens n'enfónçoient pas dans l'eau, foutenus par une protection visible de Dieu X1. qui a paru dans cent autres miracles L'épreuve pareils. Mais, par une bizarrerie furprenante qui fit introduire l'épreu-bittaire & fu- ve de l'eau froide, il plut à des per

vient d'une.

invention ar

perftiticufer.

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Hincm.t.

L. 2. Doct
Chrift.c.24

fonnes que les innocens enfonçaffent = dans l'eau, & que les coupables n'y puffent enfoncer. Cela feul devoit faire comprendre à la plupart des hommes ce que les plus fenfés difoient au temps d'Hincmar; que c'étoient-là des inventions de l'efprit humain purement arbitraires: Sed adin ventiones funt humani arbitrii, in qui, p. 599. bus fapiffimè per maleficia falfitas locum obtinet veritatis. Mais c'étoient des inventions que le Fentateur qui aime à lier commerce avec les hommes, faifoit quelquefois réuffir. » Car ces efprits féducteurs, dit faint « Auguftin, pour pouvoir féduire les « hommes, operent quelquefois ce « qu'ils paroiffent defirer. L'illufion: & le menfonge étoient fouvent vifie bles dans cette pratique; autre preu ve de fon origine :& il femble que le peuple craignoit, & y fentoit même l'action du malin efprit; d'où vient que prefque auffitôt que ce prétendu fecret eut été mis en ufage, on demanda des prieres & des exorcifmes à l'Eglife, pour empêcher dans cette expérience tout ce que le Démon y opéroit. Un peu plus d'ap plication & de lumiere auroit dû la

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faire interdire, en montrant que cês hommes divins, aufquels Hincmar en attribue l'invention, étoient des Devins qui avoient tenté de favoir des faits cachés par une voie qui n'étoit pas naturelle, non pas des hommes divins, c'eft-à-dire, Saints & infpirés de Dieu, dans le fens que le prend Hincmar dans fon Traité. Peu de temps après qu'il eut expofé fes raifons dans le Traité du veau pour divorce, il eut une conférence avec preuve. Il rai- Hildegar, Evêque de Meaux, fur fonne ma, l'épreuve du jugement de l'eau froimais avec hu de. Cet Evêque vouloit favoir ce

XII.

Hinc

Hincmar écrit de nou.

foutenir l'é

milité.

qu'il penfoit d'un Ecrit compofé fur ce point par Raban, Archevêque de Mayence, lequel apparemment condamnoit cette épreuve. Cela donna lieu à Hincmar d'écrire à Hildegar une affez longue Lettre, qui eft la trente-neuvieme dans l'édition du Pere Sirmond, & qui a pour titre : Epift. 39.ad Du Jugement de l'eau froide. Mais il Epifc. Mel ne fait proprement dans cette Lettre ducio aqua fi qu'un extrait de fon Traité du difrigida. T. 2. vorce. Il rapporte de nouveau les. miracles de l'Ecriture Sainte, il en tire plufieurs des Dialogues de Saine Gregoire, cite ceux de Saint Benoît

Hildegarium

denfem de ju.

p. 676.

& de Saint Maur fon difciple, & conclut qu'après tout cela le lecteur ne doit plus être furpris de voir que dans le jugement de l'eau froide les innocens enfonçent, & que les coupables n'y peuvent entrer: Hac dili- pag. 684 gens Lector legat, & non mirabitur in Judicio aqua frigida, innocentes ab aqua recipi, nocentes verò non recipi; fuut & calida coquuntur noxii, innoxii verò refervantur incocti.

in aqua

* Je crois que le lecteur verra encore beaucoup mieux qu'Hincmar, tout favant qu'il fût, foutenoit une mauvaise cause, & la défendoit affez mal. Ce qu'il y a de louable & de meilleur dans fon Traité, c'eft qu'il y fait paroître beaucoup d'humilité,& qu'il finit en déclarant qu'il eft prêt d'entrer dans le fentiment de ceux qui, par des réflexions plus propres

* Hæc autem dicimus, non quòd quemquam reprehendamus, quia nec ibi fcriptum eft, cur hoc judicium non debeat fieri; fed tantùm modò dictum ne fieret, aut noftra, quafi fapientiùs prolata quàm ali invenire ex Sanctorum documentis prævaluerint: five prævaleant, defendere fatagamus. Unufquifqueenim in fuo fenfu abundat tantùm quilibet hoc cautè provideat, ut à Fide Catholica & Traditione: Apoftolicæ Sedis non difcrepet : fed quæ fentimus humiliter proferentes parati fumus fi quis convenientius nobis oftenderit, fine contentione fano intellecsui cedere, & libentiffimè non modo confentire, quin etiam difcere, Pag. 685. fubfin.

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