XIII.

au sujet, voudront l'instruire sur cette matiere.

Mais il ne se fit point de Traité

Hincmar après Hincmar où l'on montrât le foieft cause que ble de ses raisons. Ce qui l'avoit cette fuperftition conti- trompé, trompa encore diverses perfonnes. Plusieurs furent entraînés ou par son autorité, ou par le bien qu'ils croyoient voir dans cette épreu ve. D'autres, qui auroient pû porter un jugement solide, aimoient mieux croire que c'étoient des illufions qui amusoient le peuple, sans se mettre en peine d'y remédier. Et Dieu, qui n'ordonne pas à ses Anges d'empêcher tous les maux que font les mé chans hommes & les Démons, laissa croître cette ivraie avec les autres mauvais grains que l'ennemi seme & qui ne peuvent être arrachés que peu à peu, & par l'application des Pasteurs de l'Eglife.

Il étoit indifférent de jetter dans l'eau les personnes qui devoient se juftifier, ou de prendre un enfant pour faire l'épreuve. * Le P. Mabillon rapporte qu'en 1021. des personnes qui avoient envahi des biens à l'Abbaye de Saint Victor de Marseille ne furent déterminés à les rendre qu'après avoir vû qu'un enfant, qu'on avoit mis dans l'eau, ne pouvoit enfoncer. Il se trouvoit des personnes qui examinoient leur confcience par l'épreuve de l'eau froide, & cherchoient par cette voie la décision des cas de confcience. Les parens du Saint Pape Leon IX. examinerent pat l'épreuve de l'eau froide s'ils avoient payé entierement les dixmes. C'est ainsi qu'en parle l'Auteur contemporain de la vie de Leon IX. en relevant leur piété & leur exactitude dans les devoirs de la Religiion. Nam, ut modo de mul- Acta Ord. tiplici eorum ergà Deum vigilantia taceaS. Bened. fac V1.part.2. mus, utrùm integrè reddidissent rerum fua- pag. 54. rum decimationem sub judicio aqua frigida perfcrutabantur.

On continua donc encore au dixieme, onzieme, & douzieme fiecles, les épreuves de l'eau froide, quoique superstitieuses. Cependant Dieu qui préside aux forts, dit l'Ecriture, ne permit pas que ces épreuves, qui confondus pouvoient tromper, nuisissent à la ment de l'eau Foi de l'Eglife, en confondant les Hé-froide, felon sétiques avec les Catholiques. Ce fut par l'épreuve de l'eau froide qu'en 1114. on découvrit les Manichéens d'auprès de Soiffons, qui cachoient leurs hérésies en se parjurant, comme les anciens Prifcillianistes. * Guibert, Abbé de Nogent, qui en plusieurs endroits paroît opposé aux fuperstitions, fut le principal auteur de cette épreuve. Il engagea Lisiard Evêque de Soiffons à dire la Messe, & à faire les exorcismes accoutumés pour le jugement de l'eau froide. Ce bon Evêque suivit l'avis de Guibert : il donna l'Euchariftie comme la premiere épreuve à ceux qui étoienr foupçonnés d'hérésie; on les mit enfuite dans une cuve pleine d'eau, où l'on jetta d'abord Clementius, chef de la secte, qui surnagea comme le bois le plus léger. Cela servit de conviction; & le peuple brûla tous ces Hérétiques, sans attendre le jugement du Concile de Beauvais auquel l'Evêque de Soissons avoit dessein d'exposer la difficulté. C'est Guibert même qui rapporte le fait au troisieme livre de sa vie, chap. XVI. p. 520.

* Peu d'années après ce fait, au

fide integerrimus, qui, ut non fubjicerentur judicio, corum promiffa refpuerat, ad aquas procedunt. Epifcopus cum multis lacrymis lætaniam præcinuit,

fe

deinde exorcifmum fecit. Inde sacramenta dedere' contra fidem noftram credidiffe, aut docuiffe. Clementius, in dolium missus, ac si virga supernarat. Quo viso, infinitis gaudiis gaudiis tota effertur Ecclefia. Tantam enim sexus utriufque frequentiam am opinio ista conflaverat, quantam inibi nemo præsentium vidisse meminerat. Alter confeflus errorem, fed impænitens, cum fratre convicto in vincula conjicitur. Duo alii è Duramantiis villa probatisfimi hæretici ad spectaculum venerant, pariterque tenti funt: intereà perreximus ad concilium Belvacense consulturi Epifcopos, quid facto opus esset: fed fidelis interim pulus, clericalem verens mollitiem concurrit ad ergastulum, rapit, & fubjecto eis extra urbem igne pariter concremavit. Quorum ne propagaretur carcinus, juttum erga eos zelum habuit Dei populus.

*

po

Plerumque fideles injectis manibus aliquos ex eis ad medium traxerunt. Quæfiti fidem, cum de quibus suspecti videbantur omnia prorfus suo more nega

temps de Saint Bernard, on fit fubir l'épreuve de l'eau froide à de semblables Hérétiques qui nioient leurs erreurs. Ils ne purent enfoncer dans l'eau; & l'on reconnut par-là qu'ils étoient des menteurs & des impofreurs, ainsi que le dit Saint Bernard, qui décrit le fait historiquement, sans en porter aucun jugement.

Il ne paroît nulle part que Saint Bernard ait condamné ces fortes d'épreuves. Mais il ne paroît pas auffi formellement qu'il les ait approuvées, comme Guibert de Nogent, qui, désapprouvant l'usage du duel, parle avec respect du jugement de l'eau froide pour découvrir non seulement des Hérétiques, mais encore des voleurs. Il rapporte qu'un certain Anfel déroba des Croix & des Calices dans l'Eglise de Notre Dame de Laon, & les vendit en secret à un Marchand, qu'il fit jurer de n'en rien dire. * Celui-ci entendant que dans toutes les