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XI.

cufables. Les

Weftphalie.

& feulement dans la vûe de prononcer un jugement certain fur des foupçons & des accufations de forcellerie, où fouvent l'on manque de preuves.

Il n'y avoit qu'à dire à Rickius, & Juges inex- aux Magiftrats qui penfoient & parEpreuves con- loient comme lui, que les Juges ne tinuent en font obligés de juger que de ce qu'ils connoiffent; que rien ne les engage à demander des miracles; qu'ils doivent furtout fe garder de recourir à des moyens extraordinaires qui pourroient les tromper ; & qu'ils ne font nullement excufables lorfque ces fortes de moyens ont été généralement condamnés par l'Eglife. Mais il faut répéter cela bien de fois avant que d'en être cru. Divers Juges d'Allemagne ont perfifté dans cette pratique jufqu'à préfent. Car des Officiers François affurent qu'en Weftphalie, au Diocefe d'Ofnabruc, ils ont vû plufieurs femmes fubir l'épreuve de Peau,furnager & encourir la peine du: feu.

XII.

L'ufage

Sur la fin du fiecle paffé, cet ufa ge vint en France, où l'épreuve de een Fran Beau froide n'étoit plus connue depuis le treizieme fiecle. Si quelques

XIII.

les femmes.

Savans de ce temps ont dit qu'on baignoit autrefois les Sorciers, & qu'on les connoiffoit par le jugement de l'eau froide, ils l'ont dit fans preuve & par méprife. A Touloufe, depuis un temps immémorial, Cage de fer on a baigné les Blafphémateurs dans pour plonger une cage de fer, qu'on tient toujours fufpendue fur la riviere, & qui s'éleve & s'abaiffe dans l'eau par le moyen d'une bafcule. Il y a plus d'un fiecle qu'on a étendu cette peine aux femmes de mauvaise vie.L'Exécuteur les fait aller par la Ville en chemife jufqu'au bas du Pont neuf où eft cette cage de fer, dans laquelle il les fait entrer, & les plonge ainfi dans l'eau, dont elles ne peuvent éviter de boire quelques: traits. Mais cela ne fe fait que pour les punir, & leur faire une confufion publique pour le feu de la concupifcence qu'elles fomentent, & non pas pour connoître leurs crimes, ou pour découvrir quelque fait caché. Autrefois on jettoit dans la riviere les perfonnes convaincues de forcel- autrefois lerie > non pour favoir fi elles en étoient coupables ou non, mais pour l'es noyer. Lorfque Lothaire feren

XIV.

Les Sorcie

noyés.

dît maître de Châlons en Bourgogne en 834.& que les Soldats mirent tout à feu & à fang, on jetta dans la Saône *Thegn. une Religieule nommée * Gerberge à caufe qu'elle étoit fœur du Duc Bernard, & fille du Comte Guillaume. L'Auteur de la vie de Louis le Pieux dit qu'on la noya, comme fi elle avoit été empoiformeufe ou

Du Chefne.

tom. 2.

Hiftor. Sotciere. Sed & Gerberga, filia quonChefne, tem.. dam Willelmi Comitis, tanquam vene

Franc.

p. 312.

Du

Ibid. p. 362.

XV.

de l'épreuve

fica, aquis prafocata eft. Nithard, qui écrivoit dans le même-temps, dit auffi que c'étoit le fupplice des Sorciers; Gerbergam, more maleficorum, in Ararim mergi præcipit.

Quoique l'épreuve de l'eau froide Variations fût alors en ufage, on ne difoit pas, de l'eau fioi- on ne penfoit pas même que les Sorde fur divet ciers duffent furnager. On les jettoit dans l'eau, afin qu'ils y enfonçaffent

Les idées.

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& y périffent: ils y enfonçoient en effet, & s'y noyoient. Mais les idées changent, & les expériences qui ne font pas naturelles changent auffi. Celle de l'eau froide a changé bien des fois. Au temps de Pline* on difoit qu'en Scythie & ailleurs ceux

*Effe ejufdem generis in Triballis & Illyriis adait Ifigonus, qui vifu quoque effafcinent, interi

qui fafcinoient & donnoient la mort par un regard, ce qu'on appelleroit à préfent des Sorciers, n'enfonçoient pas dans l'eau.

Parmi les Celtes, comme le dit S. Gregoire de Nazianze, on éprouvoit les enfans qui venoient de naître en les mettant fur le Rhin couverts d'un bouclier s'ils demeuroient fermes fur l'eau, ils étoient cenfés légitimes; & s'ils enfonçoient, on n'en faifoit aucun cas. C'eft l'épreuve superftitiense dont parle Claudien.

Et quos nafcentes explorat gurgite
Rhenus.

Les Fideles ont toujours cru avec raifon qu'il falloit un miracle pour préferver ceux qu'on jettoit dans l'eau ; & des perfonnes innocentes & pieufes,implorant le fecours de Dieu, ont été fouvent préfervées des eaux où on les avoit jettées pour les noyer..

Au neuvieme fiecle on s'imagina au contraire fuperftitieufement que mantque quos diutiùs intueantur.... Hujus generis & feminas in Scythia, quæ vocantu Bithyæ, prodit Apollonides. Phylarchus & in Ponto Thybiorum genus, multofque alios ejufdem naturæ: quorum. notas tradit in altero oculo geminam pupillam, in altero aqui effigiem. Eofdem præterereà non poffe mergi, ne vefte quidem degravatos. Plin. lib.7.cap.

2.

les coupables de vol ou d'adultere,& généralement ceux qui avoient fait quelque injuftice, ne pourroient pas enfoncer dans l'eau. Cela fut en ufage durant cinq cents ans, & fit découvrir plufieurs criminels; à la réferve des Sorciers, qu'on ne jettoit dans l'eau que pour les noyer, comme on vient de le voir. Au milieu du feizieme fiecle on ne favoit pas encore en France qu'ils devoient demeurer fur l'eau, & l'on ne fe fervoit point alors de l'épreuve de l'eau froide à l'égard des Sorciers, ni de quelque autre perfonne foupçonnée de crime. Cujas nous a dit pofitivement que ce jugement étoit hors d'ufage, planè exoletum ; & Bodin, qui donna fon Traité de la Démonomanie L.4. C. 4. en 1580. dit affez clairement que cette maniere de connoître les Sorciers n'eft en ufage qu'en Allemagne. C'eft de-là que cette pernicieuse pratique eft venue en France. Voyons le progrès qu'elle y a fait, & le jugement qu'on en a porté.

*

*Le Jug bien entendu joindra toutes les préfomptions pour recueillir la vérité, pourvù toutefois qu'il ne faffe comme plufieurs Juges d'Allemagne, qui... font lier les deux pieds & mains à la Sorciere, & la mettre doucement fur l'eau ; & fi elle eft Sorciere, elle ne peut aller à fond... car le Diable fait par ce moyen une forcellerie de laJustice qui doit être facrés..

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