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ke, à l'heure d'environ huit heures du matin, fe font adreffés pardevant moi Claude Hay, Notaire Royal en la Prevôté Royale de Montigny le Roi, pour Monfeigneur le Prince de Condé Seigneur du dit lieu Vincent Baudot Maréchal, Jeanne Manteau sa femme; Suzanne d'Appougny, veuve de Claude des Bœufs, tous demeurans audit Montigny ; Etienne d'Appougny Laboureur, demeurant à Merry Pa roiffe du dit Montigny, & Marie Liger Ja femme lefquels m'ont dit & fait entendra que plufieurs Habitans du dit Montigny les traitent & qualifient tous de Sorciers, & difent qu'ils le font; & pour leur faire voir c'e connoître qu'ils ne font de cette qualité de Sorciers, & qu'ils ne l'ont jamais été, ils fe font foumis & fe fou metteni tous volontairement de fe faire baigner dans un endroit qui fe trouvera le plus profond dans la riviere de Senin, pour voir s'ils n'iront point au fond de l'eau, ou y allant, ou non, eu dreffer mon Procès Verbal. C'eft pourquoi its m'ont tous prié & requis de me vouloir transporter avec eux à la dite riviere de Senin, avec mes témoins ci-après nommés; ce que

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je leur ai octroyé dont Acte, fait & paffé en préfence de Maître Jean Bouffard, Lieutenant au Bailliage de Blegny, y demeurant....la minute des préfentes eft fignée des dits d'Appougny & Baudot, & des dits autres témoins & de moi Notaire fufdit fouligné.

ne

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Ce fait, & à l'inftant, je Notaire fufdit & fouffigné, affifté des témoins ci-deffus nommés, me fuis tranfporté avec les dits Baudot, fa femme, Etien d'Appougny, veuve des Boeufs, Claude Regnard, & Claudine Rian veuve de Jean Jolliton, tous du dir lieu de Montigny à la dite riviere de Senin, au deffus du gué du bas des pierres, proche & au deffous de l'Abbaye de Pontigny, où étant fur le bord de l'eau de la dite riviere, qui eft un endroit le plus profond qu'ils ont pů trouver, tous lesquels fe font faits baigner volontairement, & iceux fait lier aux mains & aux pieds par Claude Maffe Cordonnier, & Jean Thibaule Laboureur, demeurans au dit Montigny, & Nicolas Rouffeau Laboureur, demeurant à Venouffe, qui s'y eft trouvé, & autres : & enfuite ont été jettés les uns après les autres dans la dite riviere, en présence de plus de fis

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cents perfonnes par lequel bain s'eft
trouvé que le dit Vincent Baudot a en-
foncé dans l'eau une fois feulement, en
ayant été trouvé délié en le retirant
& l'autre fois n'a été au fond de la di-
te eau; à l'égard de la dite veuve des
Bœufs, a enfoncé deux fois dans l'eau
avec la femme du dit d'Appougny ; &
quant aux dits d'Appougny, Regnard
&la dite veuve Jolliton, n'ont nulle-
ment enfoncé dans l'eau: & dont, &
de tout ce que deffus ai, Notaire fuf-
dit fouffigne, dreffe le préfent Procès
Verbal, pour fervir en temps & lieu,
ainfi qu'il appartiendra, dont j'ai fait ger
Acte..... La Minute des préfentes eft
fignée par les dits.....& de moi No-
taire fufdit fouffigné. Icelle contrôlée à
Seignelay par Noiret, Commis, le on-
zieme Juin 1696.

Comme ce Procés Verbal eft extrêmement fuccinct, parcequ'avant de le faire contrôler on en ôta, diton, plufieurs circonftances, foit parceque le Notaire s'étoit mal énoncé, foit pour diminuer la confufion de quelques perfonnes, il eft bon d'ajoûter ici: 1. Que l'expérience fe fit plus modeftement qu'elle ne fe faifoit autrefois; car, au lieu que less Ny.

* Non plus que des gour

des, dont les enfans fe ferprendre à na

vent pour ap

perfonnes que l'on jettoit dans l'eau étoient toujours toutes nues, on leur laiffa en cette occafion la chemife; ce qui rend plus excufables, du côté de l'honnêteté, plufieurs personnes qui affifterent à l'épreuve. On nous a pourtant écrit de nouveau, que quelques-uns de ceux qui ne pouvoient enfoncer, craignant que la chemife ne les empêchât, la quitterent mais ils ne laifferent pas de furnager.

2. Que les perfonnes qui ne purent enfoncer dans l'eau étoient plûtôt maigres que graffes, & qu'il y en avoit même de fort maigres. Je me fuis informé de cette circonftance, parceque les hommes maigres doivent aller au fond de l'eau plus vite que ceux qui font gras.

3. Qu'on les jetta plus d'une fois. dans la riviere, & qu'on les laissa furnager durant un temps confidérable, environ une demie heure. On jetta même quelques-uns des furnageans jufqu'à quatre & cinq fois. fans qu'ils enfonçaffent..

Après cette épreuve étonnante, où il y a vifiblement du furnaturel, toutes ces perfonnes ainfi liées devant

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aller naturellement au fond ceux qui avoient furnagé pafferent pour Sorciers. On n'en douta point, & l'on ne fut en peine que de la procédure qu'on devoit garder à leur égard. Mr. M... qui étoit Receveur de la Terre de Montigny le Roi, & chargé par fon Bail des Procès Criminels, éviter un trop grand pour embarras, empêcha qu'on ne pourfuivit ces prétendus Sorciers. D'ailleurs les Juges de Montigny ayant donné avis de l'épreuve au Confeil de Mr. le Prince, ce Confeil fago & éclairé répondit que ce n'étoit pas là une conviction, & qu'il ne faloit plus réitérer ces fortes d'épreuves. Ainfi on laiffa ces malheureux en repos; & quelques-uns ont quitté le pays avec leur famille.

Huit ou neuf ans auparavant, il s'étoit fait une femblable épreuve par l'autorité du Bailli de Montigny : & ceux qui avoient fuccombé à l'épreuve ne furent pas non plus pourfuivis en Juftice; toutes chofes ayant été affoupies par une voie qui apaife beaucoup de différends.

C'eft un bien qu'en toutes ces accafions les Juges n'aient pass

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