beaucoup d'épreuves fuperftitieufes parmi les Payens, & ne doute pas que celle-ci n'en foit une. Il ne parle pas exactement de l'origine & du progrès de l'épreuve, non plus que les autres Auteurs que nous avons cités; parcequ'il n'avoit pas vû les difputes excitées fur ce point au neuvieme fiecle, & les autres faits que nous avons obfervés. Mais il aperçoit diftinctement que l'épreuve de l'eau, auffibien que celle du feu étoient fuperftitieufes; parcequ'un effet eft fuperftitieux & diabolique lorfqu'il n'eft produit ni naturellement, ni par un miracle.* Il n'eft perfonne fi ftupide, ditil, qui ne voie que naturellement le feu brûle, & que les chofes pefantes vont en bas. L'épreuve n'eft donc pas naturelle ; & l'on voit auffi clairement que ce n'est pas un miracle, mais plûtôt une tentation de Dieu condamnée par le Droit Canon.

* Quòd porro effectus hi ex natura non fequiantur, fed ignem urere, gravia deorfum vergere, vel Terebinthus intelligat ; ex divino miraculo feu voluntate fequi, quis dixerit? cum in manifeftam Dei tentationem vergant. c. Monomachiam, 2. q. 5. quæ ab ipfo Dei filio interdicta legirur Math, & Lucæ 4 c. fin. de purg. vulg. dum quis habeat quod ratio nabili confilio faciat, ut D. Auguftinus c. quæritur, 22.9.2. & fabricante Diabolo nata fit purgatio. Mennam. 2. q. 4. feu, ut quidam, q, S.

2* Il remarque que l'épreuve eft trompeufe, & que l'on ne doit pas être furpris que diverfes perfonnes foient trompées, & tombent en confufion en furnageant. Elles le méritent bien, ne craignant pas de s'en rapporter à la décifion de l'efprit de menfonge.

3.** Il appelle avec efprit cette épreuve par l'eau une hydromantie plutonique; puifqu'elle ne fert qu'à faire brûler les femmes qui l'ont fubie.

Cette réflexion me remet dans l'efprit ce que j'ai peut-être dit quelque part, qu'il eft étrange qu'on ait pris un furnagement qui n'eft pas naturel pour une preuve du crime; au lieu que dans toutes les autres épreuves le prodige cu le miracle étoit la preuve de l'innocence. En quoi l'on voit la bizarrerie des fuperftitions,

* Quæ fi penitius quis rinetur, non admirabitur, fi Dominus Deus in hujufmoai inftitu is & exercitiis, quæ à fe aliena & prohibita, fed à Diabolo exhibita & demonftrata funt, conniveat, ut ab eo cui crediderunt ludanrur rideantur, & non fecùs nafo, ut auriculis afini, ducantur & fuf pendantur volenti & confentienti injuriam fieri leges negant. L. cum donationis, c. de tranf.

**Plutonicâ iftâ fpoμarsia delatas veneficii fœminas damnare ( quis enim purgare dixerit, cum nulla fic lota flammas evitaverit?),

qui réuffiffent felon les defirs ou les différentes penfées des hommes,comme le dit Saint Auguftin: Et ideo diverfis diverse proveniunt, fecundùm cogitationes & prafumptiones fuas. Doct. Chrift. 1. 2. c. 24.

Conrad Anten fe propofe au cinquieme Chapitre de réfuter Scribonius qui autorifoit cette épreuve. Il dit une partie de ce que nous avons vû dans Newalds & dans Godelman, & conclut enfin fon Ouvrage par une déteftation de l'epreuve, & par une priere fervente à Dieu, le conjurant d'empêcher que les Juges n'autorifent cet ufage. *

Si des perfonnes croient encore avoir quelques raifons pour juftifier une telle épreuve, elles trouverons

*Et hæc funt quo in præfentiarum de diabolico deteftando, legibus & moribus legitimis improba to mulierum balneo, feu mavis lavatione, item de impia hærefi poteftatis anilis & fathanicæ dicere haBui. Supremus ille Judiciorum præfes Deus qui magiftratui gladium, ceu Pelei haftam, ad bonorum fecuritatem & malorum terrorem ac punitionem commifit, per Filii fui Salvatoris noftri J. C. faxit innoccntiam, ne cufpide obverfa pro medicamine vulnus, pro vulnere remedium detur; fed excuffis Diaboli præftigiis, juftitiam non ex proprio, uti Palladem ex Jovis fingant cerebro, fed ut per legi. timos fcripti juris tramites calumniantium iniquitatess opprimantur, bonique tutela & digno patrocinia perfruantur.

Rickius don

difficultés.

duo fingula

jectarum.

Francof. &

peut-être la réfolution de leurs dou tes dans le Chapitre fuivant.

CHAPITR V.

Eclairciffement des difficultés propofées par l'Auteur de la République des Lettres fur l'épreuve de l'eau froide.

I

L y a quelques années qu'on réimL'extrait de prima en Allemagne deux Traine lieu aux tés fur l'épreuve de l'eau froide,qui avoient paru depuis un fiecle, & Tractatus dont nous avons parlé au Chapitre res de exami- précédent. L'Auteur des Nouvelles ne fagarum de la République des Lettres fit l'exfuper aquam frigidam pro- trait de ces Traités, & forma des difficultés & des doutes qui demanLipfia. 1686. dent quelque éclairciffement dans un Ouvrage où nous venons de traiter le fujet qui les a fait naître. Rickius, Auteur du premier de ces Traités, qui vouloit que l'épreuve de l'eau froide fût légitime, fe propofa cette objection qu'on y tente Dieu; & entreprit de la réfoudre le moins mal qu'il pût. Mais l'Auteur de la République, qui eft toujours prêt à fourair de fon efprit au défaut de fes.

cc

I I.
Que fi les

l'eau, Dieu

Auteurs, raifonne ainfi fur la difficulté propofée. « Cette objection, dit-il, ne feroit pas confidérable, fi Sorciers deon étoit affuré que l'épreuve dont il « meurent fur s'agit n'a jamais été fautive. Car on « produit cer auroit lieu de croire en ce cas-là effet, que Dieu a établi l'immerfion des «. gens confédérés avec le Diable, cau-« fe occafionelle de la découverte de «< ce complot, en s'engageant d'empê-« cher l'effet naturel de la pefanteur. Une expérience conftamment réité- « rée feroit une révélation affez figni- « ficative de cette inftitution de Dieu;< de forte que fans le tenter on y CB pourroit recourir quand cela feroit << néceffaire. Il y a cent exemples dans « l'Ecriture qui montrent que Dieu n'a pas défaprouvé qu'on ait voulu de « lui des fignes & des prodiges pour « bien s'affurer d'un fait, & il faut « tenir pour indubitable, que l'Egli- « fe n'auroit jamais condamné les épreuves du fer chaud, fi l'on n'eût eu de fortes raisons de douter qu'el-« les fuffent un bon garant de la juftice ou de l'injustice,