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que piece de fer, de plomb, d'or, d'argent, & de cuivre, & je dis à un homme à Baguette de chercher s'il n'y a point de métal dans ce jardin. Loin de favoir ce que j'y ai caché, il ne fait pas même fi j'ai caché quelque chofe. Toutefois il prend fa Baguette, elle tourne dès qu'il paffe fur les endroits où j'ai caché du métal; & après avoir fait ce que fon art lui enfeigne: içi, me dit-il, il y a de l'or, là du cuivre, en cet autre endroit de l'argent. Je vois qu'il dit vrai: dois-je encore craindre la fourberie ?

5°. Deux voifins conteftent fur l'étendue de leur champ: ils ont en vain cherché les bornes, elles ne paroiffent point: un homme à Baguette eft appellé, tel peut-être qu'on n'avoit jamais vû ni connu : fa Baguette tour ne; on creufe, & on trouve la borne qu'on cherchoit. On a fait mille fois cette expérience dans le Dauphiné: ai-je fujet de m'en défier?

6o. Je ne vois pas qu'on puiffe trai

ter de fable l'hiftoire de la découverte du meurtre de Lyon. L'homme à la Baguette auroit-il pû impofer à tant de témoins, habiles Critiques

attentifs? Comment auroit-il pû de
viner tout ce qu'il a dit? D'où au-
roit-il fû que les meurtriers s'étoient
affis fur tels & tels bancs, avoient
couché dans tels lits, parlé à telles
perfonnes, & qu'ils avoient paffé
le Pont de Vienne fous une arche où
nul batteau ne paffoit? La Baguette
eft entrée dans un détail furprenant;
& tout s'eft trouvé conforme aux
réponses du criminel découvert. Elle
a fait même connoître la ferpe qui
avoit fervi au meurtre, quoiqu'on
l'eût mêlée avec quelques autres, &
cachée tantôt en terre, tantôt dans
le foin: que peut-on en dire?

Ajoûtons à tout cela, que c'est ici un fecret dont on ne fait point de myftere, connu en mille endroits, & pratiqué indifféremment par toutes fortes de perfonnes, dont plufieurs ne peuvent trouver aucun avantage tromper. En vérité, il me femble qu'il faudroit être fait comme le reSocrat. Chr. doutable Dialecticien dont parle Bal zac, pour ofer dire qu'on donne dans l'illufion en croyant le fait.

D. S.

III.

D'où vient Je ne doute pas néanmoins qu'il ne qu'on nie les fe trouve des perfonnes plus raifonaans. Incon- nables que le Dialecticien qui en

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la crédulité,

douteront encore: mais quel moyen véniens de de les en empêcher? Si ces perfon- & de l'opines fe font mifes fur le pied de ju- niâtreté a ne ger de tout; pour peu que ce fait dérange leurs idées on auroit beau faire; ils le nieront à coup fûr, & traiteront tout cela de folie. C'est le

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plus court moyen de fe tirer d'af-
faire ; & c'eft s'en tirer en efprit fort,
en génie qui fe met au deffus de la
crédulité. Le fait eft
trop extraordi-
naire; il en coûteroit trop pour en
découvrir la caufe : on le nie, & on
eft éloquent à prouver qu'on a raifon.*
Mais ces perfonnes devroient fai-
re réflexion qu'il y a des chofes qui
paroiffent incroyables, & qui ne laif-
fent
pas d'être produites ou par

les communications infenfibles des mouvemens des corps, ou par la puiffance de Dieu qui éclate quelquefois par des miracles, & par le pouvoir qu'il a laiffé aux Anges & aux Démons. Rien de plus extraordinaire que le Démon ait tranfporré JESUS-CHRIST fur le pinacle du Temple: rien cependant de plus vrai. Ne nous inf

* Difficultas laborque fciendi difertam negligentiam reddidit, Malunt enim differere nihil effe in auf. piciis, quàm quid fit edifcere. Cicero l. 1. de Divin.

rien croire.

IV.

Prévention

crivons donc pas en faux contre tout ce qui paroît furprenant. Comme la précaution eft louable & nécessaire, la prévention & l'opiniâtreté doivent être évitées: parcequ'elles nous peuvent faire rejetter des biens, ou nous empêcher de remédier à des maux qui pourroient avoir de dangereufes fuites.

Il y a beaucoup de gens qui croient de l'Auteur trop légerement; il y en a qui croient des Oracles. tout: & il s'en trouve qui fe font un

de la fauffeté

* Monfieur

honneur de ne rien croire. On outre tout; la plûpart ne fauroient garder de milieu: s'ils ont été trompés une fois en quelque chofe, tout ce qu'on leur dira fur cette matiere fera touVan-Dale. jours faux. L'Auteur * de la fausseté des Oracles des Payens a découvert qu'on avoit eu recours autrefois à l'artifice pour faire parler des Statues: cela lui fuffit pour conclure qu'il ne fe fait jamais rien par le miniftere du des lettres du Démon. Il défie § les plus habiles de 1687. Il vou- pouvoir lui faire changer de fentiloit favoir ment. Mais les uns ont pitié, & les comment le autres rient d'un tel entêtement, comme on a ri de cet homme qui dit pour le faire à Monfieur Voffius, qu'après de lonchanger d'a- gues & de fortes méditations il avoit

Republ.

mois de Mai

Pere Tho

maffin s'y

prendroit

vis.

compofé

compofé un Livre, où il montroit par des preuves invincibles que jamais Céfar n'a été au deça des Alpes, & que tout ce qui eft contenu dans fes Commentaires touchant la guerre des Gaules eft faux. On fe féduit quelquefois à force de vouloir critiquer, & traiter de fable tout ce que l'on n'a point vû. Si vous ne croyez qu'à vos yeux, * Ne croyez donc point de Dieu, dit le Stoïcien de Ciceron; car avez-vous jamais vû Dieu? Plus de créance à l'hiftoire, ni à tout ce qu'on pourra nous rapporter de nouveau. Imitons ces Habitans de pleine terre qui ne peuvent croire qu'il y ait une Mer. Encore un coup il faut affurément beaucoup de circonfpection avant que d'ajoûter foi à ce qui fe dit d'extraordinaire, parcequ'on eft fouvent trompé. Mais il y a une certaine notoriété à laquelle on ne fauroit raisonnablement résister.

* Quid Deum ipfum numne vidifti? Cur igitur credis effe? Tollamus ergo omnia, quæ aut hifto. ria nobis aut nova ratio affert. Ita fit ut mediterranei mare effe non credant. Quæ funt tantæ animi anguftiæ, ut fi Seriphi natus effes, nec unquam egreffus ex infula in qua lepufculos, vulpeculafque fæpè vidiffes, non crederes' leones & pantheras effe, cum tibi quales effent diceretur? Si verò de elephanro quis dicerer, etiam irrideri te putares. Cicero 1. de Natnra Deorum.

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