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1158. En sortant du cément, l'acier-poule se trouve dans un état qui exige plus de soins que l'acier ordinaire, lorsqu'on veut le forger. Il est formé de lames posées les unes sur les autres, et qui n'ont qu'une faible adhésion. Cette contexture particulière de l'acier-poule occasionne sa grande fragilité; il faut donc, pour que l'acier cémenté puisse être travaillé et forgé commodément, rapprocher les lames, en les comprimant, et changer la texture de l'acier. Lorsqu'il a subi cette première opération, il se forge avec beaucoup plus de facilité.

C'est ordinairement sous les martinets qu'on forge l'acier-poule; les martineurs parviennent toujours, avec des soins et de l'adresse, à l'étirer en barres unies et sans gerçures. Ce soin consiste: 1o à ne lui donner que la température qu'il peut supporter; 2o à l'exposer à l'action d'un martinet dont le poids soit d'autant plus faible et la vîtesse d'autant plus grande, que l'acier est plus dur. Ces deux conditions, dans les martinets, sont nécessaires, parce que l'acier dur étant trèsbrisant, on doit ménager la force du choc, et qu'étant peu échauffé, on ne parvient à forger une longueur de barres un peu considérable qu'en augmentant la vitesse du mouvement.

Il faut éviter avec soin, en chauffant ces aciers (comme on l'a prescrit pour les aciers de forge), de les exposer à l'action du vent des machines soufflantes, dans la crainte de les désaciérer, de les brûler et de les pâmer. Il est bon, quand cela est possible, de couvrir la lame d'acier, en la chauffant, d'une couche de verre terreux; soit en la plongeant dans des scories liquides, soit en la passant, lorsqu'elle est rouge, à travers une masse de sable fusible, soit en arrosant les charbons avec de l'eau dans laquelle on aurait délayé de l'argile.

1159. Forger les barres d'acier-poule, les équarrir et les étirer, sont ordinairement les seules opérations qu'on leur fait subir avant de les verser dans le commerce; il est cependant des circonstances où l'on varie cette opération. En 1758, lorsque Jars et Duhamel visitèrent les aciéries anglaises, on affinait l'acier-poule, pour en obtenir de l'acier doux, ou mieux un acier fin, qu'on versait dans le commerce sous le nom d'acier d'Allemagne.

Comme les extrémités des barres, converties en acier (1), ont ordinairement des pailles et produisent un acier moins parfait, on les coupe: une partie est vendue pour faire de l'acier fondu ; l'autre est forgée en paquets. Pour cela, on chauffe ces riblons; on les étire en barres méplates, dont on fait une trousse que l'on chauffe, et que l'on forge, comme nous l'avons déja indiqué, en traitant de l'affinage de l'acier de forge. Cet acier ayant supporté trois opérations: 1o d'être forgé en barres carrées; 2o d'être étiré en barres méplates; 3o d'être forgé en trousses à plusieurs chaudes, et ayant perdu, dans chaque opération, une partie de son carbone, est nécessairement moins dur qu'il n'était ; c'est ce qui lui a fait donner le nom d'acier doux. Pour obtenir un acier analogue à l'acier d'Allemagne, avec l'acier cémenté, les Anglais réunissent huit à douze barres d'acier-poule pour en former une trousse : ces paquets sont chauffés, soudés, forgés et étirés dans les proportions demandées. On prend, en chauffant ces trousses, toutes les précautions que nous avons déja indiquées : on jete dessus, de temps à autre, de l'argile sèche qui fond et couvre l'acier d'un verre terreux qui dissout l'oxidule qui s'est formé sur la surface des barres, et il les préserve, en même temps, de l'action du vent qui les brûlerait. En Angleterre, on ne fabrique de cet acier que par commission, soit pour le pays, soit pour l'étranger.

1160. Il doit paraître assez singulier aux habitants du continent de l'Europe, aux Français, aux Allemands, aux Suédois, d'apprendre que les Anglais sont obligés d'affiner leur acier-poule pour le livrer au commerce, et pour le vendre concurremment avec l'acier de forge qu'on obtient en Allemagne. Les opérations que ces insulaires sont obligés de faire subir à leur acier de cémentation paraîtrait devoir faire assigner à l'acier de forge, à l'acier d'Allemagne, une sorte de supériorité sur ce dernier. L'acier d'Allemagne, que les Anglais veulent imiter, est cette variété d'acier qu'on affine en forgeant, en trousse, les barres

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d'acier brut; et il est reconnu que cette espèce d'acier, lorsqu'il a été traité avec soin, est beaucoup supérieur à l'acier cémenté, forgé et étiré une seule fois. L'avantage que l'acier de forge à une seule marque, a sur l'acier cémenté, ainsi que la moindre dépense qu'il occasionne, doit contribuer à faire établir, dans les pays où il existe beaucoup d'aciéries, des compagnies dont la seule industrie serait d'acheter, trier et affiner les aciers bruts de forges, pour les verser ensuite dans le commerce avec les nouvelles propriétés que leur donneraient les opérations qu'on leur ferait subir en les forgeant en trousse.

1161. Certains forgerons d'Angleterre obtiennent un acier superfin, en lui faisant subir deux opérations : 1o ils réduisent l'acier-poule en acier dit d'Allemagne, par l'opération que nous avons indiquée; 2o ils cémentent de nouveau cet acier, et ils le forgent en trousse, comme pour obtenir de l'acier dit d'Allemagne ; mais, dans ces deux opérations, on chauffe l'acier-poule avec du charbon de bois. On parvient encore, par une suite de cémentations et de forgeages, à obtenir un acier plus fin, et assez semblable à l'acier fondu.

De la Compression de l'acier fondu.

1162. Jusqu'à présent l'acier fondu est celui qu'on a forgé avec le plus de difficulté. Les loupes d'acier brut, dites acier naturel, ne se forgent plus difficilement que celles de fer, qu'à cause du carbone interposé entre leurs particules; l'acier-poule se forge moins facilement que le fer en barres, parce qu'il est composé de lames adhérentes. L'acier fondu contient, comme les deux espèces d'aciers, du carbone interposé, et il est, comme l'acier-poule, composé de particules peu adhérentes; mais l'acier-poule a été forgé avant d'être cémenté; ses particules ont déja été rapprochées, et ont contracté une forte adhésion. Dans l'acier fondu, l'adhésion des particules est celle qu'elles acquièrent seulement par la fusion, qui est ordinairement beaucoup moins considérable que lorsqu'elles ont été comprimées; d'où il suit qu'elles doivent adhérer bien plus faiblement que celles de l'acier

poule (1), et par conséquent présenter, lorsqu'on les forge, beaucoup plus de difficulté à rapprocher et à réunir les particules.

1163. On sait que les loupes d'aciers sont composées de scories, de fonte de fer, et de fonte d'acier dans diverses proportions. Après avoir été liquéfiée et affinée, la fonte se durcit dans le creuset; ses molécules se rapprochent, leurs actions attractives augmentent, ainsi que leurs adhésions; enfin elles se solidifient à une haute température, en commençant par les particules qui contiennent le plus de carbone (2). Comme le passage de l'état liquide à l'état solide se fait à une haute température; que les molécules ne sont pas contrariées dans leur arrangement par un refroidissement trop brusque, elles contractent une forte adhésion. La loupe, en sortant du creuset, laisse suinter et couler tout ce qui est liquide. Elle est portée en masse pâteuse sous le marteau, et celui-ci, par son choc faible et lent d'abord, rapproche plus intimement les diverses parties qu'avait déja réunies l'attraction. Il augmente leur adhésion en les rapprochant. Les espaces caverneux qui séparaient les parties solides, sont diminués; les faces des particules séparées par ces espaces, ayant la température propre à se souder, se réunissent, et la masse acquiert ainsi de la solidité.

Comme les loupes ont un gros volume, elles conservent long-temps leur chaleur, et toutes leurs particules sont réunies, elles adhèrent d'autant plus fortement, que la température qui favorise cette adhésion est plus élevée.

L'acier fondu diffère de la loupe d'acier, en ce qu'il contient moins de laitier, et que sa composition est plus homogène. Il est coulé dans

(1) MM. More et Pearson annoncent, dans le douzième volume de la Bibliothèque Britannique, page 208, que la densité du fer varie entre 7450 et 7787; que celle de l'acier-poule, no 7, était 7313; celle du même acier forgé, 7735; de l'acier Wootz fondu, 7200, et forgé, 7647; enfin, de l'acier Huntzmann, forgé, entre 7800 et 7900. Il suit de là que l'acier-poule est plus dense que l'acier fondu; que ses molécules sont plus rapprochées, et qu'il doit être plus facile à forger.

(2) On a vu, (no 588), que la fonte blanche se fondait plutôt que la fonte grise.

un moule en barres, en cylindre, en prisme, ou en saumon de peu d'épaisseur, pour être forgé ensuite.

1164. Nous n'examinerons pas ici, avec beaucoup de détails, l'avantage que les différents degrés d'aciération procurent à la loupe d'acier pour faciliter son cinglage, parce que la circonstance dans laquelle se trouve l'acier fondu est telle, que cette différence ne lui serait d'aucune utilité.

Dans la loupe d'acier, les différents degrés d'aciération de la matière qui la compose, oblige l'affineur à la tenir beaucoup plus long-temps au feu, et à laisser à l'acier dur, et qui est le plus difficile à forger, tout le temps qui lui est nécessaire pour que ses molécules réunies obtiennent une grande adhésion, lorsqu'il la porte sous le marteau, afin qu'il puisse la forger facilement.

En effet, lorsque toute la fonte est en bain, celle qui se solidifie la première est la fonte d'acier dur, ensuite celle qui l'est moins, et cela successivement.

celui qui

Il résulte de là, que ce n'est qu'au moment où l'acier mou, ne présente aucune difficulté à forger, s'est solidifié, que l'on sort la loupe du foyer; mais, à cette époque, les autres fontes étant solidifiées depuis long-temps, leurs molécules, exposées à une haute température, ont pu prendre la disposition la plus favorable à leur plus forte adhésion, afin de pouvoir supporter le choc du marteau qui les rapproche sans les désunir; et, comme le temps, entre le durcissement de la fonte et sa sortie hors du creuset, a été, en quelque sorte, proportionnel aux divers degrés d'aciération, à la difficulté qu'il présente à forger, il s'ensuit que toutes les espèces d'acier qui composent la loupe sont arrivées à l'état où l'on peut commodément les marteler.

1165. Ces différents degrés d'aciération, si précieux à la loupe pour la cingler, sont des défauts réels pour l'acier qui en est formé, en ce qu'il est extrêmement difficile, sans un affinage particulier, d'obtenir un acier uniforme, tandis qu'on peut se le procurer en une seule opération dans l'acier fondu.

L'obligation où l'on est de couler l'acier fondu dans des moules,

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