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Ce qui nous a principalement déterminés dans ce choix, c'est la forme simple d'une aiguille, sa petitesse, puisqu'il en est dont le cent ne pèse que 1,5 (environ 28 grains), et chaque aiguille 15 milligrammes (environ de grains); enfin, son prix modique, comparé au grand nombre d'opérations que cet instrument doit subir. En effet, la maind'œuvre qu'exigent les aiguilles, peut revenir au fabricant, pour les dégrossir seulement, à 75 centimes le millier environ; et, pour les amener au point de perfection qu'elles doivent avoir, pour être versées dans le commerce, de 6 à 9 francs le millier, ou de 6 à 9 millièmes la pièce. On porte à cent vingt, environ, le nombre des opérations que doit subir une aiguille, c'est-à-dire, que le barreau d'acier dans lequel elle est prise, doit passer successivement dans cent vingt mains différentes, avant d'obtenir l'aiguille que l'on vend à si bas prix; ainsi le travail vingt personnes ont mis sur une aiguille, ne coûte au fabricant que de 6 à 9 millimes, conséquemment moins d'un centième.

que cent

1270. Il nous serait difficile de remonter à l'origine de l'invention des aiguilles. Il paraît que, dès qu'on a conçu la possibilité de réunir, par des fils, des morceaux de peau, de toile, d'étoffe, soit de toile, d'étoffe, soit pour en confectionner des vêtements, soit pour les réunir et en former de grandes

surfaces; on s'est d'abord contenté de percer, avec des corps pointus,

les substances qu'on voulait réunir, et de passer successivement le fil dans ces trous, comme cela se pratique encore chez quelques nations peu civilisées, et comme on l'exécute aujourd'hui dans quelques arts, tels que ceux du bourrelier, du cordonnier, etc. On s'est bientôt aperçu qu'on pouvait éviter la double opération de percer la substance, et de passer séparément le fil, en faisant un trou dans la partie supérieure du corps pointu, et en plaçant le fil dans cette ouverture, et cela en faisant passer de suite, et simultanément, le corps pointu et le fil dans le trou fait par le premier.

De quel métal furent faites les premières aiguilles? quelles furent leurs formes et leurs dimensions? comment sont-elles parvenues au degré de perfection où elles sont maintenant ? Toutes ces questions sont autant de problêmes dont nous ne nous occuperons pas dans ce

moment; nous nous contenterons d'admirer les qualités de ces petits instruments, et de décrire les procédés à l'aide desquels on peut les obtenir.

1271.

On donne le nom d'aiguille à un petit fil d'acier trempé, délié et poli, qui est ordinairement pointu par un bout, et percé d'une ouverture longitudinale par l'autre. (Nous avons dit ordinairement percé et pointu, parce qu'il en est qui sont pointus sans être percés, telles sont les aiguilles d'ensuble; d'autres qui sont percées sans être pointues, les aiguilles à passer; d'autres, enfin, qui ne sont ni pointues ni percées, les aiguilles à tricoter.)

Parmi les aiguilles dont on fait ordinairement usage, on peut distinguer: 1o les aiguilles de tailleurs; 2o celles des chirurgiens, que l'on divise en aiguilles pour la ligature des vaisseaux et la suture des tendons; pour les becs-de-lièvre, pour la ligature de l'artère intercostale, pour la cataracte, pour les anévrismes, pour la fistule, pour les sétons, etc.; 3o les aiguilles à relier; 4° celles des blanchisseurs de cire; 5o des gainiers; 6o des gantiers; 7o les aiguilles à cheveux; 8o à réseaux; 9o à emballage; 10o à matelat; 11o à empointer; 12o pour faire le filet; 13o des piqueurs d'étuis; 14° à sellier; 15o de chasses des métiers à draps; 16o à mèche; 17o des chasses aux loups; 18° pour la chasse du sanglier; 19° à tricoter; 20° d'ensuble; 21° à broder; 22° à faire les points; 23o à tapisseries; 24o de métiers à bas; 25° aimantées; 26° de montre, etc. etc.

1272. De tous les travaux employés pour fabriquer des aiguilles, nous ne décrirons que ceux qui s'appliquent à la confection des aiguilles à coudre.

Dans le voyage que nous fìmes en Allemagne, en 1783, par ordre du Gouvernement, MM. Stoutz, Lefebvre-d'Hellancourt et nous, nous visitâmes plusieurs fabriques d'aiguilles, parmi lesquelles se trouvaient celles d'Aix-la-Chapelle, et de Nadlebourg près de Neustadt en Styrie. Ayant, depuis, été à même de voir plusieurs autres manufactures dans les différents voyages que nous avons faits en Allemagne et en Angleterre; ayant déja décrit cette fabrication, avec beaucoup de soin, dans

un long mémoire que nous envoyâmes au Gouvernement en 1783, il nous aurait été agréable de traiter ce travail avec quelque étendue, et d'accompagner ces détails de quelques réflexions et des projets d'amélioration que nos observations nous avaient fait naître; mais comme cet art a été décrit avec soin, et qu'il a été publié dans beaucoup d'ouvrages, parmi lesquels on peut distinguer l'art de fabriquer les aiguilles, par l'inspecteur divisionnaire des mines, Baillet (1); des Nagel Schmidts indessen Werckst, par Halle, etc., nous avons pensé qu'il serait suffisant de ne donner ici qu'un extrait de ce travail, propre à faire connaître le nombre des manipulations qu'une aiguille éprouve, et de renvoyer aux deux ouvrages que nous avons cités, les personnes qui desireront de plus amples détails.

Quelques aiguilles se font avec du fer, qu'on cémente ensuite, lorsqu'elles sont faites, et qu'il ne reste plus qu'à les polir; mais, le plus généralement, elles se fabriquent avec de l'acier; les barres sont étirées, puis passées à la filière pour produire les fils qui servent à leur confection. Nous nous dispenserons de répéter ici ce que nous avons déja dit sur ce travail, à l'article fileries et tréfileries; nous supposerons que le fil bien rond, bien égal, a été amené au diamètre que les aiguilles doivent avoir. Nous supposerons, de plus, qu'il est divisé en botte de quatre-vingt-dix à cent fils, A (planche 52); enfin, dans un état propre à être employé à la fabrication de ces petits instruments. Pour parvenir à cet état, l'acier a déja éprouvé plus de trente manipulations, supposons vingt-cinq.

1273. Comme les fils d'acier ont divers degrés d'aciération, soit qu'on ait fait usage de différents aciers pour les obtenir, soit que les aciers aient été différemment détériorés dans les diverses manipulations qu'ils ont subies, pour les amener à un état propre à être employés : la première opération du fabricant d'aiguilles doit être d'essayer chaque acier en particulier, afin de juger de leur qualité, et pouvoir appliquer chacun

(1) Annales des Arts et Manufactures, tome 4, pages 169 et 247.

d'eux à l'espèce d'aiguilles qu'ils peuvent produire. Nous observons ici que l'acier le plus dur est destiné à la fabrication des aiguilles les plus fines, celles auxquelles on donne improprement le nom d'aiguilles anglaises, puisqu'elles sont confectionnées à Aix-la-Chapelle, et dans plusieurs autres manufactures du continent, et qu'elles ne diffèrent en rien, soit pour la beauté, soit pour la qualité de celles que l'on tire directement d'Angleterre, et qui se fabriquent dans un des faubourgs de Londres, nommé White Chappel.

Les fils d'aciers peuvent être préparés dans toutes les tréfileries de l'Europe (1): on les tirait autrefois de l'Allemagne; il s'en fait aujourd'hui de très-bons à l'Aigle, et dans plusieurs autres lieux.

1274. Nous diviserons le travail des aiguilles, comme notre collègue Baillet, en cinq séries: la première comprendra le façonnage de l'aiguille; la seconde la trempe et le recuit; la troisième le polissage; la quatrième l'étirage; la cinquième l'affinage et la mise en paquet.

Première série. Du Façonnage de l'aiguille brute.

1275. 1o Les bottes de fils A, sont coupées, avec des cisailles, en deux endroits diamétralement opposés; il en résulte deux faisceaux de 26 à 27 diamètres de long.

2o Après avoir égalisé le bout des faisceaux, on les place dans des mesures de bois B, dont la longueur est un peu plus grande que celle

(1) On ne tire, ordinairement, en fil pour fabriquer les aiguilles, que de l'acier de forge, et rarement de l'acier cémenté. Il résulte de là que les fils que l'on obtient présentent des différences considérables dans leur aciération, ce qui influe sur la bonté des aiguilles. Si l'on employait, dans ce travail, de l'acier fondu, il en résulterait une grande amélioration dans la bonté, dans l'homogénéité des aiguilles; et, ce que l'on pourrait regarder comme infiniment plus avantageux encore, ce serait la certitude que l'on aurait de pouvoir obtenir constamment des aiguilles d'une même qualité. Le travail de l'acier fondu est parvenu aujourd'hui, en France, à un tel degré de perfection, que les fabricants d'aiguilles pourront se procurer, lorsqu'ils le jugeront convenable, de l'acier fondu très-propre à être étiré en fil.

de deux aiguilles, on découpe ainsi, successivement, avec des cisailles, les fils en longueur d'un peu plus de deux aiguilles.

3o On redresse ces longueurs en les enfilant dans deux rondelles C, et les roulant sur un banc (couvert d'une plaque de fonte), avec une règle simple, ou une double règle à jour ab.

4o Les fils, ainsi dressés, sont passés sous la meule D, pour dégrossir les pointes; les meules sont d'un grès quartzeux; elles ont de 12 à 13 centimètres d'épaisseur. L'aiguiseur dégrossit 50 à 60 fils à-la-fois, en les roulant, avec le pouce, sur la meule, pendant que celle-ci tourne; le pouce est recouvert d'un cuir d.

5o Les fils, appointés par les deux bouts, sont coupés en deux, pour en former deux aiguilles on les met, pour cet effet, dans une petite plaque de cuivre à rebord I; on les coupe avec des cisailles à mains.

6o Après avoir placé ces aiguilles dans une boîte, et dans une position parallèle, on aplatit leur tête d'un coup de marteau, en les mettant sur un tas d'acier a, figure E, ce qu'on appelle palmer.

7o On fait recuire les aiguilles dans un four F, pour les amollir.

8° Un enfant, à l'aide d'un poinçon d'acier G, ébauche, des deux côtés, le trou de la tête de l'aiguille; il la pose, pour cela, sur un tas d'acier b, figure E, qu'on appelle marqué: dans plusieurs usines, on se sert d'un tas de fer doux, dont le sommet a la forme d'une pyramide tronquée d, qu'on redresse, lorsque l'empreinte des aiguilles l'a déformé.

9o Un autre enfant termine le trou des aiguilles, en enlevant, avec un autre poinçon, le fragment d'acier resté dans le trou. Cette opération, qu'on nomme traquer, se fait sur un tas de plomb (1).

10o A l'aide d'une pince à bride H, l'étireur saisit les aiguilles, les place sur un tasseau de bois, et, avec une lime e, en forme de scie, il creuse la cannelure de la tête; puis, avec une lime carrée ƒ, g, il l'arrondit à son extrémité.

(1) Les enfants qui parent les trous ont une telle adresse et une vue tellement fine et exercée, que nous les avons observés perçant, avec leur poinçon, des cheveux dans divers endroits, et les enfilant ensuite les uns dans les autres.

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