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il faut, ou que la lime soit fixe, et que le châssis, qui porte le marteau et le ciseau, s'avance, après chaque coup, de la queue vers la pointe de la lime; ou bien que le châssis reste fixe, et que le banc, qui porte la lime,

s'avance vers le ciseau.

1306. Ces deux moyens ont été employés séparément dans diverses machines: l'avancement du châssis, ou du banc, s'exécute par le moyen d'une roue d'engrenage, dans laquelle une dent nouvelle s'engrène, immédiatement, à chaque soulèvement du ciseau; on voit que, moins la roue, qui fait mouvoir le châssis, ou le banc, après chaque coup de marteau, contient de dents, plus larges sont les espaces entre les sillons, et que plus elle en contient, au contraire, plus ces distances sont petites, et plus les sillons sont rapprochés.

Sans être très-habile en mécanique, on peut construire ces sortes de machines, et l'on peut, selon la nature des limes, faire varier la direction et l'inclinaison du ciseau, la force du coup de marteau qui détermine la profondeur du sillon et la grosseur du copeau, enfin la distance entre les sillons.

1307. Les limes obtenues, avec ces machines, lorsque celles-ci sont bien construites, ont une sorte de régularité dans leurs tailles, qui leur donne une apparence bien plus agréable que celles qui sont taillées à la main; il est même possible qu'elles séduisent les ouvriers qui ne connaissent pas ces sortes de limes, et qu'à l'apparence ils ne les préfèrent aux autres.

Mais lorsqu'on les emploie, on remarque bientôt que des dents se cassent, que d'autres s'usent inégalement; et l'on est promptement convaincu que cet aspect régulier est loin d'être favorable à la bonté des limes.

1308. Nous avons vu qu'il fallait que, dans chaque lime, la distance entre les sillons fût proportionnelle à la grandeur du copeau soulevé, et que c'était cette grandeur, qui déterminait l'écartement, lorsque les limes étaient travaillées à la main. Lorsqu'elles sont taillées avec les machines, cet écartement est donné d'avance par le nombre de dents contenues dans la roue d'engrenage; et pour le peu que cette distance

ne soit pas proportionnée à l'enfoncement et à la grandeur du copeau, la lime est défectueuse.

De plus, il est difficile que l'acier, dont la lime est formée, soit d'une égale dureté dans toutes ses parties; là où il est mou, le ciseau, qui reçoit des chocs égaux, enfonce davantage, et soulève un plus gros copeau ; là où il est plus dur, le copeau est plus petit. Il y a donc nécessairement, dans une lime, des inégalités de grandeur de copeau ; ces inégalités, qui sont indifférentes dans la taille à la main, (puisque c'est le copeau qui détermine la position du ciseau, et la distance entre les sillons) ne le sont plus dans les limes taillées à la machine, parce que, dans celle-ci, la distance entre les sillons est constante; et qu'elle est indépendante de la différence de grosseur des copeaux que l'on obtient nécessairement.

1309. Il n'est donc pas étonnant, d'après ces premières considérations, que des machines d'une exécution si simple, et qui paraissent devoir suppléer si facilement au travail des hommes, qui produisent, un résultat, dont l'apparence est plus agréable, n'aient été essayées par-tout, et abandonnées aussi-tôt, à cause des nombreux défauts qui accompagnent les limes que l'on en obtient, et dont nous n'en avons fait connaître ici que quelques-uns.

Ca voit par les résultats qu'a présentés, jusqu'à présent, la substitution des machines, à la taille des limes à la main, que l'usage des mécaniques ne peut pas toujours être subtitué à celui du travail manuel; et qu'il est des circonstances où ce dernier doit toujours être préféré.

1310. Une des raisons qui nous ont déterminés à décrire le travail des limes, dans cet ouvrage, a été celle de présenter, aux artistes, une circonstance dans laquelle l'usage des machines, quoique simple et facile pour le travail, ne pouvait cependant pas remplacer celui des mains, et de leur faire apprécier, encore une fois, combien il est avantageux, dans ces circonstances, de pouvoir substituer la division du travail manuel à l'usage des machines.

Assez généralement le travail des machines est plus uniforme et plus régulier que celui de la main, mais rarement il est d'un aussi bon

usage; nous pourrions citer ici un grand nombre d'exemples dans lequel on doit préférer, pour l'usage, le résultat du travail des mains, à celui des machines, mais nous nous contenterons de rapporter un des exemples les plus familiers, que chacun à chacun à sous les yeux, et que chacun peut appré

cier.

Dans un grand nombre de ménages, on emploie deux sortes de bas : les uns fabriqués aux métiers, et que l'on achète chez les marchands; les autres tricotés par les ménagères : les premiers sont plus réguliers, ils ont plus d'éclat, ils séduisent davantage à la vue; mais aussi les autres, qui ont moins d'apparence, moins d'éclat, durent davantage et font beaucoup plus de profit: il semblerait que l'on pourrait appliquer aux ouvrages faits aux métiers, ce proverbe trivial : plus d'apparence, et moins d'effet.

1311. Nous sommes loin, cependant, de vouloir déprécier le travail obtenu avec des machines, et de vouloir décourager ceux qui veulent en établir, parce qu'il est des ouvrages dans lesquels l'usage des machines économise tellement la main-d'œuvre, et dont les produits peuvent être obtenus à des prix si inférieurs, qu'ils compensent, et au-delà, la différence dans la bonté. Mais, ce que nous avons desiré faire remarquer, c'est qu'il n'est pas toujours avantageux de substituer le travail des machines à celui des mains, et qu'il faut savoir choisir, entre tous les produits de l'art, ceux où l'emploi des machines peut être plus avantageux.

Ainsi, loin de condamner l'usage des machines, nous pensons qu'il est bon de les employer, et nous osons même en conseiller l'application à la taille de quelques espèces de limes douces.

En effet, les sillons, dans les limes douces, sont très-rapprochés, peu profonds, et les copeaux petits et peu élevés; une légère différence dans la dureté de l'acier n'en produit pas une sensible dans la grandeur du copeau, lorsque les coups de marteau sont faibles et égaux; ainsi, l'uniformité entre la distance des sillons, n'est pas, dans ce cas-ci, une cause de défectuosité assez grande pour ne pas employer des machines avec succès.

Cependant nous ne conseillons l'usage des machines à tailler les petites limes, les limes douces, qu'avec une sorte de discrétion; et nous invitons les artistes qui se proposeront de les employer, de bien comparer les résultats que l'on obtient des limes, taillées de cette manière, avec celles que l'on désigne comme les meilleures, afin de déterminer si la différence qu'ils présentent, est assez peu considérable pour en permettre l'usage.

1312. Nous donnons ici, figure K et figure L, le plan de deux machines à tailler les limes. Dans la première K, qui est imprimée dans les Annales des arts et manufactures, tome 2, page 94, le marteau et le ciseau tiennent ensemble, et chaque coup du taillant du marteau imprime le sillon qui forme le grain. Dans la seconde L, le ciseau et le marteau sont séparés : le premier se soulève, et se place après avoir reçu le choc du marteau..

De la Trempe des limes..

1313. Il est difficile de tremper les limes en les chauffant à feu nu, parce que l'oxidation qu'elles éprouveraient, altérerait, en partie, le taillant de leurs aspérités. Il faut donc, en les chauffant, les préserver, autant que possible, du contact de l'air. On y parvient de deux manières en trempant en paquet, ou en enveloppant les limes, avant de les chauffer, d'une substance qui empêche l'air d'agir sur leurs surfaces.

:

1314. Toutes les petites limes se trempent en paquet: on les stratifie, avec un cément charbonneux, dans des boîtes de tôle; elles sont ainsi exposées à la chaleur d'un fourneau, jusqu'à ce qu'elles aient atteint la couleur rouge-cerise; alors on sort les boîtes; on les ouvre, et on jette les limes et le cément dans un vase rempli d'eau froide.

On trempe encore, en paquet, ainsi que nous l'avons déja dit, les limes de fer; celles-ci sont exposées plus long-temps à l'action du feu; elles sont élevées à une température plus haute, pour qu'elles puissent se pénétrer de matière charbonneuse, ét s'aciérer à une profondeur de quelques millimètres de la surface.

1315. Mais la méthode la plus généralement employée, c'est d'envelopper les limes d'une substance liquide, de faire sécher cette substance sur la lime, puis de la porter au foyer pour la rougir, enfin, de la plonger dans un vase d'eau froide.

Lorsque les limes sont assez grosses pour être chauffées isolément, environnées d'une substance qui les préserve du contact de l'air, la trempe en est plus soignée, les limes se voilent peu, et elles éprouvent

moins de défectuosité.

En effet, si, en chauffant une lime, on s'aperçoit qu'elle se déforme, qu'elle se plie, on peut la retirer; et, en frappant dessus avec un marteau de bois, la dresser, lui redonner sa forme primitive: on peut encore la plonger dans l'eau, dans la situation la plus favorable, pour l'empêcher de se voiler; la position verticale est celle que l'on a trouvée, jusqu'à présent, être la meilleure. Il est inutile d'observer qu'il faut avoir soin, en chauffant, de maintenir la lime couverte de la substance qui la préserve de l'action du vent, et qu'il faut remettre de la composition fraîche par-tout où il s'en détache.

1316. La composition dont on enveloppe les limes varie dans chaque usine. Les auteurs de l'Encyclopédie par ordre de matières (1) conseillent de prendre huit parties de charbon de corne, de cuir, de cuir, ou de pattes d'oiseaux, une partie de suie et de sel marin; humecter le tout de sang de bœuf, afin de lui donner la consistance d'une bouillie.

Jars et Duhamel disent qu'en Angleterre (2) on trempe les limes dans de la lie de bière, et qu'on les passe, ensuite, à travers une masse de matière, composée d'un mélange de sel et de corne brûlée (3).

1317. Après avoir ainsi enduit les limes, on les range sur une barre de fer placée devant une grille, sur laquelle il y a un feu de charbon:

(1) Arts et Métiers, tome 8, 1re partie, page 52.

er

(2) Voyage métallurgique, tome 1o, pages 230 et 260.

(3) On pourrait enduire les limes d'une couleur noire à l'huile, assez épaisse pour recouvrir toute sa surface, et empêcher l'action de l'air.

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