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plus facilement en glissant, il est essentiel que le taillant ait des parties saillantes et rentrantes aigues, c'est-à-dire, qu'elles aient la forme d'une scie extrêmement fine, et dont on ne puisse apercevoir les dents et les inégalités qu'à l'aide d'une forte loupe.

1361. Les deux espèces d'aciers, nécessaires à la fabrication de ces armes, se rencontrent rarement dans la nature; elles doivent être hétérogènes, et formées d'un mélange, d'une combinaison d'acier de diverses natures, propres à produire un composé, une étoffe qui jouisse des propriétés essentielles à chaque espèce d'armes. Ce composé est nécessaire aux armes européennes, pour leur procurer l'élasticité qu'elles doivent avoir; il est nécessaire aux armes asiatiques, pour leur donner ce taillant, en forme de scie, qui facilite leur tranchant.

Nous avons déja vu (nos 1292 et 1293), en parlant de l'élasticité des lames d'aciers, avec lesquelles on obtient les grands ressorts des horloges, qu'il était nécessaire qu'elles fussent fabriquées avec une étoffe composée de différents aciers, parce qu'un acier homogène, trempé a un degré de dureté tel qu'il puisse, après avoir été courbé par une puissance, reprendre sa forme primitive aussitôt que la puissance cessait d'agir, se cassait toujours lorsque la lame avait un peu d'épaisseur. Comme les lames de sabres sont beaucoup plus épaisses que celles des grands ressorts des horloges, il est plus essentiel encore de les fabriquer avec une étoffe qui puisse leur procurer les qualités qui les rendent propres aux usages auxquels on les destine.

En soudant ensemble des lames d'acier d'inégale dureté, et même du fer dur, on forme un tout composé de lames minces des différents aciers superposés : en les trempant tous à la même température, l'acier fort prend une trempe dure, tandis que l'acier faible en prend une molle; les lames du premier résistent, et tendent à reprendre leur première forme; elles se comportent comme des lames minces d'acier fin les lames des seconds cèdent à l'effort, et conserveraient leur position si une force nouvelle ne les obligeait à en sortir. L'acier mou et le fer dur interposé entre chaque lame d'acier mince et dur, les lie de manière que chacune de ces dernières cède à l'effort, comme si

elles étaient séparées en même-temps qu'elles agissent concurremment, comme si elles ne formaient qu'un tout indivisible. Une étoffe, ainsi formée, jouit donc à-la-fois de la propriété élastique des lames trèsminces d'acier fort dur, en même-temps qu'elle réunit la force, la résistance et la souplesse d'un acier mou, pour supporter tous les chocs,

sans se rompre.

Mais ce mélange des différents aciers, et même d'un fer dur, doit varier selon la grosseur et l'élasticité des lames on fait entrer, dans l'étoffe des ressorts de voiture, qui ont une grande épaisseur, beaucoup de fer dur on fait entrer, dans l'étoffe des grands ressorts d'horloges, des aciers plus ou moins durs, mais qui n'ont entre eux qu'une petite différence : tout consiste donc, en formant son étoffe, à choisir les différents aciers qui doivent entrer dans leur composition, et à les proportionner à l'épaisseur de la lame l'on veut obtenir. En général, plus la lame est mince, plus l'acier doit être homogène; plus elle est grosse, plus il doit y avoir de différence dans la dureté des aciers qui la composent.

que

1362. On se sert ordinairement, pour fabriquer les armes blanches, d'acier naturel, obtenu en traitant directement de la fonte de fer dans des forges d'affineries; les loupes, comme on l'a vu plus haut (no 697 et 1141), sont composées d'acier extrêmement varié : on y trouve àla-fois des billots d'acier très-dur et très-fin, à côté de billots de fer dur ou d'acier ferreux. Ces masses d'aciers, si diversifiées, sont, par le mélange des substances qui les composent, les plus propres à former toutes les espèces d'étoffes dont on peut avoir besoin.

1363. On choisit, parmi les différents aciers obtenus d'une loupe, des barres d'acier fin et mou, à-peu-près en égale quantité; on étire celle-ci en lames de 18 lignes de largeur sur 3 d'épaisseur : on forme, avec ces lames, une trousse composée de deux grandes lames d'acier mou, entre lesquelles on place des barres d'acier dur et mou, parfaitement mêlées : on place ordinairement, au milieu de la trousse, une bande d'acier fin et dur. Cette trousse, ainsi chauffée, forgée et étirée, comme nous l'avons dit précédemment (no 874), forme l'acier à une marque,

4.

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Cet acier, replié sur lui-même, chauffé, forgé et étiré, forme l'acier à deux marques; enfin, lorsqu'on le plie de nouveau, pour le chauffer, le forger et l'étirer, on obtient de l'acier à trois marques.

Nous devons le dire ici, c'est du choix des aciers, dans la composition des trousses, que dépend la qualité de l'étoffe (bien entendu que la qualité est toujours dépendante de l'usage auquel on le destine); si elle était trop molle pour la fabrication des sabres, elle pourrait être bonne pour les ressorts de voiture; de même, étant trop dure pour des sabres, elle serait convenable pour de grands ressorts d'horlogerie.

1364. Il existe, dans toutes les fabriques, une opinion sur la bonté des aciers obtenus dans chaque aciérie, assez fortement prononcée pour faire rejeter, sans examen, toute espèce d'acier provenant d'une aciérie différente de celle qui le fournit habituellement. Cette opinion a souvent pour motif un essai fait de ces aciers, quels qu'ils soient. Nous croyons devoir annoncer que tous les aciers obtenus avec de la fonte, susceptible de produire de bons fers, peuvent être employés, avec succès, à la fabrication des armes; tout consiste à choisir, parmi ceux que les loupes produisent, le mélange d'acier dur et mou, le plus propre à former l'étoffe la plus favorable à la fabrication des armes.

Depuis long-temps, on ne faisait usage, à la manufacture impériale de Klingenthal, que de l'acier du pays de Nassau. Les ouvriers étaient persuadés qu'il était impossible d'obtenir de bonnes armes avec d'autres aciers. L'officier d'artillerie de terre, Levavasseur, chargé de la surveillance de cette fabrique, voulant s'assurer du degré de confiance que méritait l'assertion des ouvriers, pria le ministre de la guerre de nommer une commission, pour y faire des expériences, sur la fabrication des armes, avec des aciers de France, et il indiqua les aciers de la Hutte, dans les Vosges, comme étant le plus à la proximité de Klingenthal.

Nous fûmes nommés, avec l'inspecteur général Vilantroy, et l'officier d'artillerie Levavasseur, pour suivre ces expériences, que nous variâmes d'un grand nombre de manières, et nous obtînmes un résultat assez semblable avec les deux espèces d'acier.

1365. Il est facile de conclure, de la manière dont l'étoffe est fabriquée, qu'elle est formée de lames d'acier de différente dureté, placées parallèlement les unes aux autres, et dans une direction unique, celle des barres obtenues. On peut s'assurer de la vérité de ce résultat, en blanchissant deux faces adjacentes de la barre, et en posant une goutte d'acier nitrique sur ses faces; on voit ensuite, par la couleur, plus ou moins noire, que prennent les différentes tranches, en raison de leur degré d'aciération, dans quel ordre sont placés les différents aciers, ainsi que l'épaisseur et la direction de chacune de leur lame successive. Cette direction des lames de l'étoffe, dans le sens de la longueur des barres, n'est pas rigoureusement essentielle. Nous verrons bientôt qu'on peut obtenir des armes parfaitement élastiques, et susceptibles de supporter toutes les épreuves, quoique la direction des lames des substances qui composent l'étoffe soit excessivement variée et contournée.

1366. Les lames les plus estimées des Asiatiques, sont celles qui portent le nom de damas, nom d'une ville très-ancienne de l'Asie, célèbre par son antique industrie, et, en particulier, par les étoffes de soie, et les armes qu'on y fabrique. Aujourd'hui, la plus grande partie de ces lames viennent de la Perse: il serait difficile d'assurer si les premières étaient élastiques, comme nos sabres européens. On paraîtrait porté à le croire, par l'élasticité de quelques lames anciennes dont les Asiatiques font un très-grand cas. Mais, ce qui paraît très-positif, c'est que le plus grand nombre des lames fabriquées aujourd'hui se cassent avec beaucoup de facilité.

Ce qui distingue principalement ces lames de celles qu'on fabrique habituellement en Europe, c'est qu'elles sont couvertes de veines noires et blanches très-fines, quelquefois même d'une espèce de sablé noit et blanc, qui disparaît lorsque l'on polit la lame, et qui reparaît aussitôt, en passant une légère couche d'acide sur la surface. Ces veines et ce sablé noir et blanc prouvent que l'étoffe, dont ces sabres sont formés, est composée de lames extrêmement minces de fer et d'acier, de divers degrés d'aciération, soudés les uns sur les autres.

Tout fait croire que c'est à ce mélange qu'on doit attribuer la finesse

du taillant qu'obtiennent ces sabres; car il résulte nécessairement, des divers degrés d'acier qui les forment, que les plus mous étant plus profondément usés par la meule et par le poli, le tranchant de la lame doit former cette série fine dont la dentelure imperceptible est si favorable pour couper, avec facilité, les corps les plus mous.

1367. Nous ignorons les moyens que les Asiatiques emploient pour faire ces sabres si renommés; mais aussitôt qu'on a pu reconnaître la cause des différentes couleurs qui distinguent l'étoffe de ces armes, des savants français se sont occupés des moyens de les fabriquer. Parmi eux, celui qui a obtenu le plus de réputation, dans, la fabrication de ces sortes de lames, c'est le célèbre Clouet, dont nous avons déja parlé.

Qu'on ne croie pas, cependant, que la fabrication des lames de Damas fut inconnue en France, à l'époque où Clouet (sur l'invitation du général Joubert, alors commandant à Mézières) s'occupa de la solution de cet intéressant problême; car Perret, coutelier de Paris, indique, dans les notes de son Mémoire sur l'Acier, couronné par la Société des arts de Genève, et imprimé en 1779, le procédé qui était connu, à cette époque, pour obtenir l'étoffe de Damas (1), lequel diffère très-peu de celui de Clouet, qu'on publia en ventose an XII (mars 1804) (2); mais, ce qui distingue principalement le travail du métallurgiste français, c'est qu'il a vaincu, par sa persévérance, les difficultés que présente l'exécution des beaux dessins qu'on observe sur les lames des sabres de Perse, et qu'il a résolu, avec beaucoup d'élégance, les divers problêmes qu'ils présentaient.

1368. Pour obtenir cette étoffe, on étire séparément des lames d'acier très-fin, d'acier mou et de fer, auxquelles on donne communément un pied de longueur, un pouce de largeur, et une ligne d'épaisseur. Plus elles sont minces, et plus on peut donner de finesse aux veines blan

(1) Mémoire sur l'Acier, page 95.

(2) Journal des Mines, tome 15, page 421.

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