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Tout cet arrangement mystérieux consiste à mélanger intimement les aciers qui ont des grains différents, de manière que les aciers fins soient parfaitement entremêlés avec les aciers grossiers, pour que l'on puisse obtenir une étoffe uniforme, et autant identique qu'il est possible.

Le travail de la préparation de l'étoffe des faux est, en tout, semblable à celui de la préparation des étoffes dont on se sert pour les grands ressorts d'horloge, et pour les lames de sabre. La trousse O est formée de quinze à dix-sept lames, de 16 à 18 lignes de largeur sur 30 lignes d'épaisseur. Ces trousses sont chauffées, en les couvrant d'argile ou de sable fusible; puis elles sont forgées et soudées en barres: on les plie, on les chauffe de nouveau; on les soude, et on les forge pour faire de l'acier à deux marques; on les plie une seconde fois, on les chauffe, on les soude, et on les forge pour faire de l'acier à trois marques. C'est de cet acier, ainsi préparé, que sont faites les lames des faux.

1385. En Styrie et en Carinthie, on coupe un morceau de chacune des deux étoffes qui doivent former la maquette : ces deux bidons, de 4 à 8 pouces de longueur, et du poids de 16 à 17 onces, se placent l'un sur l'autre, de manière que la tranche des barres qui ont formé les étoffes, se corresponde, et puisse s'unir par sa soudure. On ébauche ainsi une maquette de 2 pieds 4 pouces de longueur, ayant 11 lignes de largeur près de la crosse, 7 à 8 au milieu et 5 au petit bout; de façon que l'acier ferreux se trouve sur le dos, et l'acier fin dans les lames. Cette ébauche se fait, en deux chaudes, avec un martinet, pesant 150 à 160 livres.

En France, en Suède, en Angleterre, dans le pays de Berg, etc., où la maquette se compose de fer et d'acier, on emploie deux méthodes pour unir ces substances.

Dans les usines de Suède, on fend, par le milieu, le morceau de fer qui doit former le dos et la crosse de la faux: on introduit, dans cette fente, le morceau d'étoffe, et l'on prépare la maquette en France, on élargit le bidon d'étoffe d'acier; on le place entre deux morceaux de

fer destinés à former le dos et la crosse; on soude ces trois substances, et l'on forge la maquette.

1386. Il est convenable, pour la bonté et la perfection de la faux, que l'étoffe d'acier soit toujours soudée, de manière que les bandes des différents aciers qui la composent soient placées parallèlement à la face de la lame; le taillant obtient, par ce moyen, une dureté constante, pendant toute la durée de l'instrument.

1387. On prépare l'étoffe, on forge la maquette, et l'on fabrique la faux, ordinairement, dans la même usine; cependant il est des endroits où l'étoffe, et quelquefois même la maquette, se prépare dans des forges particulières, telles sont, par exemple, quelques manufactures d'Angleterre, comme celles de Scheffield, dans lesquelles la maquette, toute préparée, et propre à fabriquer les faux, est vendue et livrée à ceux qui s'occupent de ce genre de fabrication.

Travail des Faux.

1388. Ce travail s'exécute de deux manières sur le continent, il se fait généralement avec des martinets et des marteaux à bras; dans quelques manufactures d'Angleterre on façonne les maquettes avec des cylindres, et l'on termine la faux avec des martinets et des marteaux à main.

1389. Tous les outils, employés en Styrie et en Carinthie, consistent en plusieurs martinets dont les poids varient de 30 à 60 livres; des enclumes droites T, U, obliques V, ou rondes X, enfin des marteaux à main. La vîtesse de ces martinets est, dans quelques circonstances, de plus de trois cents coups par minutes.

Quelques forgerons font usage, en Suède, d'enclumes à côté desquelles sont des barres de fer qui servent de régulateur; la faux, placée sur les barres, peut être approchée, reculée et inclinée par l'action d'une pédale qui leur donne le mouvement convenable.

En Angleterre, on se sert de laminoirs qui ont une cannelure propre à conserver le dos des lames, et dans lesquelles on obtient les maquettes ébauchées.

1390. Les maquettes subissent, en Styrie, six opérations, pour transformées en faux (1).

être

1o Après lui avoir fait éprouver une chaude suante, un ouvrier courbe la maquette Y; fend le bout de la crosse, et forme un piton de 6 lignes d'élévation, auquel on donne le nom de poreau ou de talon.

2o A l'aide d'un martinet de 60 livres, l'ouvrier parvient, en quatre chaudes différentes, à former un renfort, et à amincir la lame; ces martinets frappent cent cinquante à deux cents coups par minute.

3o Un ouvrier, avec un marteau à main, redresse la lame en partie. 4o On expose la faux, à deux fois différentes, après l'avoir dégourdie, à l'action d'un marteau de 30 livres, pour aviver les arêtes, planer et amincir la lame II. Ce martinet bat deux cent cinquante à trois cents coups par minute.

5o Avec un poinçon on imprime, sur la crosse, la marque du fabricant; puis on lui fait décrire l'angle qu'elle doit avoir avec la lame, pour s'en servir commodément. La crosse de la faux est chauffée pour chacune de ces opérations.

6o L'extrémité de la lame est coupée avec des cisailles fixées dans un billot, afin de la dresser et emporter les matières superflues.

1391. Dans quelques usines, on forme le renfort, et l'on amincit la lame en deux chaudes, au lieu de quatre, que l'on a indiqué dans la deuxième opération.

Quelques forgerons de Suède forgent les lames en cinq chaudes; savoir : deux sur une enclume ronde X, et trois sur une enclume plate U, et cela, en s'aidant du régulateur; puis ils terminent le talon en une seule chaude.

En Angleterre, on chauffe les maquettes, et on les étire dans un laminoir creusé d'une cannelure quadrangulaire, pour relever le dos; il ne reste plus qu'à planer les lames, à forger les talons, et à étirer les pointes; ce qui s'exécute avec des martinets et des marteaux à main.

(1) Journal des Mines, tome 13, page 194.

1392. S'il se forme, dans ce travail, quelques gerçures, l'ouvrier, aussitôt qu'il le découvre, étire, avec la panne du marteau, les bords des gerçures, de manière à les faire croiser; alors il les mouille d'un peu d'eau, et les saupoudre d'un peu de borax pulvérisé : il faut chauffer; le borax dissout l'oxide, et l'on peut, à l'aide du marteau, souder commodément les deux lames.

De la Trempe et du Recuit.

1393. Les faux se trempent dans de la graisse ou dans de l'eau : le premier moyen est employé en Styrie et en Carinthie; le second, en France, en Suède, en Angleterre, et dans le plus grand nombre de fabriques de faux.

1394. En Styrie et en Carinthie, on fond partie égale de graisse de bœuf, de veau et de mouton; on verse le tout dans un baquet doublé de cuivre rouge, et on l'emplit de ce liquide. La faux est chauffée au rouge-blanc dans un feu de charbon de bois (1), alors le trempeur la plonge obliquement dans la graisse, en commençant par le renfort, et tenant le tranchant en haut.

Dans quelques fabriques, comme celle de Moll, l'ouvrier applique un petit coup sur le renfort de la faux, afin de lui donner une petite courbure qui se redresse par la trempe; dans celle de Merzuschlag, on frappe, avec la faux, sur la surface de l'eau, afin de la dresser et de détruire la courbure que cet instrument a prise en le trempant; dans d'autres fabriques, on le redresse après l'avoir recuit et l'avoir bruni.

1395. En France, et dans les autres pays où l'on trempe les faux dans de l'eau, on fait chauffer cet instrument la couleur qu'on lui donne dépend de la nature et de la finesse de l'acier. C'est ordinaire

(1) Dans quelques endroits, on forme une espèce de four, dont les parois sont percées, afin que la flamme du combustible puisse pénétrer dans l'intérieur. Ces fourneaux, plus longs que les faux, les chauffent uniformément.

ment au rouge approchant du blanc que l'on élève la température; on les plonge dans l'eau, après avoir tourné le dos en bas.

1396. Suivant le degré de finesse de l'étoffe, et la dureté qu'elle a prise à la trempe, il est nécessaire de lui donner un recuit différent; mais, pour bien reconnaître le degré du recuit, il faut blanchir les lames avec du grès, de la pierre-ponce, ou avec des grattoirs : ces trois moyens sont employés séparément dans chaque usine. Alors on passe, à la volée, la lame sur la flamme d'un feu de bois, jusqu'à ce qu'elle ait atteint la couleur du recuit, qui est ordinairement le bleu.

1397. La faux, après avoir été légèrement chauffée, est portée sous un petit martinet dont il est difficile d'apprécier la vitesse, tant elle est grande; elle y est dressée et amincie uniformément. Souvent le taillant se forme sous ce petit martinet; souvent aussi il est formé avec des marteaux à main, sur un tas d'acier incliné, fixé dans un billot; enfin, l'opération se termine en formant le biseau du tranchant sur une meule.

Nous ignorons si l'on recuit et si l'on brunit les faux en Angleterre, parce qu'elles sont recouvertes d'un vernis noir de goudron, lorsqu'on les porte dans les magasins; mais ce qui nous fait croire qu'elles n'éprouvent pas ce recuit, qui contribue à rendre les lames malléables et susceptibles d'être aiguisées par le marteau, c'est que, lorsque l'on veut les dresser ou les aplanir au marteau, le fil se casse à l'instant, aussi est-on obligé d'aiguiser les faux à la meule ou à la pierre, et de leur donner le poli avec une planche recouverte d'émeri.

Le travail des faux exige que les ouvriers, que l'on y emploie, aient une grande habitude de ce travail; il est peut-être peu d'arts qui soient plus faciles à décrire; mais il en est peu aussi qui soient plus difficiles à exécuter. Ce n'est donc pas avec des descriptions détaillées et multipliées qu'il faut espérer de monter une fabrique de faux, mais bien avec des ouvriers instruits, et qui aient fait un long apprentissage.

Ce n'est pas que nous ne soyons persuadés qu'un homme habile, qui aurait des connaissances étendues, une grande intelligence, et des ca

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