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entr'autres le manifeste de la RéIII. publique de Venise contre Charles VIII. où l'Auteur défend trèsbien une mauvaise cause. Dans le tems de fon employ qui fut un tems très-difficile, il fervit fa patrie avec capacité & avec fuccès. Plufieurs fois il empêcha le Pape de fe racommoder avec les ennemis de la République quand il y paroiffoit déterminé par le pouvoir des conjonctures & la néceffité de fes propres affaires. Auffi cet Ambaffadeur mourant eut la confolation de laiffer fa République conféderée avec deux des quatre Puiffances qui avoient figné contre elle la Ligue de Cambray, & ces quatre Puiffances jointes ensemble, ne l'avoient pas accablée.

Un des endroits le plus curieux de l'hiftoire de Guichardin, c'est celui où cet habile Ecrivain raLib. to. fol. 283. porte le fentiment des politiques du tems fur le traité de Jules II.

avec le Roy Catholique & les Venitiens. Prefque tout le monde, dit- 15 14. il, élevoit jufqu'au ciel la politique & les vûës du Pape qui étoient fenfiblement, de chaffer les Barbares de l'Italie. On difoit que la maniere dont il fe conduifoit pour executer fon deffein, marquoit à la fois la force & la fageffe de fon génie. Que par fon adreffe il avoit armé les Barbares contre les Barbares. Que le fang des Efpagnols feroit deformais le prix de celui des François. Que cependant le fang de la patrie feroit épargné de maniere qu'à la fin de la Tragédie il refteroit affez de force aux Italiens pour chaffer eux-mêmes celui des deux partis dont ils fe feroient fetvis pour chaffer l'autre. Que les efforts que le parti victorieux feroit pour vaincre, l'épuiferoient & le rendroient facile à être vaincu à son tour. Ces idées paroiflent être depuis long-tems le projet favori

des Italiens, & le fameux Machiavel non content de les avoir femées dans tous les ouvrages, en a fait un traité exprès qui eft le dernier chapitre de fon Prince. Il l'intitule Exhortation à délivrer l'Italie des Barbares, comprenant fous ce nom odieux, felon l'ufage de fes compatriotes, les Espagnols, les François & les Allemands. Il femble même que ce projet ait été continuellement depuis deux cens ans le grand mobile des Italiens dans toutes leurs ligues, traitez, alliances, inactions & neutralitez. Guichardin,qui connoiffoit les compatriotes, donne clairement à entendre par ce qu'il ajoûte au paffage raporté ci-dessus, qu'il croyoit l'execution d'un tel projet fort au-deffus de leurs vertus. En tout cas Jules II. vieillard, faifoit l'entreprise d'un jeune homme.

Le Pape devenu plus hardi depuis ce traité, tint un confiftoire public, dans lequel il excommu

nia

nia folemnellement comme heretiques, & déclara privez du cha- ! S II. peau, les Cardinaux de fainte Croix, de faint Malo, de Cosenza, de Bayeux & de faint Severin, fi dans un certain tems ils ne venoient à réfipifcence. Son deffein étoit même de commencer la guerre par attaquer l'Etat de Florence qui donnoit un azile dans Pife au Concile aflemblé contre lui. Mais Pandolfe Petrucci, qui gouvernoit la République de Sienne, lui representa que c'étoit fervir le Roy de France, que d'obliger les Florentins qui obfervoient la neutralité à fe jetter entre les bras. Qu'alors toutes les forces de l'Etat de Florence leroient à la difpofition de ce Prince, au lieu que les Florentins s'étoient contentez jusques-là de fournir les deux cens lances qu'ils lui devoient donner par le traité d'alliance entre leur République & fa couronne. Petrucci ne difoit pas

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au Pape toutes les raifons. Il en avoit une effentielle qu'il n'alléguoit pas d'éloigner cette entreprise. Elle auroit attiré la guerre dans l'Etat de Sienne. Quoiqu'il en foit fa Sainteté prit d'autres voyes que celle des armes pour obtenir des Florentins ce qu'elle fouhaitoit. Mais fa haine contre eux eut bientôt occafion de s'affoiblir: Le Concile de Pife décreta dans la feconde Seffion, fa, tranflation à Milan.

Le peuple de Pise voyoit de mauvais il les Cardinaux membres de ce Concile, affemblez pour réformer le Pape & l'Eglife, parce qu'il étoit perfuadé que quiconque d'entr'eux fût Pape, il auroit bientôt autant de befoin d'être réformé que Jules II. La cenfure eft fi odieufe, qu'on la tolere à peine en ceux qui font fans tache, & le peuple s'imaginoit que la plupart de ces Juges fuffent auffi criminels euxmêmes que les coupables aufquels

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