Imágenes de páginas
PDF
EPUB

L'an 1379.

tems dans cette ville, fous prétexte de préparer les préfens qu'il vouloit porter à Tamerlan. Il faifoit pendant Apr. J. C. ce tems-là garnir la ville de toutes fortes de provisions, & Tamerlan. achever les fortifications qu'il avoit commencées l'année précédente. C'étoit une nouvelle muraille qui avoit deux lieues de tour, & qui renfermoit les fauxbourgs & les jardins qui avoient été jufqu'alors hors de l'enceinte de l'ancienne ville. Seifeddin berlas affecta de ne pas voir tous ces préparatifs, ne follicita plus Gaïatheddin de se rendre auprès de Tamerlan, & fe retira enfuite pour inftruire fon Maître des desseins du Roi d'Herat.

Tamerlan n'avoit aucun motif raifonnable pour entreprendre cette guerre ; l'ambition de parvenir à la monarchie univerfelle étoit la feule regle de fa conduite, & il prétendoit qu'il ne devoit y avoir qu'un feul Roi fur la terre. Envahir les Etats avec lefquels il étoit en paix, en enlever toutes les richesses pour les tranfporter dans fon pays, détrôner les Princes, égorger & réduire à l'efclavage leurs fujets faire le plus grand nombre de malheureux qu'il étoit poffible, c'étoit en cela qu'il faifoit confifter toute la gloire d'un Souverain. Formant dès lors le deffein de foumettre la Perfe, il envoya fon fils Mirza Miran schah qui paffa le Gihon fur un pont de batteaux (a), & qui après avoir attendu à Balkh L'an 1380. & à Schebourgan le retour du printems, fe rendit enfuite maître de la ville de Badghiz, où toutes les richeffes qu'il y trouva, fervirent à former les équipages de fon armée. Tamerlan le fuivit peu de tems après (b) avec le refte de fes L'an 1381. troupes qui pafferent fur un pont la riviere de Dizac (c). Ce Prince alla à Andcoud, ville du Khorafan située près de Balkh, où il vifita Baba fancou, un de ces Dervifch qui affectent d'être fous. Le Dervifch en le voyant paroître lui jetta une poitrine de mouton à la tête. Tamerlan tira de cette aventure un préfage favorable pour fon expédition, & répandit dans toute fon armée que Dieu lui abandonnoit le Khorafan, que l'on a toujours appellé le Royaume de la poitrine,

(a) L'an 782 de l'Hegire.

(b) Sur la fin de l'an 782, au commencement du printems.

(c) Cette riviere qui paffe dans le Khorafan, fe jette dans le Gihon.

L'an 1381.

ou le milieu de la terre. Il porta par-tout le défordre, & Apr. J. C. obligea Mohammed, frere de Gaïatheddin, qui étoit dans Tamerlan. la fortereffe de Serakhs, de venir fe remettre entre fes mains; de-là il prit la route d'Herat. Il attendoit en chemin Aly begh, Officier de Gaïatheddin, qui avoit promis de se joindre à lui; mais celui-ci ayant changé d'avis, & ayant même fait arrêter fon Envoyé, Tamerlan prit la route de Dgiam & de Cousoupa. Il n'avoit point à craindre les troupes du Roi d'Herat, parce que Gaïatheddin venoit de fe rendre maître de Nifabour qui appartenoit aux Serbedals, & que fon armée qu'il vouloit éviter, étoit répandue dans les environs de cette ville. Il reçut à Coufoupa l'hommage de Pehlevan mahadi qui commandoit dans ce pays, & alla vifiter à Taibad un fameux Docteur nommé Zeïneddin aboubekr. Ces conférences avec les Dervifchs & les Docteurs qui paffoient pour des faints, lui étoient utiles, & faifoient croire à fes troupes que le ciel favorifoit fes entreprises.

Toute fon armée raffemblée devant Foufchandge affiégea cette place. Ses foldats pafferent le foffé fur des planches & des radeaux, & s'approcherent des murailles. On lança de part & d'autre beaucoup de pierres & de fleches, Tamerlan fut bleffé deux fois; mais fa préfence augmentant l'ardeur de fes foldats, les portes furent enfoncées, & la place fut prife malgré fes grandes fortifications, l'extrême hauteur de fes murs, & la grande quantité de machines dont ils étoient défendus; elle fut livrée au pillage. Herat, la capitale du pays, fut aussi tôt affiégée; on s'empara de tous les dehors, & on remporta un avantage confidérable fur la troupe des Ghouris qui avoit fait une fortie. Défefpérés par cet échec, les habitans fongerent déja à capituler, & refuferent d'obéir aux ordres de Gaïatheddin qui se vit contraint d'envoyer fon fils avec plufieurs autres grands Seigneurs pour appaifer Tamerlan. Ce Prince répondit que fi l'on s'opiniâtroit à fe défendre, il détruiroit entiérement le Royaume, & feroit périr tous les peuples. Gaïatheddin abandonna fa capitale (a), & alla se remettre entre les mains du

(a) Dans le mois Mouharram de l'an 783 de l'Hegire, & du Chien chez les Tartares.

Vainqueur. Tamerlan fit enlever tous les tréfors de cette Apr. J. C. ville, rafer les fortifications, détacher les portes qui étoient L'an 1381. revêtues de bandes de fer ornées de cifelures & d'infcrip- Tamerlan. tions, pour les tranfporter à Kefch; il mit un impôt pour le rachat de chaque habitant, & envoya plusieurs familles à Kefch. Les habitans qui avoient eu tant d'empressement de livrer la ville, furent entiérement dépouillés de leurs biens, & on ne leur conferva la vie que pour les rendre plus malheureux. Il ne reftoit à Gaïatheddin qu'une fortereffe nommée Eschkilgé, autrement Amankouh, qui paffoit pour imprenable, & dans laquelle Emir Ghouri, le plus jeune de fes enfans, s'étoit renfermé. Tamerlan ordonna au Roi d'Herat d'amener à fa Cour ce jeune Prince qui étoit regardé comme le plus brave & le plus fage de fon tems; mais il exigea que le pere n'entrât point dans la citadelle, dans la crainte que le fils n'entreprit de s'y défendre. Gaïatheddin fut obligé de parler à fon fils du pied des murailles, pour l'engager à remettre la place.

Après avoir ainfi foumis Herat & la fortereffe d'Eschkilgé, Tamerlan envoya le Général Dgihan schah yakou qui s'empara de Nifabour & de Sebzouar. Il marcha en perfonne du côté de Kelat & de Thous, où commandoient Aly bei qui avoit refufé de fe rendre, & Khodgia aly mouiad le Sarbedarien. L'un & l'autre effrayés de l'approche de ce formidable ennemi, quitterent leurs places, & vinrent implorer fa clémence. Esfaraïn qui étoit entre les mains des Lieutenans de l'Emir Veli, Prince du Mazanderan, fut entierement ruinée pour n'avoir pas voulu fe foumettre, habitans & foldats furent paffés au fil de l'épée : les Tartares ne laifferent pas fubfifter une feule maison, & il ne refta de cette ville que fon nom. Bientôt l'Emir Veli fut fommé de venir reconnoître le vainqueur, & il le promit; Tamerlan détruisit pendant ce tems-là quelques troupes de voleurs qui avoient tué plufieurs de fes parens. Enfuite après avoir rétabli Gaiatheddin dans Herat, & fes Officiers dans leurs places, il reprit la route de Samarcande, & alla paffer l'hyver à Bokhara.

Au milieu des fêtes & des plaifirs auxquels il s'abandonnoit

Apr. J. C.

pour fe repofer des fatigues de la guerre, il perdit fa fille L'an 1381. Akia-beghi (a), qui fut portée dans un magnifique tombeau Tamerlan. qu'il lui fit élever à Kefch. Il étoit fi accablé de la douleur

que lui caufa cette perte, qu'il fut entiérement infensible à la nouvelle qu'il apprit qu'Aly bei & l'Emir Veli s'étoient réunis pour faire le fiége de Sebzouar. La Princeffe Coutlouk tarkhan aga fa foeur fut obligée de lui représenter que cet abandon total des affaires de fon Empire pouvoit lui devenir préjudiciable, qu'il devoit fonger à fes peuples, & punir les rebelles avec la derniere févérité. Elle le toucha enfin, & il résolut de partir pour le Khorafan & le Mazanderan. Il paffa le Gihon à la tête de toutes les troupes, & fut joint par Gaïatheddin, Roi d'Herat. Aly bei fe renferma dans Kelat réfolu de s'y défendre, quoique Tamerlan cût effayé de le faire rentrer dans le devoir par la douceur. Ce Prince feignit de marcher vers le Mazanderan, & revint tout d'un coup tomber fur Kelat qui fut inveftie de tous côtés. Aly bei eut recours aux prieres, & demanda une conférence avec ce Prince, affectant ainfi de vouloir fe foumettre, pour trouver les moyens de tendre quelque piége. Les murailles de Kelat étoient bâties fur le penchant d'une haute montagne, dans laquelle il y avoit au milieu des rochers un petit chemin qui aboutissoit à la ville. Aly bei informé que Tamerlan venoit au rendez-vous, qui étoit à la porte de la ville, avec peu de gens, mit en embufcade quelques foldats qui avoient ordre de le tuer; mais ce projet échoua, & Tamerlan échappé d'un fi grand péril, fit donner un afL'an 1382. faut général (b). Les Mekrites & les troupes du Bedaschkhan qui étoient habiles à gravir fur les rochers, monterent les premieres, & furent foutenues par le refte de l'armée; elles battirent plufieurs corps des ennemis; Aly bei se voyant réduit à l'extrémité, demanda que l'on ceffât le carnage, & envoya quelques-uns des principaux avec une lettre fignée de fa main. Le lendemain Tamerlan entra dans la place & pardonna à Aly bei, Malgré cet accord, ce dernier fe

(a) Elle avoit époufé Mohammed bei, fils de l'Emir Moufa,

(b) Au commencement du mois Ra

bi elaoual de l'an 784 de l'Hegire ; l'an du Porc, felon les Tartares.

réfugia

réfugia pendant la nuit au milieu des rochers, où il fe fortifia de nouveau dans quelques paffages difficiles.

pour

Apr. J. C.
L'an 1382.

Après la deftruction de Kelat, Tamerlan alla affiéger Ter- Tamerlan. khiz, fortereffe fituée dans des montagnes inacceffibles, & qui paffoit pour imprenable; elle étoit défendue par une troupe de Ghouris, gens célebres pour leur valeur, & munie de toutes fortes de provifions. Il fut offenfé de leur réfiftance, & s'en plaignit à Gaïatheddin, à qui cette place appartenoit. Celui-ci fe préfenta au pied des murailles engager les Ghouris à fe foumettre, mais n'ayant pas été écouté, les Tartares éleverent leurs béliers & leurs machines, établirent des mineurs, & donnerent des affauts. Les Ghouris qui n'étoient point effrayés des nombreuses armées qui les environnoient, repoufferent avec une pareille vigueur les attaques, mais enfin accablés par le nombre ils furent contraints de demander quartier. Tamerlan qui connoiffoit leur bravoure, les careffa beaucoup, & leur donna des poftes confidérables. Toute la Perfe fut allarmée de cette irruption de Tamerlan. Dgelaleddin fchah schadgia, Prince de la Dynaftie des Modhaffériens, qui régnoit dans la province de Fars proprement dite, dont Schiraz eft la capitale, fe hâta de rechercher fon amitié, & lui envoya un Ambaffadeur avec de riches préfens, que le Tartare reçut en demandant une fille de ce Prince pour fon fils Mirza pir mohammed, afin de conftater l'alliance que le Roi de Schiraz recherchoit.

Tamerlan décampa de Terkhiz, & prit la route du Mazanderan : l'Emir Veli furpris de cette nouvelle, lui envoya un de fes Officiers avec des préfens; on exigea de lui qu'il fe rendît au camp, mais il obtint un délai, & Tamerlan s'en retourna dans fa capitale. Aly bei qui s'étoit fortifié dans les montagnes de Kelat, avoit été battu pendant ce tems-là par Scheikh aly bahadour, & s'étoit foumis. Il fe préfenta à Tamerlan dans la prairie d'Andecan avec un fabre & un fuaire à la main, pour marquer fon entier dévouement aux ordres de ce Prince. Mais le vainqueur ne fut pas plutôt entré dans Samarcande, qu'il le fit arrêter avec l'Emir Ghouri, fils de Gaïatheddin, & les envoya à Andecan. Gaïatheddin & fon fils Pir mohammed furent auffi renfermés, Tome IV.

C

« AnteriorContinuar »