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'Apr. J. C.

Pendant que ces chofes fe paffoient à Samarcande, quelL'an 1383. ques parens de Gaïatheddin tenterent de reprendre Herat (a), Tamerlan, brûlerent une des portes du château, & taillerent en piéces

la garnison qui vouloit fe fauver. Mirza miran schah, fils de Tamerlan, qui étoit dans les environs, y envoya aussi tôt des troupes qui défirent ces rebelles, & éleverent une tour de toutes les têtes de ceux qui avoient été tués, monument fingulier digne de la barbarie de ces Tartares. Cet événement détermma Tamerlan à faire mourir Gaïatheddin avec toute fa famille.

Cet ambitieux Monarque portoit ainsi la désolation dans les familles des Souverains; mais il éprouva lui-même l'année suivante (b) que fa puiffance ne le mettoit pas à l'abri des malheurs. Il perdit tout à la fois fa femme Dilchad-aga, & fa fœur Coutlouc tarkhan aga. Celle-ci étoit aimée des peuples à cause de sa piété & de fa charité. Elle avoit fondé des hôpitaux, des monafteres & des colléges, élevé plufieurs autres bâtimens utiles, & Tamerlan avoit fouvent éprouvé combien fes confeils lui avoient été nécessaires. Revenu de l'affliction que ces deux morts lui avoient causée, il reprit les armes, c'étoit-là ce qu'il appelloit s'appliquer au gouvernement. Il envoya une armée dans le pays des Getes pour achever de détruire le parti de Camareddin. Ce premier corps fut défait par la nation des Behrin, mais un fecond qui vint au fecours, pénétra jusqu'au lac Iffikoul & à la montagne Gheuk topa vers l'Ili, fans cependant pouvoir joindre Camareddin. Tamerlan de fon côté avoit pris la route du Mazanderan, mais ayant appris à Termed que le Scheik Daoud, Gouverneur de Sebzouar, s'étoit révolté dans cette ville, & qu'après avoir été battu par Mirza miran schah, il s'étoit fauvé dans la fortereffe de Bedr-abad, où il s'étoit fortifié, il détacha quelques Nevians pour aller dans le Mazanderan, & marcha en perfonne vers Sebzouar. Il ruina tellement cette ville, que la plupart de ceux qui étoient dedans périrent; il fit deux mille prifonniers qu'il entaffa tous vivans les uns fur les autres avec de la

(a) Sur la fin de l'an 784 de l'Hegire, pendant l'hyver,

(b) L'an 785 de l'Hegire, & de la Souș ris chez les Tartares.

L'an 1383.

boue & de la brique, pour en conftruire des tours, afin d'obliger par ce châtiment ceux qui voudroient lui réfifter à Apr. J. C. implorer fa clémence. Il entra enfuite avec cent mille com- Tamerlan. battans dans le Siftan ou Sedgeftan qui s'étoit révolté. Schah Dgelaleddin qui commandoit dans Ferah, vint fe rendre, & offrit à ce Prince des préfens. D'autres troupes de Tamerlan fe difperferent dans cette province, & ruinerent la plûpart de fes villes. Elles éleverent à Zeré plufieurs tours des corps morts & des têtes des malheureux habitans.

Dans le tems qu'il faifoit en perfonne le fiége de la ville de Sistan, autrement Zarandge, capitale de la province qui étoit poffédée par Schah Cothbeddin, quelques Emirs fortirent de la ville, & vinrent fe rendre à lui; les affiégés faifirent le tems qu'ils étoient à s'entretenir avec ce Prince pour faire une fortie; les troupes de Tamerlan feignirent de prendre la fuite, & attirerent dans une embuscade les ennemis. Ceux-ci fe défendirent avec intrépidité, & regagnerent, après avoir tué beaucoup de monde, la porte de la ville, alors la nuit fit ceffer le combat. La place fut entiérement inveftie, les Tartares creuferent des foffés qu'ils garnirent de paliffades. Les affiégés firent une feconde fortie, & pénétrerent jufqu'au milieu du camp. Le lendemain toute l'armée Tartare s'approche de la place pour donner un affaut, mais elle eft repouffée, on rentre pêle-mêle dans la ville; un corps de troupes de Tamerlan qui avoit fuivi les affiégés, s'y trouve renfermé, & alloit être taillé en piéces; on court auffi-tôt à fon fecours, la porte eft enfoncée, & les Tartares fortent. Ce fiége fut des plus meurtriers. Schah Cothbeddin qui ne pouvoit plus réfifter, prit enfin le parti de fe rendre auprès de Tamerlan, auquel il tint ce difcours : « Ce feroit en vain, grand Prince, que je voudrois entreprendre de me défendre plus long-tems contre toi. Ton bras puiffant eft capable de faire plier, pour ainfi dire, les montagnes. Que me ferviroit donc de tenter la fortune qui t'a élevé à un fi haut degré de bonheur, & dont il femble que tu es le maître. Je ne vois d'autre moyen pour fauver ma vie que de pren» dre la fuite, mais où trouver un afyle, puifque tout eft foumis à ta puissance; il n'y a point d'endroit fous le ciel

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L'an 1383.

où je puiffe me retirer. Je fuis cependant pour me garantir de toi, mais c'eft auprès de toi-même, & je viens imploTamerlan. » rer ta clémence royale ». Tamerlan pardonna à Cothbeddin, mais lorsqu'il monta à cheval pour aller faire la revûe d'une partie de fon armée, il apprit que vingt à trente mille hommes de la populace de Siftan venoient de prendre les armes, & s'avançoient contre lui; fon cheval fut bleffé d'une fleche en voulant foutenir fes troupes. Plein de fureur il fit d'abord arrêter Schah Cothbeddin, & voulut retourner au combat, mais fes principaux Officiers l'obligerent de se retirer, & allerent à l'ennemi qu'ils mirent en déroute; les murailles furent auffi-tôt escaladées & la place prife d'affaut (a). Les maifons & les édifices publics furent renverfés, tous les habitans, hommes, femmes & enfans au berceau furent égorgés. Les foldats pillerent jusqu'aux clous des portes.

Les Tartares prirent alors la route de Boft, autre ville de la province de Sedgeftan; ils ruinerent en chemin l'édifice nommé la Digue de Roftam, ancien monument dont il ne resta plus aucune trace. Ils s'emparerent de la fortereffe de Tak, & ayant appris en paffant par Kukecala, qu'un rebelle, nommé Toumen nikoudari, s'étoit avancé vers les quartiers de Kidge & de Mekran, Tamerlan envoya fon fils Mirza miran fchah & plufieurs autres Nevians contre le rebelle, on le rencontra dans la prairie de Caran. Toumen fe prépara auffi-tôt au combat, malgré les confeils d'un des Généraux de Tamerlan fon ancien ami, qui voulut l'engager à venir fe jetter aux pieds de ce Prince. Il fut tué des premiers dans l'action, & fa tête fut envoyée à Tamerlan. Ce Prince fit enfuite punir un autre Gouverneur de ville qui l'avoit bleffé autrefois à la main, ordonna qu'on le fit mourir à coups de fleches, & s'empara de la ville de Mam-catou & du château de Calaatfarc. Il prit Hezarpèz, où trois mille hommes des fujets de Toumen s'étoient retirés, enfuite quelques autres places, après quoi il fit marcher des troupes contre les Ouganians autrement Aghouans,

(a) Dans le mois Schoual de l'an 785 étoit alors dans le figne du capricorne, de l'Hegire, l'an de la Souris ; le foleil

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dans les montagnes au Midi de la province de Candahar. Ces peuples après s'être foumis d'eux-mêmes à Tamerlan, L'an 1383. s'étoient révoltés, & avoient défait les premieres troupes Tamerlan. que l'on avoit envoyées contre eux. Tamerlan en renvoya de nouvelles qui s'emparerent de la fortereffe appellée Kouh Soliman, & firent mourir tous ces Barbares. D'autres troupes avoient en même tems été détachées pour aller à Candahar, & après avoir affiégé cette place, elles s'en étoient rendues maîtresses avant que Tamerlan y arrivât. De-là ce Prince envoya prendre & raser la ville de Calat dans le pays de Cotan (a).

Après avoir ainfi foumis les provinces de Sedgeftan & de Żaboulestan, & avoir établi des Officiers dans les principales villes, il s'en retourna à Samarcande, où il paffa trois mois, après lefquels il reprit la route du Mazanderan. Il fe rendit par Serakhs à Nifa, où il fut informé que l'Emir Veli s'étoit fortifié dans la citadelle de Douroun. Les Tartares marcherent vers cette place qui fut emportée, après avoir défait les ennemis en route. Ils pafferent enfuite le fleuve à Jarjane, & allerent camper à Schah-fuman. L'Emir Veli vaincu dans un fanglant combat, fut obligé de prendre la fuite. Malgré cette victoire Tamerlan fit faire par tout des retranchemens & pofer des paliffades. La bravoure & la fermeté de Veli le forçoient de prendre ces précautions. Veli fortit en effet de fa fortereffe, vint fondre fur les troupes de Tamerlan, & ruina tous les travaux. Il avoit fait creufer dans la route quantité de puits, dans lefquels il avoit fait mettre des efpeces de broches qui étoient cachées fous les eaux, mais fon armée ayant été battue, y tomba ellemême en fuyant avec précipitation. Tamerlan parvint ainsi jufqu'à Efterabad, capitale du Mazanderan, qu'il réduisit en cendres, n'épargnant ni les femmes, ni les vieillards, ni les enfans (6). L'Emir Veli s'étoit retiré du côté de Damagan avec toute fa famille, qu'il renferma dans la for- L'an 1384. tereffe de Ghirdekouh, & prit le chemin de Rei. Les troupes de Tamerlan firent une telle diligence, qu'elles penferent

(a) Différente de Kalat en Khorafan & d'Ekhlat en Arménie.

(b) L'an 786 de l'Hegire, au mois Schoual,

le prendre aux environs de cette ville; mais il fe fauva dans Apr. J. C. les bois de Rouftamdar qui font fi épais, qu'il fut impoffible Tamerlan. de le rejoindre.

L'an 1384.

Tamerlan qui n'avoit pas encore pénétré fi avant du côté de l'Occident, fe voyant dans le voisinage des Etats poffédés par Ahmed fcheich avis, Prince de la Dynastie des L'an 1385. Ilkhaniens (a), prit la réfolution d'y entrer, & marcha vers Sulthanie (6), dont il s'empara. Il pénétra enfuite dans les montagnes de Rouftamdar; fa préfence obligea tous les petits Emirs de fe retirer ailleurs. L'Emir Veli lui-même qui s'étoit fauvé dans un de ces endroits nommé Yalous, traversa les montagnes du Couhistan, & alla vers les villes d'Amol & de Saria, où ceux qui commandoient refuserent de le recevoir, & fe foumirent à Tamerlan qui s'en retourna à Samarcande. Se croyant déja maître de tous ces pays, où il venoit de porter la guerre, fans aucun fujet, il trouva mauvais que Tokatmisch khan, qui regnoit dans le Kaptchac, vînt faire une incurfion dans les environs de Tauriz, & prétexta la néceffité d'aller au fecours des Mufulmans, pour dépouiller entiérement de leurs Etats les Ilkhaniens, quoiqu'il ne fût point attaché à leur religion. Un autre motif étoit que ces Princes n'étant point assez puiffans, il devoit établir des Officiers avec des troupes pour y faire

y

exécuter fes ordres. Toutes fes armées étant rassemblées, il L'an 1386. paffa le Gihon (c), & fe rendit à Phirouz-kouh, d'où il fe

détacha avec quelques corps de troupes pour aller contre Azeddin, Roi du pays de Lor, qui commettoit avec ses fujets de grands defordres envers tous les Mufulmans, & qui venoit de piller une caravanne de la Meque. Il marcha en diligence vers le Loreftan, s'empara d'Ouroud dgiourd, de Khorrem abad où ces voleurs fe retiroient, fit rafer cette derniere place, & précipiter du haut des montagnes une grande partie de ces fcélérats. Après avoir fubjugué tout ce pays, il alla rejoindre fon armée dans la plaine de Nehavend,& foumit toute l'Adherbidgiane qui appartenoit aux Ilkhaniens.

(a) Voyez ce que nous en avons dit dans le Livre 17 du troifieme volume. (b) L'an 787 de l'Hegire, ou du Léo

pard chez les Tartares.

(c) L'an 788 de l'Hegire, & du Liévre chez les Tartares.

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