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L'an 1365.

de Machau

Mém. de

fakher zeïneddin, c'est-à-dire, l'Illuftre, le très-Glorieux & l'ornement de la Religion. Il étoit âgé de dix ans. Le Khalif Apr. J. C. lui donna, fuivant la coutume, la patente d'inveftiture, & Schaban. Ilbogha continua d'être Régent du Royaume. L'Empire de ce Prince s'étendoit jufqu'à Tharfe en Cilicie où il avoit un Gouverneur. Les événemens des premieres années du régne de Schaban ne font point affez confidérables pour que nous nous arrêtions à les décrire ici. Les noms de plufieurs Emirs mis en place, ou dépofés, n'offrent rien d'intéressant. Il n'en eft pas ainfi de la nouvelle qui se répandit dans le Caire que les Francs venoient de s'emparer d'Alexandrie (a). Pierre de Lufignan, Roi de Chypre, qui L'an 1365. avoit follicité en vain tous les Princes d'Europe pour en Guillaume treprendre une nouvelle Croifade, partit de Rhodes avec une flotte affez confidérable, & vint fe préfenter devant l'Acad. T le vieux port d'Alexandrie (6). Les Mufulmans qui s'étoient xx. raffemblés au nombre de plus de vingt mille fur la côte pour s'opposer à la defcente, entrerent dans l'eau jufqu'à la ceinture, & attaquerent les vaiffeaux des Chrétiens. Mais le Comte de Genes, fuivi des deux Maréchaux du Roi de Chypre, le Prince de Galilée, le Vicomte de Touraine & le Roi lui-même fe hâterent de fortir de leurs galeres, & les forcerent de reculer. Enfin malgré la fupériorité des Mufulmans, les Chrétiens qui n'avoient que huit mille hommes & fept cens gens-d'armes (c), débarquerent pendant que les Hofpitaliers faifoient une attaque d'un autre côté. Ceuxci qui avoient débarqué leurs chevaux fans aucun obftacle, s'étoient mis en bataille, & étoient tombés fur les Mufulmans qui fe voyant attaqués de deux côtés prirent la fuite, & fe retirerent dans la ville dont ils fermerent les portes. Le Roi de Chypre s'arrêta entre la ville & la mer pour faire repofer fes troupes, & pour avoir le tems de débarquer les chevaux & ceux qui étoient encore demeurés dans les vaiffeaux. Comme les murailles d'Alexandrie étoient

(a) Un vendredi 23 de Mouharram de l'an 767. Suivant Guillaume de Machaut, l'an mil trois cent cinq & fesante, landemain de la faint Denis, Tom. IV.

(6) Un jeudi le jour de S. Denis de l'an 1365.

(c) Aboulmahafen dit qu'ils étoient trente mille.

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garnies d'une grande quantité de troupes & de toutes les Apr. J. C. machines néceffaires à la défenfe, les Chrétiens qui ne pouSchaban. voient pas efpérer de s'en rendre maîtres, étoient d'avis que l'on fe rembarquât; mais le Roi de Chypre ranimant leur courage les détermina à monter à l'affaut, & on choisit la porte de la Douane qui étoit la plus foible. L'attaque fut vive; malgré la valeur des Chrétiens, Perceval, Chambellan du Roi de Chypre, voyant que la résistance des Sarrafins commençoit à les rebuter, vint prier le Roi de quitter le pofte qu'il avoit pris avec les Hofpitaliers, & de venir à leur fecours. La préfence de ce Prince fit emporter la porte fur le champ. Un matelot qui fe gliffa par un égoût monta fur la muraille, & cria qu'on le fuivît. Une partie des Chrétiens profita de cet avantage, & les Mufulmans déja épouvantés par le feu, ne firent plus aucune réfiftance. Le Roi entra dans Alexandrie, fes troupes s'y répandirent & mirent tout à feu & à fang, pendant que ce Prince la traverfa, & fortit par la porte du Poivre qui conduifoit au Caire, pour aller couper un pont, & mettre fes ennemis hors d'état de venir le furprendre. Il marcha hardiment accompagné d'un petit nombre de Chevaliers, rentra dans la ville malgré les Mufulmans qui s'efforçoient de lui couper la route & acheva de forcer tous les poftes qui ré

fiftoient encore.

Les Chrétiens fermerent les portes, & pourvurent à la garde d'Alexandrie, autant que la fatigue, la chaleur & leur petit nombre pouvoient le permettre; le Roi s'établit dans une groffe & forte tour, mais il ne put empêcher dix mille Mufulmans de bruler pendant la nuit la porte du Poivre, ni d'entrer fans qu'on s'en apperçût. Avec foixante Chevaliers le Roi les pouffa le lendemain, & les obligea de fe retirer dans la campagne. Il refta quatre jours dans la ville. Le Sulthan qui apprit cette nouvelle à Siriacous, fe rendit fur le champ au Château de la montagne, où il ordonna aux armées de partir ; & il monta lui-même à cheval avec l'Atabek Ilbogha. Tous fe rendirent fans beaucoup d'ordre à Therané, & on envoya devant les Emirs Couthlou bogha, Khalil, Kondouk avec toute la Tubalkhané. Le défaut de

vivres, le manque de munitions & l'approche de cette armée déterminerent la plus grande partie des Chrétiens à L'an 1365. Apr. J. C. fe rembarquer. Le Roi de Chypre avec cent vingt hom- Schaban. mes s'obstinoit à refter, mais voyant arriver de tous côtés les Musulmans, il fut contraint de fe retirer. Le Sulthan fit réparer ce qui avoit été endommagé, & confia la garde d'Alexandrie à Baktimour.

Le Roi de Chypre qui avoit réfolu de faire une entreprise confidérable fur les Mufulmans, ne fut pas plutôt rentré dans fes Etats qu'il fit armer quatre galeres pour aller les attaquer; une tempête qui furvint, l'obligea de rentrer dans le port, où il mit de nouveau en Mer vingt-cinq bâtimens, & il alloit fe rembarquer lorfqu'il fut arrêté par les plaintes des Chrétiens. Les Mufulmans, après la prife d'Alexandrie, avoient fait faifir tous les effets des Chrétiens, & avoient mis dans les fers tous ceux qu'ils avoient trouvé dans le pays. Les Vénitiens qui avoient fait une perte confidérable, en avoient porté des plaintes au Confeil du Sulthan qui avoit répondu que c'étoit en repréfailles de l'infulte & du dommage qu'on avoit fait à Alexandrie. En conféquence les Chrétiens conjurerent le Roi de Chypre de ne point faire fortir fa flotte, s'il ne vouloit faire perdre la vie à tous ceux qu'on venoit de mettre dans les fers. Alors ce Prince ordonna à fon Amiral d'aller attaquer une flotte que les Turcs envoyoient au fecours du Sulthan. L'Amiral en prit une partie, en brûla une autre, & alla attaquer le fort château de Candeloure, fur la côte méridionale de l'Anatolie, dont il ne put s'emparer. Cependant, malgré les propofitions de paix que lui faifoient les Vénitiens, le Roi de Chypre laiffa toujours fes vaiffeaux armés dans fes ports.

Ilbogha de fon côté avoit fait raffembler tous les charpentiers du Caire, & leur avoit ordonné de conftruire des vaiffeaux; il avoit donné de pareils ordres dans toute la Syrie, où l'on avoit pris tous ceux qui fçavoient couper du bois; on les avoit envoyés à la montagne de Schoglan qui eft toute couverte de grands arbres propres à la conftruction des vaiffeaux. Elle eft fituée dans les environs d'An

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tioche, d'où on tranfportoit ces bois en Egypte. Mais le Roi Apr. J. C. de Chypre qui avoit raffemblé une flotte de cent vingt-trois Schaban. voiles, ayant été battu par la tempête, le Sulthan d'Egypte qui craignoit qu'il ne fit de nouvelles tentatives confentit à faire la paix. On convint que tous les prifonniers feroient rendus de part & d'autre, que le Roi de Chypre auroit la moitié de tous les droits que les marchandifes payoient à Sour ou Tyr, à Berout, à Seid, à Alexandrie, à Damiette, à Tripoli, à Jérufalem & à Damas. Ce Droit étoit de dix deniers un. On convint encore que tout Chrétien qui auroit un paffe-port du Roi de Chypre, ne payeroit plus pour faire le pélerinage de Jérufalem les cinq florins de Florence que l'on donnoit pour racheter fa tête, & les Emirs firent ferment d'envoyer à Famagoufte la colonne à laquelle Jesus-Chrift fut attaché & flagellé. Le Roi de Chypre donna la liberté à mille Musulmans qu'il avoit dans fes prifons, & chargea fon Turcoplier, ou Général de la cavalerie légere, avec deux envoyés du Roi d'Arragon qui avoient travaillé à cet accommodement, d'aller faire ratifier L'an 1366. le traité par le Sulthan (a); mais les Mufulmans ne voulurent point le figner; ils n'avoient négocié que pour tromper le Roi, lui faire licentier fes troupes, & l'engager à contre-mander les fecours qu'il pouvoit attendre des Chrétiens, dans le deffein de tomber enfuite fur lui avec deux cens galeres qu'ils faifoient équipper.

Lorfque les Envoyés furent arrivés au Caire, ils y avoient trouvé les Emirs divifés. Thibogha, furnommé le Long, vouloit s'emparer de toute l'autorité, & Ilbogha qui s'efforçoit de l'éloigner en lui offrant inutilement le Gouvernement de Damas, fit armer la milice, & monta à cheval avec le Sulthan; l'autre fe rendit au Dôme de la Victoire avec tous fes partifans, & on s'y battit pendant une heure. Thibogha fut vaincu, fait prifonnier, & envoyé dans les prifons d'Alexandrie. Enfuite Ilbogha lui-même fut arrêté (b). Le Sulthan étoit allé avec cet Emir pour voir les vaisseaux qui étoient conftruits à Dgizé, de-là il s'étoit transporté

(a) Ils partirent le 14 Mars 1366.

(6) L'an 768, dans le mois Kabi el-akher,

Schaban.

Therané; l'Emir qui étoit fouverainement haï de fes pro- Apr. J. C. pres domeftiques qu'il faifoit punir avec trop de cruauté L'an 1366. pour la moindre faute, fut furpris par eux pendant la nuit, mais il fe fauva. Alors ces Mameluks avec plufieurs Emirs qui s'étoient joints à eux, allerent trouver le Sulthan, & fe rendirent au Caire. Ilbogha ayant été informé que le Sulthan étoit avec fes ennemis, mit fur le trône le frère de ce Prince, nommé Anouk, qui prit le titre de Manfour; il étoit alors dans l'ifle d'Aroua, ce qui fit appeller par dérifion Anouk le Sulthan de l'ifle. Schaban étoit à Boulak où fon parti ne devenoit pas le plus fort. Une partie des vaisseaux que l'on préparoit contre le Roi de Chypre, furent employés pour aller attaquer Ilbogha. Cet Emir abandonné par tous ceux qui l'avoient fuivi, fe retira dans fon palais où le Sulthan l'envoya prendre. Quelques-uns de fes Mameluks le tirerent de la prifon, & lui amenerent un cheval pour le faire fauver, mais un d'entre eux lui porta un coup de fabre & le tua. On arrêta alors plufieurs Emirs de fon parti qui furent envoyés à Alexandrie. Il y eut enfuite de fréquens changemens parmi les Emirs. Quelques Mameluks d'ilbogha voulurent exciter une fédition (a), & engager l'Emir L'an 1367. Afnadmor, Régent du Royaume, à dépofer le Sulthan. Ce Prince en ayant été informé, monta auffi-tôt à cheval avec environ deux cens perfonnes; les rebelles étoient plus de quinze cens. Afnadmor fut vaincu & fait prifonnier; le Prince lui pardonna, & le rétablit dans fa place, fe contentant de lui affocier un autre Emir nommé Khalil. Mais dès le lendemain ces deux Emirs, avec les Mameluks d'Ilbogha, confpirerent de nouveau, & le Sulthan fe vit obligé de leur livrer un combat; les deux Emirs furent pris. Il ordonna que l'on mît aux fers les Mameluks d'Ilbogha, & en envoya une partie dans la Syrie. Il prit toutes les richeffes d'Afnadmor qu'il distribua à fes Mameluks (6). Sur la fin de cette année l'Egypte fut affligée d'une grande pefte. Il mouroit par jour environ mille perfonnes au Caire. Elle dura environ quatre mois.

(a) L'an 769, dans le mois Sepher.

(b) Le 16 de Sepher.

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