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Il paffa l'été à Tauriz, & au commencement de l'au- Apr. J. C. tomne il traverfa l'Araxes (a), fur le pont de Ziaul moulk, L'an 1386. dans le territoire de Nakhdjouan. Ce pont eft un des plus Tamerlan, beaux & des plus folides qu'on ait conftruit dans l'Orient: fes pierres font jointes avec tant d'art qu'il eft difficile d'appercevoir leurs jointures. Parmi les arches de ce pont il y en a une qui a plus de foixante coudées Perfiques de largeur. Elle tient par le haut à la montagne fur laquelle elle eft appuyée. Tamerlan fe rendit maître de la citadelle de Corni, enfuite de la ville de Surmalou fituée fur le bord de l'Araxes; de-là il alla vers Cars, ville qui paffoit pour imprenable dans le pays, & qui fe foumit après quelque réfiftance (b). Cette conquête étant achevée, il entra dans la Georgie, & alla affiéger la ville de Teflis, capitale du pays. Après un affaut général cette ville fut prife, & Mepé bagrat V. Roi de Géorgie, fut fait prifonnier & conduit chargé de chaînes à Tamerlan. Ce Prince prit enfuite le divertif fement de la chaffe à la maniere des Tartares, & vint camper à Cheki. Par fes ordres le Nevian Dgihan schah alla ravager tout le pays des Lefghis; Mohammed dervisch berlas entra dans les montagnes de Cheki, où il fit beaucoup de prifonniers; Argoun fchah & Ramadhan khodgia pillerent la province de Tencgout; Mohammed bei & le Nevian Moufa, celle d'Acdgeb. Tamerlan étoit alors au mont Alburz, & tous ces Nevians vinrent le rejoindre avec leurs troupes au camp de Kabala. Il paffa le fleuve Cor ou Cyrus, & fe rendit à Carabagh, où le Roi de Géorgie embrassa à fa follicitation la Religion Musulmane, & à fon exemple la plûpart de fes fujets.

C'est dans cette expédition que Scheikh Ibrahim, Prince du Schirouan, vint trouver Tamerlan avec plufieurs préfens. Après avoir étalé devant ce Monarque toutes les raretés qu'il lui apportoit, & dont il devoit y avoir, fuivant la coutume des Tartares, neuf piéces de chaque efpece, il lui of frit huit captifs qu'il avoit achetés; comme on trouvoit qu'il en manquoit un, il dit qu'il étoit le neuvieme. Cette flatterie

(a) Les Orientaux le nomment Ou

rous.

(b) Un Turkoman nommé Phirouz bakht, y commandoit.

Apr. J. C.

plut beaucoup à Tamerlan qui le confirma dans fa PrinciL'an 1386. pauté du Schirouan Les Souverains du Ghilan qui avoient Tamerlan. été jusqu'alors indépendans, lui envoyerent auffi des préfens,

& confentirent à lui payer un tribut. Tamerlan resta pendant l'hyver fur les bords de l'Araxes: au retour du prinL'an 1387. tems (a) il marcha du côté de Berdaa, & alla affiéger la fortereffe d'Alendgic ou de Nadgia, pendant qu'une partie de fes troupes battit les Kaptchacs qui venoient de faire une irruption par le Derbend.

La Religion fervit encore de prétexte à ce Prince pour porter la guerre dans le pays des Turkomans. Ces peuples naturellement portés au brigandage, pilloient fouvent les caravannes qui alloient à la Meque; Tamerlan marcha contre eux, & ravagea tout leur pays dont Cara mohammed étoit fouverain. Arzendgiane, Erzeroum & toutes les autres villes furent prifes, & Cara mohammed obligé de fe fauver. Van & Vaftan, deux villes fituées à fix lieues l'une de l'autre, foutinrent le fiége pendant quelque tems. Malek azzeddin qui étoit enfermé dans la premiere, où il y avoit un château très-fort, bâti fur le haut d'une montagne, fortit de la place après deux jours de fiége pour aller fe rendre; mais ses sujets qui avoient honte de fon action, fe défendirent encore pendant environ trois femaines; cependant Van fut prise d'affaut, & un grand nombre de fes habitans furent précipités du haut de la montagne. Taharten qui avoit auparavant la Principauté d'Arzendgiane, ayant pris le parti d'implorer la clémence de Tamerlan, fut confirmé dans fa Principauté, & fa ville lui fut rendue. Après avoir fait rafer le château de Van, il alla à Selmaz, où il donna à Azzeddin le Gouvernement de tout le Kurdistan ; il y reçut l'hommage du Prince d'Ermitizec; enfuite paffant par Maraga il defcendit dans le Ghilan.

Ce Prince qui ne mettoit point de bornes à fon ambition, réfolut alors de conquérir la province de Fars qui a Schiraz pour capitale, & où regnoient les Modhaffériens. Il trouva bientôt un prétexte. Autrefois Schah Schadgia avoit

(6) Au commencement de l'an 789 de l'Hegire, ou du Crocodile chez les Tartares,

mis

L'an 1387.

mis fon Empire fous la protection de Tamerlan, & lui avoit recommandé fon fils Zeïnelabedin en mourant. Il fit fom- Apr. J. C. mer celui-ci de donner des preuves de fon attachement, Tamerlan. & de fe rendre en diligence à la Cour. Loin d'obéir à ces ordres, le Roi de Fars fit arrêter l'Ambaffadeur; c'étoit ce que Tamerlan défiroit le plus. Cet acte d'hoftilité le détermina à partir au plutôt (a) avec une partie de fon armée pour la Perfe, & à venir camper devant Ifpahan. Moudhaffer cafchi, oncle de Zeïnelabedin, avec les principaux de la ville, lui remit les clefs. Tamerlan entra triomphant dans Ifpahan, & fe retira d'abord dans le château de Tabarruk ; enfuite après avoir laiffé une garnifon dans la ville, il s'en retourna à son camp. Les principaux d'Ifpahan allerent le trouver pour convenir avec lui de la fomme qu'on devoit payer, & on établit par-tout des commiffaires. Tout étoit tranquille, lorfqu'un jeune forgeron du fauxbourg d'Ispahan battit du tambour pendant la nuit; à ce bruit une troupe d'habitans s'affembla, & courut dans tous les quartiers, où elle égorgea la plupart des Commiffaires & une quantité de foldats. Plus de trois mille Tartares périrent dans cette fédition. Tamerlan fut obligé de venir affiéger de nouveau Ifpahan qu'il prit d'affaut; il fit faire main-baffe fur tous les habitans, n'épargnant que ceux qui avoient donné retraite aux Tartares & les gens de Loi. Dans fa colere il obligea fes foldats à lui apporter une certaine quantité de têtes des habitans, & nomma des Officiers pour en vérifier le compte, Les foldats eux-mêmes qui eurent horreur de ce massacre, aimerent mieux acheter des têtes que de tuer tant de monde. Dans les commencemens une tête étoit vendue vingt dinars cupeghi, enfuite on la donna pour un demi-dinar. A la fin fe laffant d'en acheter, ils tuerent tous ceux qu'ils rencontroient. Soixante & dix mille têtes furent mifes en tas hors des murailles d'Ifpahan, & on en forma plusieurs tours en différens endroits de la ville (b),

Après cet horrible maffacre, Tamerlan prit la route de Schiraz. Zeïnelabedin informé de cette marche abandonna

(a) Dans l'automne de l'an 789 de l'Hegire. Tome IV

(6) Ce maffacre arriva un lundi 6 de Dzoulçaada de l'an 789 de l'Hegire. D

Apr. J. C.

L'an 1387.

fa capitale, & fe réfugia auprès de fon cousin Schah manfour qui étoit Gouverneur de Toftar (a), & depuis quelTamerlan. que tems fon ennemi. Schah manfour lui débaucha toutes fes troupes, & le fit enfuite conduire prisonnier à Toftar. Schiraz fut prife par Tamerlan (6), & tout le Royaume soumis. Schah Yahia, Prince de Jezd & neveu de Schah schadgia, Sulthan ahmed (c), Prince de Kerman, Abou ishac (d) de Sirdgian, & les Atabeks de Lor vinrent se rendre au vainqueur qui établit par tout dans ces provinces des Officiers. Une irruption que les troupes de Tocatmisch, Khan du Kaptchac, firent alors dans le Maouarennahar, l'obligea de prendre en diligence la route de Samarcande. Les Kaptchacs commandés par Bikyarok aglen, par Ilicmifch aglen & par plufieurs autres Nevians, étoient venus affiéger la ville de Sabran; la vive résistance de Timour khodgiai acbouca les avoient contraints de décamper, & le Mirza Omar fcheikh qui étoit à Andecan, ayant raffemblé toutes les troupes voifines, leur avoit livré bataille dans la plaine de Juclik à cinq lieues d'Otrar. Son courage lui avoit fait perdre la victoire : il s'étoit enfoncé fi avant au milieu des ennemis, qu'il avoit traverfé toute leur armée, & avoit perdu de vûe fes foldats qui ne le rencontrant plus, lâcherent pied & fe débanderent; il s'étoit retiré à Andecan. L'armée de Tocatmifch avoit affiégé Bokhara, dont elle n'avoit pû s'emparer; elle avoit enfuite brûlé Zendgir ferai, & pénétré jufqu'au rivage du Gihon.

Un autre événement qui demandoit la préfence de Tamerlan dans ces provinces, eft la révolte d'Ancatoura (e) qui avoit rompu la paix, & qui étoit parti du Mogolistan à la tête d'une armée, avec laquelle il s'étoit rendu dans les environs de Seiram & de Tafchkunt. Omar scheïkh, fils de Tamerlan, s'étoit auffi-tôt mis en marche, & avoit rencontré les ennemis devant Acfiket. Mais Ancatoura laiffant dans fon camp mille hommes, auxquels il avoit ordonné

(a) On la nomme encore Schufchtar.

I

(b) Le 1 de Dzoulhedgé de l'an 789 de l'Hegire.

(c) Frere de Schah Schadgia,

(d) Petit-fils de Schah Schadgia.
(e) Neveu de l'Emir Hadgi bei irka

nout.

L'an 1387.

de faire des feux en beaucoup d'endroits, afin de faire croire
qu'il y étoit encore, trouva le moyen de tromper Omar Apr. J. C.
fcheikh & de paffer le Gihon. Ce dernier le rejoignit peu de Tamerlan.
tems après, & ils en vinrent aux mains. Omar fcheikh fut
obligé de fe retirer à Andecan, où il fut pourfuivi par fon
ennemi qui fe difpofa à faire le fiège de cette place. Il se
donna là un nouveau combat, après lequel Ancatoura s'en
retourna avec perte dans fon pays. Tamerlan qui étoit à
Schiraz, ayant été informé de ces événemens, détacha quel-
ques troupes pour aller devant lui, & après avoir réglé
toutes les affaires de Fars, il prit fa route vers Samarcan-
de (a). A fon arrivée dans cette ville il fit faire le procès L'an 13881
aux Officiers qui avoient été à la bataille de Juclik. Berat
khodgia coukeltafch qui fut accufé de lâcheté, fut condam-
né à avoir la barbe rafée, le vifage fardé avec de la cérufe
& du vermillon, & à être conduit pieds nuds dans la ville
ayant fur la tête une coëffure de femme. On récompenfa
ceux qui avoient donné des preuves de leur courage.

Après avoir féjourné pendant quelque tems dans Samarcande, Tamerlan prit avec fon armée le chemin du Kharizme (b), où les Kaptchacs étoient entrés, mais ceux-ci s'étant retirés à fon arrivée, il fe contenta d'envoyer fon fils Miran fchah qui les pourfuivit & les tailla en piéces. Il s'arrêta quelques jours dans la capitale du Kharizme, dont il fit transférer tous les habitans à Samarcande; après quoi il rafa cette grande ville, & y fit femer de l'orge afin que fon nom même fût aboli. La maxime de ce Conquérant étoit de porter par-tout la terreur, il prétendoit mettre la paix dans le monde en le ravageant tout entier; c'eft pour parvenir à rendre les hommes heureux, & à mériter le titre de pere des peuples, qu'il donnoit de fi grands exemples de cruauté, & qu'il entreprit quelque tems après de porter la guerre dans le Kaptchac. Il envoya dans le Kharizme Mireké, un de fes Officiers, pour repeupler ce pays, & environner de murailles les villes de Kaht, de Kaïouk, & toute la partie du Kharizme qui relevoit de l'Empire du Zagatai.

(a) L'an 790 de l'Hegire, à la fin de Mouharram.

(6) L'an 790 de l'Hegire, ou du Cro codile,

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