Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Jean de

Luca.

des Tatars

qui demeuroient aux environs du Lac Païkal. Plufieurs bandes de ces Tartares ont paffé dans la fuite à l'Occident de Apr. J. C la Mer Cafpienne, où ils demeurent encore. On ignore le tems de leur migration, mais il paroît vraisemblable qu'ils Hift. géné. y font venus avec les Mogols. Ils ont beaucoup de reffem- Lamberti blance avec les Tartares Nogaïs, autre branche de Mogols; ils n'habitent que dans les endroits les plus épais des forêts, & dans quelques villages, où ils fe retranchent. Les uns font Chrétiens, les autres Mufulmans, mais tous fort ignorans. Ils font un grand trafic d'efclaves, & la beauté de leurs femmes engage fouvent les Nogaïs à faire des courses dans leur pays. Leurs chevaux font très-eftimés, comme l'étoient ceux des Kerkis de la Sibérie qui faifoient des courses extraordinaires.

Aintabi

Pendant le regne des Mameluks Turcs en Egypte, il fe Barkok. faifoit un grand commerce d'efclaves de cette nation. Bar- Aboulma kok qui étoit de la Horde de Kefa, fut pris en Circaffie & hafen. conduit en Crimée, où il fut acheté par un homme appellé Othman, qui l'amena en Egypte & le vendit à l'Emir Ilbogha (a). Après que cet Emir eût été tué, & qu'une partie de fes Mameluks eut été difperfée, Barkok & Bereké avec le refte furent mis dans les prifons. Ces deux Mameluks ayant été remis en liberté, ils pafferent au service de l'Emir Mandgiac, Gouverneur de Damas. Barkok refta pendant deux ans dans le pays, c'est-à-dire, jufqu'au tems que le Sulthan Schaban fit revenir en Egypte les Mameluks d'Ilbogha; il entra alors au fervice des enfans du Sulthan. Dans la difpute d'Inbegh & de Cortai il fe déclara pour le premier qui fut vainqueur,& qui lui donna une place d'Emir dans la Thubalkhané. Il fe révolta enfuite contre Inbegh, & fe fit avec Bereké qui lui avoit toujours été affocié, Chef de mille hommes, & enfin grand Ecuyer. Bien-tôt après l'un & l'autre s'emparerent de toute l'autorité. Barkok prit pour lui la charge d'Atabek des armées, & Bereké celle de Chef de tous les Gouverneurs de province. Mais la divifion s'étant mise entre eux, Barkok fe défit de Bereké & s'empara du trône (b), du L'an 1382

(a) L'an 764 de l'Hegire, de J. C. 2304

(b) Un mercredi 19 de Ramadhan de l'an 784

Barkok.

confentement du Khalif Motaouakkel, de tous les Cadhis, Apr. J. C. L'an 1382, du Scheikh el iflam ou Moufti, & après eux des Emirs. Il reçut la patente du Khalif, & fut furnommé Dhaher, c'està-dire,l'Illuftre. Cette nouvelle fut portée dans toutes les provinces de l'Empire. Il diftribua toutes les Charges entre les Emirs, & récompenfa ceux qui avoient contribué à son élévation. Il y eut cependant une révolte à Ablestaïn; Altoun bogha qui en étoit Gouverneur, s'enferma dans le château de Daranda, mais Ilbogha, Gouverneur d'Alep, qui alla auffi-tôt faire le fiége de cette place, obligea ce rebelle de fe fauver chez les Tartares. Altoun bogha difoit publiquement qu'il ne vouloit point avoir pour maître un Circaffien.

L'an 1383.

Le Nil étant alors parvenu à fon plus grand accroiffement (a), le Sulthan renouvella une cérémonie qui avoit été négligée depuis le régne de Bibars. Il defcendit du Château de la montagne avec un grand cortége, paffa le Nil, & après avoir mefuré quelle étoit la hauteur de ce fleuve au Mikias, il alla ouvrir le Khalidge, ou canal, qui fert à la décharge des eaux. On n'ignore pas que l'abondance ou'la ftérilité de l'Egypte dépendent de la hauteur des eaux du Nil. De tout tems les Souverains de ce pays ont eu foin d'élever en plufieurs endroits des colonnes, destinées à faire connoître chaque jour fes différens accroiffemens, on les appelloit des Nilométres, & les Arabes leur donnent le nom de Mikias, c'est-à-dire, l'inftrument avec lequel on mefure. Il Fourmont. y en avoit alors un magnifique dans l'ifle de Rhoda située Defcript. de l'Egypte au milieu du Caire. C'eft un puits de figure quarrée, dont Thévenor chaque face a dix-fept pieds de France; au-dehors de ce puits régne une galerie foutenue par huit colonnes de marbre blanc, d'ordre Corinthien, qui ont chacune huit pieds de hauteur; en-dedans eft un escalier par lequel on defcend jufqu'au fond du puits qui eft fi bien nivelé, que l'eau n'est ni plus haute ni plus baffe que le lit du fleuve. Au milieu eft une colonne de marbre blanc, fur laquelle font tracées les différentes meftres qui fervent à faire connoître l'accroiffement du Nil qui entre & fort par deux voutes différentes.

(a) Le 28 de Dgioumadi el aoual de l'an 785, qui répond au 6 de Mefri, un des mois Egyptiens.

18

Depuis le 16 ou le 20 du mois de May l'eau commence Apr. J. C. toujours à croître, le 28 ou le 29 de Juin on commence à examiner fon accroiffement, & on le publie tous les jours Barkok. par tout le Caire. Lorfqu'il eft parvenu à une certaine hauteur qui dénote l'abondance, & qui arrive ordinairement le 14 du mois d'Août, tous les Grands assemblés, vont faire, avec beaucoup de cérémonies, l'ouverture du khalidge pour y faire écouler les eaux. Cette cérémonie annonce que l'année fera bonne, & le peuple fait de grandes réjouiffances. Autrement lorsque le Nil ne monte pas affez haut, on eft menacé d'une difette. Auffi tous les habitans font-ils intéreffés à connoître les différens degrés de l'accroiffement, & les Hiftoriens ont foin de marquer à la fin de chaque année quelle a été la plus grande hauteur du fleuve.

Le Sulthan fut enfuite informé (a) que le Khalif Motaouakkel, avec l'Emir Carath le Turkoman, devoit, avec environ huit cens cavaliers, le venir attaquer dans le tems qu'il fortiroit du château pour aller au meidan ou place.publique ; que leur dessein étoit de le tuer, & de mettre fur le trône le Khalif. Il fit venir en fa préfence les conjurés & principalement le Khalif qui furent convaincus; Carath & İbrahim furent mis aux fers. A l'égard du Khalif, le Sulthan fit affembler les Cadhis pour fçavoir d'eux s'il étoit permis de le faire mourir; on décida que non, on fe contenta de l'enchaîner dans un endroit du château, & on mit à fa place Ouathec.

Tamerlan venoit alors de chaffer de Tauriz l'Emir Cara mohammed qui s'étoit retiré à Malathie avec deux cens cavaliers, & Emed avoit été prife par les Tartares. Barkok justement allarmé pour fes Etats, fit affembler les Cadhis, les Docteurs & les Emirs (b), auxquels il propofa, vû le L'an 13&76 petit nombre des troupes & l'épuifement dans lequel étoit le tréfor, de prendre tous les legs pieux & les biens qui avoient été légués en faveur de la Religion. Quoiqu'on eût eu déja recours, dans de femblables occafions, à ces fortes de biens, cette propofition foufirit beaucoup de conteftations. (a) Au commencement de Redgeb (b) Dans le mois Dgioumadi el akher de l'an 785. de l'an 789.

Barkok,

Barkok vouloit qu'on fe hâtât de les diftribuer à la milice. Apr. J. C. L'an 1387. Ce projet cependant fut abandonné, & on convint de n'envoyer que quatre Emirs, Commandans de mille hommes, auxquels on joignit trois cens cavaliers de la Halca. Tous fe rendirent à Alep (a), où commandoit alors Soudoun (b) qui venoit d'apprendre, qu'après un combat qui s'étoit donné entre Cara mohammed & Tamerlan, ce dernier avoit repris la route de fes Etats. Cette armée fe contenta d'aller dans le Diarbekr, & rentra. peu de tems après dans les villes de Syrie, où fa préfence devint néceffaire. L'Emir Timour bogha (c), plus connu fous le nom de Mantasch, Gouverneur de Malathie, venoit de fe révolter. Il étoit foutenu par le Cadhi Borhaneddin ahmed, maître de Siouas, par le Turkoman Cara mohammed, par le Gouverneur de Bira, & par un grand nombre de Mameluks & de Turkomans. Le Sulthan fit auffi-tôt partir le Dewdar Malek timour avec une fomme confidérable pour diftribuer aux troupes.

Dans cet intervalle le Caire & tous les environs furent affligés d'une pefte qui fit périr beaucoup de monde (d). CeL'an 1388. pendant l'armée de Syrie s'étoit mise en marche du côté de Siouas, & ayant défait les troupes qui y étoient, les habitans de cette ville avoient imploré le fecours des Tartares qui y étoient venus au nombre de foixante mille hommes, mais ils avoient été vaincus par l'armée de Syrie qui faifoit alors le fiége de Siouas. Le Sulthan envoya à cette armée cinquante mille piéces d'or (e). Le fiége de cette ville traînant trop en longueur, l'armée se disposa à décamper. Alors les Tartares tentereift de la furprendre par derriere, mais ils furent repouffés avec une perte considérable; on leur fit un très-grand nombre de prifonnièrs, & on leur prit environ dix mille chevaux. L'armée s'en retourna enfuite à Alep & les troupes d'Egypte revinrent au Caire (f), où l'on fit de grandes réjouiffances à l'occafion de cette victoire. Cependant il y eut encore d'autres révoltes dans la Syrie.

(a) Ils partirent du Caire au commencement de Redgeb.

(b) Surnommé el Modhafferi.

Surnommé el Afdhali el Afchrafi,

(d) Dans le mois Rabi elaoual de l'an 790.

(e) Le 27 de Dgioumadi elakher. (f) Le 3 de Schaban de l'an 790.

Le

[ocr errors]

L'an 1388.

Le Gouverneur de Damas, nommé Altoun bogha (a), prit les armes, mais il fut arrêté prefque auffi-tôt. Le Sulthan Apr. J. C. fit prendre dans le même tems plufieurs autres Emirs & Barkok. indifpofa par-là contre lui le peuple. D'un autre côté ce Prince apprit (6) que Cara mohammed, après s'être emparé de Tauriz, offroit de fe foumettre à lui, de faire battre la monnoie à fon coin, de faire prononcer fon nom fur les tribunes, & qu'il demandoit d'être fait Gouverneur de cette ville pour les Egyptiens. Le Sulthan y confentit. Mais la multitude des Emirs qu'il avoit fait arrêter fans fujet, lui fufcitoit de toutes parts de nouveaux ennemis. Ilbogha (c), Gouverneur d'Alep, fe révolta (d). Le Sulthan s'appliqua L'an 1389. à fe concilier les Emirs du Caire en fe raffemblant avec eux, & en leur donnant des fêtes. Il envoya enfuite des préfens à l'Emir Ilbogha, & le pria de venir au Caire pour délibérer avec lui fur l'affaire de Mantafch. Ilbogha qui craignoit qu'on ne le fit arrêter, prétexta les mouvemens des Turkomans & la révolte de Mantasch pour refter en Syrie. Le Sulthan fit partir l'Emir Malek timour avec de nouveaux préfens pour Ilbogha, & le chargea fecrettement de l'arrêter & de le faire mourir. Un Mameluk d'Ilbogha, qui étoit alors au Caire pour engager les Emirs d'Egypte à fe déclarer en faveur de fon Maître, fut inftruit de cet ordre, & fe hâta d'en informer Ilbogha. En effet, lorsque Malek timour approcha d'Alep, le Gouverneur qui avoit pris toutes fes précautions, alla au-devant de lui felon l'ufage, parut être foumis au Sulthan, reçut les préfens, & conduifit l'Emir au palais d'Alep, où il avoit fait affembler les Emirs & les Cadhis pour entendre les ordres du Sulthan. Soudoun, Atabek d'Alep, qui connoiffoit le courage d'Ilbogha & de fes Mameluks, refufa d'abord de fe trouver à cette affemblée, dans laquelle il prévoyoit qu'il y auroit du fang de répandu. Cependant y ayant été de nouveau invité, il s'y rendit avec des armes fous fes habits parce qu'il craignoit Ilbogha. Lorsqu'il entra fous le portique du palais,

(a) Surnommé el Dgioubani,
(b) Le z de Dzoulcaada.
(c) Surnommé el Naferi.

Toin. IV.

(d) Dans le mois Mouharram de l'an

791.

Kk

« AnteriorContinuar »