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Apr. J. C.

Barkok.

l'Emir Cazan, grand Ecuyer d'Ilbogha, lui découvrit les L'an 1389. épaules, & faifant voir par-là qu'il étoit armé, il tira auffi-tôt fon épée dont il le frappa. Tous les Mameluks d'Ilbogha mirent le fabre à la main & tuerent Soudoun. Les Mameluks des deux partis fe battirent pendant une heure; Ilbogha fit arrêter plufieurs Emirs, & courut s'emparer du château. Enfuite il engagea dans fon parti les Turkomans & les Arabes, & écrivit à l'Emir Mantafch qui fe rendit auffitôt auprès de lui. Malak timour s'en revint au Caire avec cette mauvaise nouvelle (a).

Le Sulthan crut qu'il étoit néceffaire de mettre un autre Gouverneur dans Alep, & nomma Inal, Atabek de Damas, pour aller remplacer le rebelle; enfuite il fit affembler les Emirs au Château de la montagne, & tint conseil avec eux fur la révolte d'Ilbogha. On convint d'envoyer dans ce pays une armée, mais auparavant le Sulthan fe fit prêter de nouveau ferment fous une tente magnifique qui avoit été dreffée dans le meïdan, & leur donna un grand feftin. Il s'étoit à peine affuré de la fidélité de ces Emirs, qu'il arriva de Damas un courier (6) qui apportoit la nouvelle que les Emirs Carabogha, Bazlar, Timourtafch, Camfbogha & autres, avec un grand nombre de Mameluks, s'étoient raffemblés à Tripoli, avoient arrêté Afnadmor Gouverneur de cette ville, avoient tué plusieurs Emirs, & s'étoient enfuite foumis à Ilbogha. Pendant que l'on faifoit partir les troupes d'Egypte, on apprit encore que les Mameluks de Soudoun (c), Gouverneur de Hama, avoient confpiré contre cet Emir, & que cette ville avoit été livrée à Ilbogha. Tant de fâcheufes nouvelles déconcerterent le Sulthan qui fit diftribuer aux foldats de nouvelles fommes, pour les engager à prendre fa défense. Par ordre de Barkok le Gouverneur du Château de la montagne alla arrêter le Khalif Motaouakkel dans fon palais, & le tranfporta dans une tour du château, où on se retint fort ferré, afin qu'il n'eût de communication avec perfonne. Mais on le remit le lendemain en

(a) Le 19 de Sepher.

(b) Le 24 de Sepher.

(c) Surnommé el Othmani, & diffe

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rent de Soudoun el modhafferi qui avoit été tué.

liberté par le confeil des Emirs. On fit enfuite arrêter tous les enfans des Sulthans (a), & il ne fut pas permis de s'informer de ce qu'ils étoient devenus.

Barkok fit une nouvelle diftribution à la milice; dans la précédente il avoit donné à chaque Mameluk cinq mille drachmes d'argent, dans celle-ci il leur en donna à chacun mille, outre les chevaux, les chameaux & les armes. Les Chefs eurent plusieurs chameaux, des filles efclaves & plufieurs autres chofes. Enfuite il tint une affemblée dans une Mosquée hors du château; le Khalif s'y trouva, & le Sulthan lui fit beaucoup de careffes, & lui donna dix mille drachmes avec plufieurs autres préfens. Cependant on apprit encore que le refte des Emirs de Syrie & les Mameluks, les Chefs des Turkomans & des Arabes venoient de fe foumettre à Ilbogha, & que la plupart des châteaux, excepté ceux de Damas, de Baalbek & de Krak, s'étoient rendus aux rebelles. Cette nouvelle répandit le trouble dans tout le Caire. L'armée en partit auffi-tôt (b), & se rendit à Redanié. Afin de mettre le peuple dans fon parti, le Sulthan abolit plufieurs impôts, mais le nombre des rebelles augmentoit tous les jours. Kamfbogha, Gouverneur de Baalbek, & plufieurs Emirs de Damas, avec tous leurs Mameluks, venoient de se joindre à eux.

D'un autre côté, Cara mohammed & Iffa (c), Roi de Maredin, firent offrir leurs fecours au Sulthan, & marcherent vers Khabour, dans le deffein d'aller attaquer les rebelles. L'armée d'Egypte qui avoit paffé par Ghaza, se rendit à Damas (d), peu de tems avant l'arrivée d'Ilbogha qui étoit en marche pour venir furprendre cette ville. Les Mameluks du Sulthan, par les défordres qu'ils commirent dans cette ville, indifpoferent fi fort les habitans, que ceux-ci fongerent à les chaffer & à fe révolter contre le Sulthan. Ils étoient dans cette difpofition, lorfqu'ils apprirent l'arrivée d'Ilbogha dans les environs de Damas (e). L'armée fortit auffi-tôt pour aller au-devant des rebelles. Il fe donna un

(4) Le 2 de Rabi elaoual. (b) Le 14 de Rabi elaoual.

(c) Surnommé Dhaher madgededdin.

(d) Un lundi 7 de Rabi elakher.
(e) Le 19 de Rabi elakher.

L'an 1389.
Apr. J. C.

Barkok

L'an 1389.
Barkok.

violent combat, l'armée Egyptienne remporta la victoire. Apr. J. C. Les rebelles s'étant ralliés, ils furent vaincus une feconde fois. Mais dans un troifieme combat plufieurs des Emirs s'étant retirés auprès d'Ilbogha, les Egyptiens furent défaits & obligés de prendre la fuite. Les Turkomans & les Arabes poursuivirent les fuyards & en firent un grand carnage; toute l'armée d'Egypte fut diffipée, & Itmifch, un des Généraux, alla fe renfermer dans le château de Damas, où il fe fortifia. Le vainqueur s'approcha fur le champ de cette ville, s'empara du château, & fit prifonniers l'Emir Itmisch, & Taranthai, Gouverneur de Damas. 11 prit la plupart des -autres Emirs & des Mameluks.

Barkok informé de cette fâcheufe nouvelle, fe tranfporta auffi-tôt à l'Ayouan du Château de la montagne, où il tint confeil avec tous fes Emirs, & il fut arrêté qu'on enverroit une feconde armée contre les rebelles; il fit de grandes diftributions d'argent aux Officiers & aux foldats, car en tout autre tems ils n'étoient payés qu'en denrées. Il fit partir fes propres Mameluks, quoiqu'ils reftaffent toujours auprès des Sulthans. On apprit pendant ce tems-là que Ghaza & Ramla venoient de tomber fous la puiffance des rebelles. Barkok fit de nouveau rassembler les Cadhis & les Emirs, & en leur préfence fe fit prêter ferment de fidélité par le Khalif, auquel il fit enfuite de riches préfens, augmenta fes revenus, & lui donna un appartement dans le Château de la montagne. Malgré toutes ces précautions, le peuple s'appercevoit facilement que Barkok alloit être détrôné. Le Khalif, par ordre du Sulthan, monta à cheval avec les Cadhis, le Moufti & plufieurs Emirs, publia (a) dans tout le Caire que le Sulthan aboliffoit tous les impôts, exhorta le peuple à avoir confiance en Dieu & à refter fidele au Prifice. Il lut un écrit, par lequel on rendoit compte de toutes les démarches qu'on avoit faites pour engager les rebelles à rentrer dans le devoir, & on publia les excès qu'ils 'avoient commis, & le refus qu'ils avoient fait d'accepter la paix qu'on leur offroit. Tout le peuple fut allarmé de ce

(a) Le 6 de Dgioumadi elaqual,

qu'on lui apprit dans cette occafion; il commença à défef- Apr. J. C. pérer pour Barkok, & fe prépara dès ce moment à recevoir L'an 1389 le rebelle. Les Grands virent dès-lors que Barkok ne refte- Barkok roit pas long-tems fur le trône.

Le Sulthan fit rétablir toutes les fortifications, & rassembler les provisions néceffaires pour foutenir un fiége. Il étoit extrêmement affligé de voir le peuple affez indifférent à fon égard. La canaille attendoit avec impatience le moment de la fédition pour piller; tout le monde craignoit pour foi. On ne pouvoit plus recevoir de nouvelles de Syrie, parce que Ghaza étoit prife; Krak étoit auffi tombée fous le pouvoir des rebelles. Les Emirs & toute la milice qui devoient aller en Syrie, étant fort peu attachés au Sulthan, ce Prince crut devoir faire venir de la Thébaïde un fecours d'Arabes qu'il fit camper au pied du château. Il fit creufer un large foffé, fortifier les portes du château, appellées la porte de Courafa, d'Haras & de Darfil, fermer les autres endroits, & rendit (a) à Motaouakkel le titre de Khalif, dont il -P'avoit dépouillé quelque tems auparavant. On fit faire des prieres publiques pour la profpérité des armes du Sulthan; on nomma des Officiers à la place de ceux qui avoient été tués par les rebelles; on tranfporta toutes les machines fur les murailles du château; tous les foldats de la Halca qui avoient des chevaux, eurent ordre de monter à cheval. Au milieu de tous ces troubles la pefte ravageoit le Caire.

Ilbogha & Mantafch après s'être emparés de Damas, avoient fait publier dans toute la Syrie que les Gouverneurs de province avec leur milice fe rendiffent dans cette ville; les Kurdes, les Turkomans, les Arabes, & un nombre infini de foldats s'y étant raffemblés, ils prirent le chemin de l'Egypte. Ils apprirent à Ghaza que Barkok, loin de venir au-devant d'eux, s'étoit fortifié dans le château; de-là ils fe rendirent à Cathia, où plufieurs Emirs du Caire vinrent les trouver. Ils enleverent un parti qui venoit à la découverte. Le jour même que ces Emirs fortirent du Caire, Barkok fe rendit à l'Ayouan (b), & diftribua lui-même à chaque

(a) Le to de Dgioumadi elaoual,

(6) Le 28 de Dgioumadi elaoual.

L'an 1389.

Barkok.

Mameluk 500 drachmes d'argent, les exhorta à faire leur Apr. J. C. devoir, & leur donna jufqu'à fes propres chevaux. Il fit diftribuer à la populace des fommes confidérables pour la contenir. Les rebelles s'étoient emparés de Salehia plufieurs bandes d'Arabes étoient venues les joindre. Ils fe repoferent en cet endroit, parce qu'ils étoient extrêmement fatigués. Ils avoient jufqu'alors appréhendé d'y trouver des troupes, & il paroît que fi le Sulthan eût fait partir fon armée, les rebelles qui étoient très-affoiblis, auroient été battus. Ce Prince envoya l'Atabek Caratimourtasch à la découverte du côté du Birket el habsch, dans la crainte que les ennemis ne vinffent par Ithphih, & l'Emir Cahmas dans les prairies. Il fit une nouvelle diftribution d'argent à la milice, fit venir d'Alexandrie des archers à pied. Il étoit pendant ce tems-là fort inquiet aux Ecuries, d'où il envoyoit Touvent au Dôme de la Victoire des Emirs, pour voir ce qui fe paffoit. Plufieurs de fes Mameluks & des Emirs après avoir reçu l'argent qu'il leur fit donner, fe retirerent du côté des rebelles qui étoient arrivés à Pélufe; & lorfque ceux-ci fe furent rendus à Birelbaïdha ou le puits blanc, la plus grande partie de l'armée de Sulthan fe débanda, & alla fe joindre à eux. Comme les ennemis approchoient de plus en plus, toute la milice du Caire prit les armes. Enfin Ilbogha parut au Birket el dgiab, proche du Caire. On ferma toutes les portes de cette ville, excepté celle de Zavila, la populace commença à fe révolter & à piller de tous côtés; le Sulthan fe montra dans les rues pour arrêter ce défordre. Plufieurs Emirs l'abandonnoient tous les jours, & il n'en refta auprès de lui qu'un petit nombre qu'il s'efforça de retenir en leur prodiguant fes tréfors. Le trouble étoit fi grand dans la ville, que les prifonniers forcerent les portes de leurs prifons, & fe répandirent par-tout; quelques Mameluks qui vouloient empêcher que la populace fe joi gnît aux rebelles, furent lapidés.

Barkok abandonné par tout le monde, voulut aller fe rendre, mais quelques-uns l'arrêterent en lui proteftant qu'ils combattroient jufqu'à la mort. Quinze cens hommes des plus braves de l'armée d'Ilbogha s'étant présentés devant le

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