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L'an 1398.

de Dehli fe fervoient pendant le refte de l'année. Au bord de ce baffin étoit le tombeau du Sulthan Phirouz schah. Apr. J. C. Mahmoud & le Général Mellou khan voyant qu'il ne Tamerlan. leur reftoit plus de reffource, abandonnerent Dehli pendant la nuit, & fe retirerent dans les deferts. Pendant que quelques partis Tartares les pourfuivoient, Tamerlan entra dans cette capitale, & s'affit fur l'Aïdgiah qui eft le trône des Empereurs des Indes. Il donna une grande fête à toute fon armée. Ensuite il fit fortir tous les éléphans & les rhinoceros dont il fit préfent à différens Princes. Ses Officiers firent un état de ce que chaque habitant devoit donner pour le rachat de fa vie, & d'autres furent chargés de la recette. Pendant que l'armée fe livroit aux plaisirs, une troupe de foldats Tartares s'approcha (a) d'une porte de Dehli, & infulta les habitans du fauxbourg; mais ce premier tumulte étant appaifé, les Sulthanes, femmes de Tamerlan, ayant envie de voir cette belle ville & principalement un fuperbe palais qui étoit orné de mille colonnes (b), elles entrerent avec toute leur cour, la porte de la ville fut ouverte, & quinze mille Tartares y pénétrerent fans qu'on s'en apperçût. Un plus grand nombre qui étoit dans une grande place entre Dehli, Seiri & Dgihan penah, ce font les trois villes qui forment ensemble celle de Dehli, infulterent tellement les Ghebres, que ceux-ci réduits au défefpoir tomberent fur ces Tartares; d'autres mirent le feu à leurs maisons, où ils fe brûlerent avec leurs femmes & leurs enfans: les Tartares augmenterent ce défordre en pillant, & en faifant entrer de nouvelles troupes qui étoient chargées de chaffer de Dehli les habitans des villes & des villages d'alentour qui s'y étoient retirés. Les Officiers Tartares firent fermer les portes pour empêcher que le refte n'entrât, mais ils ne purent arrêter le défordre caufé par les premiers, & Dehli fut entiérement livrée au pillage. Il fe trouva des foldats qui avoient chacun jufqu'à cent cinquante efclaves, hommes, femmes & enfans. Des goujats même en avoient jufqu'à vingt. Le butin fut immenfe & ne put être évalué, puifque

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les femmes & les filles de ce pays étoient chargées de pier Apr. J. C. reries aux pieds & aux mains.

L'an 1398.

Tamerlan.

Deux jours après (a) le vieux Dehli éprouva le même fort. Un grand nombre de Ghebres s'étoient retirés dans une mosquée, où ils étoient réfolus de fe défendre; les Tartares y entrerent le fabre à la main & les taillerent en piéces les autres habitans furent chargés de chaînes, & conduits hors de la ville, où chaque Officier Tartare en prenoit une troupe pour fon fervice. Les artifans furent partagés entre les Princes, & les tailleurs de pierre furent conduits à Samarcande pour y bâtir une mosquée. Tel fut le fort de la capitale des Indes qui eft formée de trois villes. Celle de Seiri eft environnée d'une muraille, le vieux Dehli qui eft plus vaste, eft de même, & depuis le mur de Seiri fitué au Nord-Eft jufqu'à celui du vieux Dehli qui eft au SudOuest, on a tiré un mur de chaque côté, & c'est cet intervalle, plus grand que le vieux Dehli, qui forme la ville de Dgihan penah. Seiri a trois portes qui donnent entrée dans Dgihan penah, & quatre autres qui conduifent dans la campagne. Dgihan penah a treize portes, fix au NordOueft, & fept au Sud-Eft.

Tamerlan laiffa un Gouverneur dans Dehli, & marcha vers Phirouz abad qui n'en eft éloignée que de trois milles. Il s'arrêta pendant une heure pour confidérer les endroits délicieux de ce beau féjour; & en fortant il trouva quelques-uns de fes Officiers qu'il avoit envoyés en qualité d'Ambassadeurs vers la ville de Coutelé. Ceux-ci lui apprirent que Bahadour nehar qui regnoit dans ces quartiers, devoit venir dans peu baifer la terre devant lui. En effet les Ambaffadeurs de ce Prince lui préfenterent bientôt après deux perroquets blancs qui depuis le regne de Toglouc fchah étoient reftés dans les antichambres des Rois de l'Inde ; plus loin il rencontra Bahadour nehar qui lui apportoit de riches préfens. Il marcha enfuite vers la ville de Mirth qui eft une des plus fameufes places de l'Empire des Indes, où plufieurs Ghebres s'étoient fortifiés. Ils avoient tant de

(a) Le 19 de Rabi elakher.

Tamerlan.

confiance dans cette place, qu'ils répondirent avec fierté Apr. J. C aux fommations de Tamerlan, qu'autrefois Turmefchirin, L'an 1398. Khan du Zagatai, n'avoit pû prendre cette place, & qu'ils efpéroient qu'il en feroit de même dans cette occafion. Tamerlan irrité fit miner les murailles (a). Dès le lendemain les travaux furent tellement avancés que l'on monta à l'affaut. Un jeune homme rempli de courage & de hardieffe, jetta une corde aux créneaux, & monta le premier fur la muraille, on s'empreffa de le fuivre; les Tartares, maîtres de la muraille, entrerent dans la ville le fabre à la main, & fe faifirent du Gouverneur. Tous les Ghebres de cette ville furent écorchés vifs, leurs femmes & leurs enfans faits efclaves, & la ville réduite en cendres.

Après la réduction de cette place, le Névian Dgihan schah s'embarqua fur la riviere de Jaoun avec des troupes, & alla ravager tous les pays occupés par les Ghebres, pendant que Tamerlan prit la route vers le Gange. Ce Prince fe rendit à Phirouz nour (b), fur le bord occidental de ce L'an 1399. grand fleuve, & après avoir fait trois milles, il arriva au påsfage ordinaire qui cependant eft fort difficile & fort dangereux. Plufieurs cavaliers le pafferent à la nâge; malgré le danger qu'ils avoient couru, Tamerlan voulut les fuivre; mais fes Officiers le fupplierent de ne pas fe rifquer: quelques troupes pafferent, il fe contenta de côtoyer le rivage, & marcha vers Toglouc pour. Il avoit fait à peine quinze milles, qu'on découvrit de l'autre côté du rivage un nombre infini de Ghebres. Tamerlan détacha cinquante mille hommes de cavalerie pour les diffiper, & continua fa route vers Toglouc pour. Il lui furvint en chemin une tumeur qui l'incommoda beaucoup, mais qui fe paffa. Une multitude de Ghebres montés fur quarante-huit batteaux, s'avancerent alors fur le Gange pour attaquer les Tartares. Ceux-ci fe jetterent à la nâge, & les accablerent de leurs fleches; plufieurs même gagnerent jufqu'aux batteaux, dans lefquels ils entrerent, & dont ils fe fervirent, après avoir tué tous les Ghebres, pour aller attaquer dix autres batteaux encore remplis de

(a) Le 29 de Rabi clakher.

(b) Le a de Dgioumadi elaoual,

Apr. J. C. l'an 1399. Tamerlan.

Ghebres déterminés à foutenir un combat, mais qui furent vaincus.

Tamerlan arriva enfin à Toglouc pour (a), où il apprit qu'un corps de fes troupes avoit trouvé un paffage facile fur le Gange, & que de l'autre côté on avoit rencontré un grand nombre d'Indiens armés qui avoient pour Chef Mobarek khan. Ce Prince traversa auffi-tôt le Gange avec mille maîtres, & alla au-devant des ennemis qu'il trouva rangés en bataille. Ils avoient environ dix mille cavaliers & quelque infanterie, & paroiffoient réfolus de fe défendre jufqu'à l'extrémité. Tamerlan qui n'avoit qu'un petit nombre de troupes, paroiffoit fort inquiet fur le fuccès de ce combat, lorfque de nouvelles troupes qui étoient allées en course le joignirent par Itafard: ce renfort venu fi à propos le mit en état de ne plus craindre les ennemis. Ceux-ci qui s'imaginerent que fa petite troupe n'étoit que l'avant-garde de fa grande armée, prirent l'épouvante, & allerent fe cacher dans les forêts, où la plus grande partie fut tuée par les Tartares. Tamerlan marcha enfuite vers le détroit de Coupelé fitué fur le bord du Gange, où il défit une grande quantité de Ghebres qui y étoient affemblés; mais il y courut le plus grand danger, & fut furpris dans le tems qu'il n'avoit que cent hommes de fa garde autour de lui. Il y avoit encore dans ce détroit, qui étoit éloigné de deux milles de l'endroit où l'action s'étoit donnée, beaucoup de Ghebres qui étoient retranchés dans des bois fort épais. Il s'approcha de ce défilé, & détruifit tous les Ghebres fur lefquels il fit un grand butin. Il avoit donné trois batailles dans un feul jour.

Le détroit de Coupelé eft fitué au pied d'une montagne, où paffe le Gange, & à quinze milles plus haut il y a une vache de pierre d'où fort, à ce que l'on prétend, la fource de ce grand fleuve; mais il eft certain qu'il vient de plus loin, & qu'il part des montagnes du Tibet. Tous les habitans du pays ont beaucoup de respect pour cette vache, & se tournent de ce côté pour faire leur priere. Tamerlan se

(b) Le 4 de Dgioumadi elaoual.

rendit

Tamerlan.

rendit jufqu'à ce détroit, & acheva d'exterminer tous les Ghebres qui s'y étoient retirés. A fon retour il fit marcher L'an 1399. Apr. J. C. toutes les troupes vers le mont Soualec (a), où il avoit appris qu'il y avoit un grand nombre d'Indiens & de Ghebres affemblés fous les ordres de Bihrouz, un des Rayas du pays; il les défit tous, & alla enfuite à Bekeri, autrement Meliapour, paffa le Jaoun (b), & battit le Raya Ratan qui s'étoit retranché dans les montagnes de Soualec & de Couké. Par-tout il ne trouvoit que des Ghebres & des Indiens qu'il falloit combattre. Il employa trente jours à cette expédition, & foumit les places de plufieurs Rayas qui depuis quelque tems vivoient dans l'indépendance. Il entra enfuite dans la province de Tchamou, où il reçut la nouvelle que Schah iskender, Roi de Kaschmir, s'étoit mis en chemin pour venir lui prêter ferment. Pendant ce tems-là le petit Roi de Tchamou fut vaincu & fait prifonnier, & fon pays fut ravagé. Après avoir également puni le Prince de Lahor qui s'étoit révolté, Tamerlan reprit enfin le chemin de Samarcande, où il fut reçu aux acclamations de tous les habitans (c). Il y fit bâtir une grande & fuperbe mosquée qui étoit foutenue par quatre cents quatre-vingts colonnes de pierre, hautes de fept coudées. La voute étoit entiérement revêtue de marbre: depuis l'architrave de l'entablement jufqu'au haut de cette voute il y avoit neuf coudées; les arcades des voutes étoient ornées d'inf-. criptions tirées de l'Alcoran. La porte étoit de bronze, & il y avoit en-dehors un minaret à chaque coin de la mofquée.

Après une fi grande expédition Tamerlan paroiffoit devoir jouir en paix des fruits de la victoire, & fe reposer de tant de fatigues; mais fon ambition lui fournit bientôt de nouveaux prétextes pour aller porter la guerre du côté de la Syrie. La conduite de fon fils Mirza Miran fchah qui occupoit alors les pays qui avoient été de la domination d'Houlagou khan, avoit indifpofé tous les peuples. Une chûte avoit causé à ce jeune Prince une maladie qui avoit altéré

(a) Le 7 de Dgioumadi elaoual. (c) Le 21 de Schaban de l'an 801. (b) Le 14 de Dgioumadi elaoual,

Tom. IV.

H

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