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L'an 1374.

l'or & des pierreries, on fit des fêtes magnifiques ; on dressa Apr. J. C. de tous côtés des tentes fuperbes qui étoient toutes brilTamerlan. lantes par l'or & les pierreries dont elles étoient enrichies; Tamerlan diftribua de riches préfens à tous les Officiers de fa Cour, & après avoir confulté les Aftrologues le mariage fut confommé.

L'an 1375.

Toutes ces fêtes ne furent pas plutôt achevées, que ce Prince reprit les armes, & marcha vers le pays des Getes (a), c'est-à-dire, dans les Etats du Khan de Kafchgar. Il éprouva un froid fi terrible, & il tomba tant de neiges & de pluie lorfqu'il fut arrivé à Rebat-catan, qu'il fut obligé de revenir à Samarcande, d'où il partit deux mois après (b). Son fils Mirza Dgihanghir qui commandoit l'avant-garde, se rendit à Seiram, & de-là à Jaroun. Il apprit en cet endroit d'un prifonnier que Camareddin, Chef de la horde d'Ouglat, & maître du pays de Kafchgar, étoit campé avec fon armée dans un lieu appellé Gheuktopa (c), où il attendoit Hadgi bei. Il se hâta de le joindre, mais Camareddin ne s'y trouvant pas en fûreté, fe retira dans un endroit inacceffible nommé Birké-gourian (d), qui eft fitué vers la riviere d'Ili; il y avoit trois détroits dans les montagnes, & dans chacun defquels couloit une riviere. Camareddin se posta dans le troifieme, où il fit des retranchemens. La bravoure des troupes de Dgihanghir franchit ces paffages dangereux. Il attaqua les ennemis le fabre à la main, & les força de prendre la fuite. Au lever du soleil, Tamerlan arrivé avec le refte de fon armée, envoya plufieurs Nevians à la poursuite des fuyards. On fuivit le courant de la riviere d'Ili, on foumit tous les pays voisins. Tamerlan de fon côté s'avança jufqu'à Baitac, & détacha le Mirza fon fils pour tâcher de prendre Camareddin. Le jeune Prince ravagea toutes les habitations des Getes qui étoient dans le pays d'Outché-ferman, à l'Orient de Kaschgar. Camareddin abandonna fes pays, & laiffa prendre plufieurs Princeffes de fa famille, entr'autres fa fille Dilcad-aga qui devint dans la fuite l'épouse de Tamerlan.

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Apr. J. C.

Ce Prince qui étoit refté pendant ce tems-là à Baitac, n'eut pas plutôt appris ces nouvelles, qu'il alla à la mon- L'an 1375. tagne de Cara-cafmac, où Dgihanghir vint le rejoindre: en- Tamerlan. fuite il marcha vers les campagnes d'Arpaïazi (a),& y reçut les hommages de Mobarek Schah, Chef des Mekrites. De-là il revint par Yaffi-daban à Uzkend, où la Princeffe Coutlouk tarkhan aga fa foeur vint au-devant de lui. Au milieu des fêtes qu'il donna à cette Princeffe, Adel fchah, fils de Bahram dgelaïr, confpira contre lui avec plufieurs autres Nevians; mais le projet n'ayant pû réuffir, Tamerlan arriva heureusement à Zendgir-ferai proche Nakhschab, où il fit punir quelques-uns des conjurés qui avoient eu l'impru dence de venir fe mettre entre fes mains, & pardonna aux autres. Au retour du printems (b) il ordonna à Adel schah, L'an 1376. qui étoit un de ceux-là, à Sarbouga, à Khatai bahadour à Eltchi bouga, de retourner avec trente mille cavaliers dans le pays de Kaschgar pour arrêter Camareddin, & alla de fon côté à la tête de fon armée dans le Kharizme, où fa présence étoit néceffaire. Il campa à Sepayé fur le bord du Gihon, où une partie de ses troupes, fous la conduite de Poulad, battit à Phariab ou Otrar, Tarkhan erlat & fon frere Turmisch qui furent tués dans l'action.

Pendant ce tems-là les Nevians qu'il avoit envoyés dans le pays de Kaschgar, avoient formé entre eux le deffein de fe révolter, & avoient raffemblé les Hordes de Dgelaïr & de Kaptchac, avec lesquelles ils étoient venus mettre le fiége devant Samarcande. Cette fâcheufe nouvelle que Tamerlan apprit au-delà de Kaht dans le Kharizme, l'obligeant de revenir à la hâte, il envoya devant lui fon fils Dgihanghir qui rencontra les ennemis dans un lieu appellé Karmina, où il les battit. Les Chefs pafferent dans le défert du Kaptchac, & fe retirerent à la Cour d'Ourous khan qui régnoit dans ce pays. Mais bientôt après fe révoltant contre ce Prince qui leur avoit donné un afyle, ils tuerent un de fes Officiers, & fe fauverent dans le Royaume de Kaschgar auprès de Camareddin, qu'ils irriterent de plus en plus contre

(a) C'est peut-être Paitfepon.

(6) L'an 777 de l'Hegire, l'an du Crocodile.

Tom. IV.

B

Apr. J. C.

Tamerlan, & qu'ils engagerent à lever une armée pour en1 an 1376. trer dans le pays d'Andecan, dont il fe rendit maître. Mais Tamerlan. Tamerlan n'eut pas plutôt pris la route de ce pays, que Camareddin ordonna à sa maison & à fa horde de quitter Atbafchi, lieu fitué vers le lac Palkati, dans lequel se jette l'Ili, & qu'il alla avec quatre mille chevaux fe pofter dans une embuscade, d'où il vint furprendre Tamerlan qui avoit envoyé toute fon armée à la poursuite des ennemis, & qui étoit refté avec environ deux cents hommes. Tamerlan exhorta en peu de mots fes foldats à faire leur devoir, & pouffa fon cheval contre les ennemis ; il fit des prodiges de valeur, & battit Camareddin malgré fa fupériorité; il remporta un second avantage fur ce Prince qui penfa être pris.

Tous ces fuccès furent fuivis d'un événement qui lui causa les plus grands chagrins. En rentrant dans Samarcande, il trouva cette grande ville dans le deuil & dans la trifteffe à l'occafion de la mort de fon fils aîné Mirza Dgihanghir. Il pleura amérement ce jeune Prince qui donnoit les plus grandes efpérances, lui fit faire de magnifiques funérailles, diftribua de grandes aumônes aux pauvres, fit des fondations pieuses, & lui fit élever dans Kesch un superbe mausolé (a). Son affliction étoit telle, qu'il ne prenoit plus aucun foin des affaires, & qu'il paroiffoit vouloir abandonner fon Empire; les Grands de fa Cour s'efforcerent de le confoler, en lui rappellant ce qu'un Souverain doit à fes peuples. Le tems adoucit infenfiblement fon chagrin, & il reprit, malheureusement pour les hommes, les rênes du gouvernement, ou plutôt la fuite de fes ufurpations. Quelques cavaliers auxquels il donna ordre d'arrêter Adel schah qui étoit dans les montagnes de Karatchouc, furprirent & mirent à mort ce Nevian dans un lieu appellé Ac-fouma, qui eft une tour bâtie fur le haut d'une montagne. En même tems d'autres Généraux qui étoient chargés d'aller contre Camareddin, battirent ce Prince dans le pays de Couratou, & revinrent chargés de dépouilles. Ces troupes ne furent pas plutôt de re

(a) Ce jeune Prince laiffoit de Khanzadé un fils appellé Mirza mohammed fulthan, & de fon autre femme Bakti

mulki aga, un autre fils nommé Mirza pir mohammed.

L'an 1376'

tour, que Tamerlan réfolut d'aller en perfonne contre Camareddin. Ses Généraux l'atteignirent à Bougam-afigheul, Apr. J. C. où ils le mirent en fuite, & fe rendirent maîtres de tous Tamerlan fes fujets, Tamerlan le poursuivit jufqu'à Coutchcar où Tokatmisch aglen vint implorer fon fecours contre Ourous, Khan du Kaptchac. Tamerlan de retour à Samarcande donna des troupes à ce Prince, & le renvoya dans le Kaptchac; quelque tems après il fe rendit lui-même dans ce pays pour le foutenir; enfuite (a) il le fit couronner à Saganac (b), & continua de le protéger dans les années fuivantes. Il nâquit vers le même tems à Tamerlan un fils L'an 1377. nommé Mirza Schahrokh (c), dont la naissance répandit beaucoup de joie dans l'Empire. Les Aftrologues confulterent le ciel à ce fujet, & tirerent l'horofcope du jeune Prince.

Tamerlan avoit alors à fe plaindre de la conduite d'Youfouf fofi, Roi du Kharizme, ce Prince avoit envoyé, malgré l'alliance qu'il avoit contractée, une armée dans les environs de Bokhara, enfuite il avoit fait arrêter fon Ambassadeur, & un courier chargé d'une lettre où l'on réclamoit le droit des gens. Rien n'ayant pû toucher Youfouf fofi, Tamerlan se mit en marche vers le Kharizme (d). Pen- L'an 1379. dant qu'il fit le fiége d'Eskiskuz, une partie de fes troupes fe répandit dans tout le pays & le ravagea. Youfouf fofi crut pouvoir en impofer à Tamerlan en lui offrant le combat feul à feul; mais il refufa de defcendre dans la prairie, lorsqu'il vit que ce Conquérant armé à la légere l'attendoit pour se battre avec lui; il n'ofa plus fe préfenter, & un de fes Généraux avec les meilleures troupes fit une fortie très-vive. Le combat dura depuis le matin jufqu'au foir, & il y eut depuis ce tems-là, pendant trois mois & demi que dura le fiége d'Urghens, plufieurs actions femblables. Dans cet intervalle Youfouf fofi mourut; les affiégés ne laifferent pas

(4) L'an 778 de l'Hegire, ou du Serpent, chez les Tartares, fur la fin de l'année.

(b) Voyez l'Hiftoire des Khans du Kaptchac dans le volume précédent.

(c) Le jeudi 14 de Rabi elakher de l'an 779. Sa mere étoit Serai moulk ca

num, furnommée Mahrebane, c'est-à-
dire, bienfaisante; elle étoit fille de Ca-
zan fulthan khan.

(d) Il revint à Samarcande au mois
Schoual de l'an 780 de l'Hegire, ou au
commencement de l'an de la Brebis, le
foleil entrant dans le figne des poiffons.

L'an 1379.

de fe défendre jusqu'à la derniere extrémité ; la ville fut prife Apr. J. C. d'affaut & livrée au pillage (a). Tous les Scherifs, les DocTamerlan. teurs, les Sçavans & les gens de métier qui furent faits prifonniers, furent envoyés à Kefch. Cette ville qui étoit la patrie de Tamerlan, devint depuis ce tems-là, & par l'attention que ce Prince eut toujours d'y envoyer les prifonniers diftingués par leur fcience ou par leur habileté dans les arts, une des plus célebres villes du monde. On lui donnoit le titre de Coubbat-el-ilm ou el-adab, c'est-àdire, le dôme de la fcience & de la vertu. On l'appelloit encore Scheher-febz, la ville verte, à caufe de la verdure & de la fraîcheur de fes jardins. Tamerlan en fit le fiége de fon Empire, & y fixa fon féjour pendant l'été. Il fit bâtir de nouvelles murailles & un nouveau palais, qu'il appella Ak-ferai, c'est-à-dire, le palais blanc, à caufe de la blancheur prodigieufe de fes murs. On avoit confulté les Aftrologues pour jetter les premiers fondemens de ce grand édifice.

Par la conquête du Kharizme Tamerlan avoit foumis tous les pays qui étoient auparavant de la dépendance de l'Empire du Zagatai. Mais fon ambition ne pouvoit être renfermée dans ces bornes qui lui paroiffoient trop étroites; le Khorafan le tentoit, & il cherchoit les moyens de pouvoir s'en emparer, ou au moins d'obliger Gaïatheddin pir aly, Prince de la Dynaftie des Kurts, qui y régnoit, à devenir fon tributaire & fon vaffal. Pour y parvenir, & faire naître quelques divifions qui occafionnaffent une guerre, il fit fommer ce Prince de venir en perfonne au Couroultai, ou à la Diéte, qu'il fe propofoit de tenir au commencement du printems. Gaïatheddin pir aly qui voyoit un orage prêt à fondre dans fes Etats, répondit à l'Envoyé qu'il fe rendroit à la Cour du Monarque Tartare, fi on lui envoyoit Seifeddin berlas, parent de Tamerlan ; il croyoit par-là se dispenser d'un voyage pour lequel il avoit beaucoup de répugnance. Mais Tamerlan qui pénétroit fes deffeins, confentit au départ de fon parent. Le Prince d'Herat reçut ce Nevian avec de grands honneurs, & l'arrêta long

(a) L'an 781 de l'Hegire, ou l'an du Mouton.

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