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L'ORIGINE ANCIENNE.

DE LA

PHYSIQUE

NOUVELLE.

PREMIE'RE LETTRE.

ARISTE A EUDOXE.

Arifte effaye d'attirer Eudoxe à fa Campagne. Il lui fait de ce fejour la peinture la plus propre à toucher un Phyficien Ilmarque fon goût pour la Phyfique en général, fa préven tion pour la Nouvelle Physique, & contre la Phyfique Ancienne.

N

E pourrai-je donc, cher Eudoxe, vous engagerà quitter Paris, pour venir faire quelque féjour à

ma Campagne ? Ma Campagne

Tome I.

A

eft une folitude; mais la folitude la plus belle pour un Phyficien. La Nature a pris plaifir à réunir dans nos climats ce qui peut piquer fes obfervateurs les plus curieux. Nous y voyons la Terre ouvrir son sein pour offrir à nos obfervations les Minéraux, lesTMTM Sels, les Métaux, les richeffles qu'elle enferme. Sur la furface de la Terre, ce font des Jardins, des Prairies, des Plaines, des Côteaux couronnés de Raisins. Ces Côteaux nous donnent des fourcès, qui portent la fécondité dans nos Plaines, dans nos Jardins, & dans nos Prairies. Ce font des Eaux tranquilles dans nos Prairies; des Eaux jailliffantes dans nos Jardins: par tout, des Fleurs & des Fruits de toutes les faifons, & qui brillent de toutes les couleurs. Ce font des Bois, qui font la retraite de cent efpéces d'animaux; des Vallées & des Montagnes, dont

les Echos ne fe laffent point de ré péter ce qu'on leur dit; des Avenuës longues & larges, où les. Ormes immobiles (emblent s'approcher les uns des autres à proportion que l'on s'éloigne d'eux; ou s'éloigner les uns des autres, à mefure qu'on s'en approche ; des Perspectives, qui nous touchent d'autant plus, qu'elles trompent nos fens ; des vûës terminées par une Mer tantôt calme, tantôt écumante, toûjours: affez réguliére dans fon Flux & fon Reflux.

Eft-il un Horifon plus varié, plus étendu,plus libre au même temps? Il y regne un air pur, tempé ré, fain. Les Aftres qui éclairent la nuit cet Horifon Vous invitent, ce semble, à les obferver. Ne craignez point, Eudoxe, que leur uniformité vous ennuye." Quoiqu'ils foient fufpendusà des

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millions de lieuës d'ici, de temps en temps on y voit d'ici des changemens bien plus confidérables, que ceux qui fe font fur la Terre. Si quelques nuages dérobent pendant la nuit à nos yeux un Ciel d'Azur, & femé d'Etoiles, c'est pour varier nos plaifirs. Alors l'Atmosphére étale fes Phé-nomenes. Quelquefois Vous croiriez que l'Aurore s'empresse de paroître dès le foir. Quelquefois, c'eft un Tonnerre qui gronde mais comme le Tonnerre n'eft à craindre qu'un inftant, & que les Phyficiens fçavent difcerner cet inftant redoutable; ce bruit, qui répand la terreur partout, leur cause peu d'allarmes. Que dis-je ? Les bifarreries mêmes de la Foudre ont de quoi réjouir l'efprit, qui les obferve & qui les fuit de près, pour en découvrir les caufes fecrétes.

Que j'aimerois un tel féjour, Eudoxe, fi je vous y voyois ! il me revenoit fort, avant que j'euffe avec vous à Paris tant d'entretiens (1), qui m'ont mis au fait de la Phyfique Nouvelle. Il a, ce me femble, depuis ce temps-là, de nouveaux agrémens qu'il vous doit. Auparavant, je n'appercevois que les dehors des chofes. Maintenant je puis pénétrer dans ce qu'elles ont d'intime; je fuis admis dans les myftéres. Je voyois un Spectacle magnifique mais j'ignorois les refforts qui faifoient jouer les machines , pour me donner ce Spectacle. Je découvre enfin les refforts; & la connoiffance de ces refforts me touche autant que le Spectacle mê

me.

(1) Les Entretiens fique Nouvelle en Phyfiques d'Arifte, Dialogues.

&d'Eudoxe,ou Phy

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