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Quand je me promene parmi tant de merveilles, j'aime à le faire, pour ainfi dire, fur les traces de la Nature. J'obferve avec plaifir comment elle s'y prend, par exemple, à former dans l'intérieur de la Terre les Sels, les Métaux, les Pierreries; à placer fur le panchant d'une colline, une fontaine dont l'eau vient rapidement embellir nos Jardins ; à faire éclore les plantes, les fleurs, les fruits; à répandre fur mille objets divers autant de couleurs différentes, que la Nuit efface, & que le Jour a rétablies en un inftant; à produire dans les Animaux, qui n'ont point de raifon, des mouvemens que la raifon conçoit à peine; à forcer un élément auffi peu traitable que la Mer, de fuivre fi reguliérement les loix du Flux & du Reflux ; à allumer tant de feux dans la ré

DE LA PHYSIQUE NOUVELLE. 7 gion la plus froide de l'Atmosphére; enfin, à faire fuccéder au plus beau jour, fur notre Horifon, une nuit encore plus belle. De pareilles obfervations conduifent agréablement mon efprit jufqu'à l'Auteur de la Nature.

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Suis-je las d'obferver la Nature en elle-même? je me délaffe avec les Phyficiens modernes. Ils m'accompagnent par-tout; & vos entretiens m'ont mis en état de les entendre & de les goûter., Il faut l'avouer ; je ne connois,je ne goûte que les Phyficiens modernes. Ils n'ont pas tous, pour la Phyfique Ancienne, les mêmes égards que vous : & les traits qu'ils lancent fur elle de temps en temps, ne préviennent point en fa faveur.

Dans le fonds, Eudoxe, croyezvous que nous ayons perdu beaucoup à venir après les autres ? A parler franchement, je me fçai

bon gré de n'avoir point été du nombre des Anciens, & à cause du caractere de la Phyfique Ancienne, & parce que je n'aurois ni l'efpérance que j'ai de vous voir ici, ni le plaifir de vous affûrer que je fuis avec toute la reconnoiffance dont je fuis capable, &c.

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SECONDE LETTRE.

EUDOXE A ARISTE.

Eudoxe, qui ne peut quitter Paris, engage un commerce de Lettres Philofophiques. Il loüe la Phyfi que & le goût d'Arifte pour elle. Mais il lui infinue que (a prévention va trop loin; & qu'en remontant jufqu'à la fource des chofes. il verroit avec plaifir dans la Phyfique Ancienne, l'Origine de la Phyfique Nouvelle.

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N ne fuit point toûjours fon goût; & l'on a besoin quelquefois d'être un peu Philofophe. Tout m'attire dans votre folitude, Arifte ; & tout, excep té mon inclination, me retient à Paris. Mais les Amis fe voient de

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loin. Ne fçauroient-ils s'entretenir de vive voix? ils fe dédommagent par Lettres. La distance des lieux n'empêche pas un doux commerce de penfées & de lumiéres. On peut joüir à Paris des réflexions Philofophiques de votre folitude; & j'espère que vous nous en ferez part.

Je fuis ravi de vous voir confacrer vos beaux jours à la recherche de la vérité. La Phyfique, la connoiffance des ouvrages d'une fageffe fans bornes, a fes agrémens & fon ufage. Les Phyficiens voient bien des chofes inconnuës au Vulgaire. Ils ne font point fixés fur la furface d'une Sphère étroite. Ils peuvent s'élever de Planetes en Planetes, paffer impunément de Tourbillons en Tourbillons, & fe promener à leur gré dans les espaces immenfes des Cieux. Dieu même

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