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foumise à la domination romaine, & diftinguée par le nom de Provincia, la mesure du Mille qui étoit propre au peuple dominant fut employée dans les distances itinéraires. C'est par une forte de complaifance pour une nation puissante, & long-tems la plus redoutée des Romains, que ce qui étoit hors des limites de cette Province, & dont la conquête fembloit réservée à Céfar, conferva l'ufage d'une mesure établie chez la nation, & défignée par le terme de Leuca, ou de Lieue.

La connoiffance du Mille romain dans une jufte évaluation de fa longueur, eft trop utile à la Géographie, en ce qu'elle peut fuppléer au défaut de quelque autre détermination pofitive fur bien des efpaces, pour que cette connoiffance n'ait pas été pour moi l'objet d'une étude particulière & scrupuleufe. Dans un Mémoire donné à l'Académie au mois de Février 1755, j'ai raffemblé divers moyens également propres à fixer le terme convenable au Mille romain. Plufieurs efpaces plus ou moins étendus, & mefurés fur des voies romaines en Italie, entre des pofitions déterminées la plûpart en rigueur géométrique, ont donné lieu d'évaluer le Mille par des réfultats particuliers, depuis 752 jusqu'à 757 toifes. Le total de ces différens efpaces renfermant jufqu'à 249 milles, & répondant à environ 188250 toifes par la mesure actuelle du local; il réfulte d'une fomme de milJes assez considérable pour que les variétés en plus

ou en moins foient compenfées, que la mesure commune du Mille eft de 756 toifes. Le Mémoire dont je viens de parler, fournit un détail de circonftances fur ce que je me borne à exposer ici fommairement. Il eft naturel que ce qu'on trouve d'intervalle d'une colomne milliaire encore debout & fur pied, à une autre pareille colomne qui la fuit immédiatement, foit regardé comme une indication exiftante de l'efpace que contenoit le Mille romain. Plufieurs de ces intervalles ayant été mefurés en Languedoc, qui faifoit partie de la Province romaine; la plus forte de ces mefures eft donnée de 756 toifes. M. Manfredi nous a appris, que de pareils efpaces fur la voie Appienne entre Rome & Albano, mefurés à la chaîne, aftis funiculo menfuris, c'est-à-dire fur la furface même du terrain, par M. Bianchini, lui ont paru répondre exactement à ce que devoit valoir le Mille romain par la mesure élémentaire du Pied romain, conformément à celle du Pied capitolin, qui eft le fruit des recherches de Lucas Poetus fur la longueur du Pied en particulier. Ce Pied, qui comparé au Pied de Paris divifé en 1440 parties, ou dixièmes de ligne, eft borné à 1306 de ces parties, felon une mefure moyenne entre des comparaifons qui ne diffèrent que d'un dixième de ligne en plus ou en moins, fait évafuer les mille pas romains à 756 toifes. Je fçai que par des hypothèfes fondées fur des rapports

Cap. 36.

entre des mesures de capacité, ou des valeurs monétaires, & le Pied romain; on a cherché à donner plus de longueur à ce Pied, & conféquemment plus d'efpace au Mille romain. Quant au Pied, il paroît moins équivoque de le confidérer étroitement en lui-même. M. l'abbé Barthélemi, dans le féjour qu'il a fait à Rome, a tiré de la mefure la plus fcrupuleufe de plufieurs Pieds antiques, fuivant le compte qu'il en a rendu à l'Académie, & de concert avec le P. Jacquier, une évaluation du Pied romain à 1306 ou 1307 parties du Pied de Paris. Et pour ce qui concerne le Mille, il feroit difficile d'y faire entrer 16 ou 17 toifes de plus que ce que prefcrivent les espaces fur le local, & que ce qui eft limité fpécialement par l'intervalle des colomnes milliaires.

La longueur du Mille romain détermine celle de la Lieue gauloife, qui étoit de 1500 pas, felon le témoignage de Jornandés: Leuga gallica mille & quingentorum paffuum quantitate metitur. On trouve dans un ancien traité d'arpentage, Milliarius & dimidius apud Gallos Lewam facit, habentem paffus mille quingentos : & dans l'auteur de la vie de Saint Rémacle ; dicitur autem Leuca apud Gallos fpatium mille quingentorum paffuum; &par ce qui fuit immédiatement, id eft duodecim ftadiorum, c'est la même définition que celle du Dolichos des Grecs dans Héron le méchanicien. Un paffage d'Ammien-Marcellin, auteur plus an

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cien que ceux qui ont ainsi défini la Lieue gauloife, témoigne qu'ils ont accufé jufte: quarta Lib. XVI. Leuca fignificatur & decima, id eft unum & viginti millia paffuum. Enfin, quelques routes dans l'Itinéraire d'Antonin, où les distances fe trouvent marquées doublement, & en Milles comme en Lieues, dans la partie de la Gaule où l'ufage de la Lieue paroît prévaloir fur le Mille, concourent à indiquer la même proportion entre les 'deux mefures itinéraires. Or, l'évalution du Mille à 756 toises, donne celle de la Lieue à 1134.

Indépendamment du Mille romain & de la Lieue gauloife, on trouve l'emploi des Stades 'dans quelques distances qui paroiffent concerner la marine, & rélatives aux pofitions qui bordent les rivages de la mer. Que le Stade soit une mefure effentiellement Grèque, c'est ce qui eft connu de tout le monde. On eft même prévenu communément que huit Stades font l'équivalent d'un Mille romain. Mais, il faut qu'une étude profonde de la Géographie ait fait fentir le befoin de connoître des distinctions, dans des mesures itinéraires de l'antiquité confondues sous le même terme, fi l'on veut en découvrir la convenance avec les efpaces correfpondans du local actuel, pour être bien assuré qu'on a fait ufage d'un Stade plus court d'un cinquième que le Stade olympique, ou ordinaire, c'eft-à-dire réduit au dixième du Mille romain. J'ai eu occasion de produire la

notion particulière que j'avois de ce Stade, dans plusieurs écrits qui ont précédé celui-ci. Quoique j'en croye l'usage plutôt antérieur à l'autre Stade que plus récent, je l'ai néanmoins trouvé fubfiftant dans un fiècle où la Grande-Bretagne étoit comme la Gaule rangée fous la domination romaine, ce Stade étant fpécialement propre à Voyez l'article la mefure du trajet alors établi entre la Gaule & Geforiacum, vel Bononia. l'ifle Britannique. On n'eft point embarraffé de fçavoir d'où eft venu cet ufage du Stade. Les Marfeillois fur un rivage de la Gaule, où ils étoient arrivés long-tems avant que les Romains connuffent de Stade en portant leurs armes dans la Grèce, fe font fervis d'un Stade fur les côtes de la Méditerranée. Les progrès de leur commerce en pénétrant dans l'Océan, où l'on fçait qu'un de leurs citoyens, Pytheas, avoit pouffé les découvertes du côté du nord, ont transporté la même mefure pour l'eftime de la navigation, dans des parages où aucune efpece de Stade n'étoit connue d'ailleurs.

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Il ne paroîtra peut-être pas naturel, que dans des recherches qui concernent l'ancienne Géographie, des fçavans d'un mérite très-distingué ayent fait entrer les anciens Itinéraires, fans une détermination préalable des mesures qui devoient y être propres. Il n'étoit pas pratiquable à Nicolas Sanfon, le premier qui ait défriché dans l'étendue de la Gaule un champ prefque inculte avant lui,

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