pour un effet des faintes exhortations de de Saint-Varte, quiavoit auffi fait femer le bruit que bientôt il en feroit autant lui-même, continuerent leurs artifices avec tant de fuccès,qu'ils firent tranfporter à Avignon chez leur complice qui y étoit déja,la plus grande partie de nos richeffes. J'étois agité d'une cruelle inquiétude touchant ma deftinée: car de SaintVarte qui venoit de me faire fortir du College me regardoit de fort mauvais œil, & je me préparois à faire un coup de maître, c'est-àdire à prendre au logis le plus d'or que je pourrois & fuir quand un nouveau malheur fit avorter ces projets.

Une nuit que nous dormions profondément,le feu prit par je ne fçais quel accident dans le bas de notre maifon & gagna le refte avec tant de promptitude, que les

efcaliers

efcaliers étoient déja en cendres lorfque nous nous réveillâmes : nous fîmes à cet éffroïable spectacle retentir l'air de nos cris, & implorâmes le fecours du peuple qui étoit accouru en foule & venoir. d'enfoncer la porte; mais n'y ayant plus d'escalier, perfonne ne nous put fecourir & il fallut chercher notre falut dans la hardieffe & la légereté. Je montrai l'exemple & fautai par la fenêtre, graces à Dieu fans me faire aucun mal, un des camarades de de Saint-Varte fit de même, mais de Saint-Varte qui vouloit nous fuivre n'ayant pas bien pris fes mesures, fe brifa la cervelle en tombant. On le porta fur le champ chez un Chirurgien où il mourut deux heures après confeffant à haute voix fes crimes. Son autre camarade pour avoir trop tardé à fauter fut confumé enfin le feu devint fi violent qu'il

B

put

eût gagné tout le quartier, fi l'on n'eût eu la précaution d'abbatre les maifons voisines que les flammes avoientdéja endommagées. On ne fauver de cet incendie aucun meuble précieux, tout y périt,plufieurs perfonnes eurent même le malheur d'y perdre la vie. On n'entendoit que cris,plaintes & gémiffemens douloureux; l'un pleuroit fon pere étouffé dans la foule,l'autre fa fœur écrasée par une poutre ardente tombée fur fa tête. Celui-ci avoit un bras caffé ; ce; lui-là étoit à demi rôti, pour s'être témérairement avancé dans les flammes à deffein de butiner; & moi qui m'abandonnois au defefpoir, tout le monde me rebutant à caufe de ma feule qualité de beau-fils de de Saint-Varte,que la confeffion de fes crimes venoit de rendre odieux. Je courus dès qu'il fut jour aux Carmelites où

grin que

de de

ma mere s'étoit renfermée, pour lui apprendre ces funeftes nouvelles. Mais hélas! en quel état la trouvai-je! Cette pauvre femme qui n'avoit pû furmonter le chalui caufoit l'ingratitude Saint-Varte,n'avoit plus que la peau & les os, & paroiffoit n'avoir attendu que ma trifte vifite pour mourir enfuite; car mon difcours lui porta un tel coup qu'il fallut la mettre au lit auffitôt. Elle me baigna de fes larmes pendant plus de deux heures, prévoiant prefque tous les malheurs qui m'alloient arriver, ausquels elle ne pouvoit remedier, & me renvoïa avec fix louis d'or, les feules richeffes qu'elle poffédoit, dont heureusement elle n'avoit pas grand befoin, de Saint-Varte aïant donné une fomme aux Re

ligieufes pour la nourrir jufqu'à fa mort. Ce fut la premiere & la der

niere fois

que je vis ma mere dans ce Couvent; car y aïant retourné le lendemain, j'appris qu'elle étoit expirée vers les fix heures du matin, & on me remit, fuivant fes ordres, le peu de bijoux qu'elle avoit. Que la jeuneffe a peu d'expérience! Je ne reffentis pas alors autant que je l'aurois dû, une perte de cette conféquence; bien loin de cela, j'eus une espece de fatisfaction de me voir mon maître, & de pofféder quelque chofe; & comme j'étois, quoiqu'âgé feulement de dix-fept ans, d'une taille & d'une phifionomie trèsavantageufe; que je poffédois à fond la Langue Latine & les manieres du monde, je me produifis dans les compagnies paré d'un habit très-propre, & fous le nom fuppofé du Chevalier de Larville. Je vécus fix mois de la forte,fans penfer à la mifere qui alloit fuccé